Louis IX dit Saint Louis : Roi de France (Poissy, 1214 — Tunis, 1270). Petit-fils de Philippe Auguste (1165-1223) et grand-père de Philippe le Bel (1268-1314), Louis IX (1214-1270), plus connu sous le nom de Saint Louis, est l'un des maillons essentiels de l'histoire capétienne, qui, au fil des siècles, assit la légitimité de l'autorité royale sur la France. Son règne contribua à fonder l'idée de l'incarnation d'un pouvoir politique et spirituel en un homme singulier et non plus seulement en un Dieu universel. L'idée de justice, profondément associée à sa personne, et les croisades assureront sa postérité spirituelle. Son action politique atténue les excès de la féodalité au profit de la notion d'intérêt général.

Né le 25 avril 1214 à Poissy, le futur monarque est le troisième enfant de Louis VIII (1187-1226) et de Blanche de Castille (1188-1252). La sœur du futur Louis IX disparaît au moment de sa naissance et son frère aîné, Philippe, quatre ans plus tard, à neuf ans, en 1218. Son père est l'un des souverains les moins connus de l'histoire de France ; lorsqu'il meurt, le 7 novembre 1226, il a régné seulement trois ans. Unique héritier du trône, Louis est sacré à Reims le 29 novembre et, pour la première fois dans l'histoire capétienne, une reine assure la régence, conformément au testament de Louis VIII et en dépit des réticences des barons. Pour la première fois aussi, un enfant de douze ans succède à son père sans difficulté notable. La preuve est faite que la dynastie capétienne est désormais solidement implantée.

La régente, Blanche de Castille, est la petite-fille d'Aliénor d'Aquitaine. Femme énergique et pieuse, elle a laissé un souvenir mitigé : certes les contemporains reconnaissent ses qualités et son efficacité dans l'exercice du pouvoir, mais ils lui reprochent volontiers l'influence, à leurs yeux excessive, qu'elle a exercée sur son fils. Les historiens d'aujourd'hui nuancent ce jugement et soulignent l'importance du précepteur de Louis et des conseillers de son père dans la formation du jeune souverain.

Les témoignages des contemporains sur le roi sont exceptionnellement abondants, et c'est là, certainement, l'une des raisons de la célébrité de Saint Louis. Joinville (1224-1317), qui fut très proche du roi lors de la croisade de 1248-1254, rédige en 1309 un Livre des saintes paroles et des bons faits de notre roi Louis . Au lendemain de la mort du roi, son confesseur, Geoffroi de Beaulieu, et son chapelain, Guillaume de Chartres, qui l'a accompagné lors de ses deux croisades, s'attachent également à relater sa vie. Par ailleurs, Guillaume de Saint-Pathus, confesseur de Marguerite de Provence (1221-1295), puis de sa fille Blanche, a écrit une Vie de Louis . Outre-Manche, le témoignage du chroniqueur Matthew Paris (mort en 1259) utilise largement les souvenirs de Henri III (1207-1272), compagnon de Louis IX lors de la VII e croisade. Le roi lui-même, enfin, a laissé des Enseignements , rédigés lors du siège de Tunis, à l'attention de son fils Philippe.

Mince, de haute taille mais de santé fragile, le roi est blond et élégant. Son caractère est volontiers emporté et il a le sentiment très vif de son autorité. S'il écoute sa mère, c'est parce qu'il est convaincu de la pertinence de ses conseils plutôt que par docilité. Peu expansif dans ses témoignages d'affection, il semble avoir été très attaché à Marguerite de Provence, qu'il épouse le 27 mai 1234, alors qu'il vient d'atteindre sa majorité. Le couple aura onze enfants ; le roi restera toujours attentif à leur éducation. Il demeure également proche de ses frères : Robert, à qui il confie l'Artois ; Alphonse, nanti de l'apanage du Poitou et soutien efficace ; Charles, enfin, installé en Anjou et qu'il doit, à plusieurs reprises, rappeler à l'obéissance.

Le roi apparaît comme un homme dont la dévotion répond aux aspirations spirituelles du XIII e siècle. Il prie chaque jour, est assidu à la messe et communie lors des grandes fêtes. Fortement inspiré par les ordres mendiants – le souverain apprécie la compagnie des dominicains et des franciscains –, il est un auditeur passionné de sermons. Il aime citer des exemples et des anecdotes qui lui permettent d'affirmer sa foi. Sa piété s'appuie sur les œuvres, sur des aumônes généreuses, comme sur la participation aux travaux de construction de l'abbaye de Royaumont, fondée grâce à un legs de son père. Louis est également très attaché aux reliques : en 1239, il rachète aux Vénitiens celles de la Passion (couronne d'épines, clou du Christ en croix), que ces derniers avaient reçues en gage de Baudouin II, empereur latin de Constantinople ; afin de leur donner un cadre digne d'elles, il fait construire entre 1241 et 1248 la Sainte-Chapelle, à Paris.

Louis VIII a laissé un domaine royal certes agrandi, mais amputé des différents apanages prélevés pour ses fils. Blanche de Castille et le jeune roi – qui laisse à sa mère la conduite des affaires au moins jusqu'en 1242 – doivent ainsi faire face à des révoltes de barons dès 1226, et toute la première partie du règne jusqu'à la croisade est occupée par le souci de mater les rébellions – en particulier celle de Pierre Mauclerc, duc de Bretagne – et de consolider le pouvoir royal. Louis se montre bon guerrier et habile stratège. Avec ses propres méthodes, il poursuit l'effort d'unification du territoire français entrepris par ses prédécesseurs.

Entre 1209 et 1229, la situation en pays cathare est préoccupante, tout comme l'attitude du comte Raimond VII de Toulouse. Finalement, après la croisade contre les albigeois, le traité de Lorris (1243) confirme la soumission du Languedoc et couronne de succès la lutte contre l'hérésie, entreprise depuis 1229. Cette victoire de Louis IX consacre, avec la présence royale dans le Midi, la ruine de la culture d'oc.

La question principale est celle des relations avec le roi d'Angleterre, Henri III, qui avait apporté son soutien à la révolte dans le Sud-Ouest. Lors du traité de Paris (28 mai 1258, ratifié en décembre 1259), Louis IX rend à Henri III une partie des domaines qu'il réclamait dans les diocèses de Limoges, de Cahors et de Périgueux, et dont la possession n'avait jamais été clairement définie. À cela s'ajoute la promesse de la partie de la Saintonge, au sud de la Charente, qui devait revenir à Henri III à la mort d'Alphonse de Poitiers. En échange, Henri III reconnaît l'appartenance à la couronne de France de la Normandie, de l'Anjou, de la Touraine, du Maine et du Poitou. Louis peut considérer que les clauses, âprement discutées, du traité instaurent une entente durable entre la France et l'Angleterre.

Dans le même esprit que pour le traité de Paris, Louis IX signe en 1258 le traité de Corbeil avec le roi d'Aragon et renonce à ses droits sur le Roussillon et Barcelone, tandis que le roi d'Aragon abandonne toute prétention sur la Provence et le Languedoc, Narbonne exceptée. Par son mariage avec Marguerite de Provence, le souverain avait acquis un droit de regard sur la France du Sud et ouvrait ainsi de nouvelles perspectives à la monarchie capétienne.

Sur le plan intérieur, Louis IX cherche à exercer un gouvernement efficace et multiplie à cet effet les ordonnances royales. Il associe les barons à cette entreprise et développe son administration. Une mesure essentielle concerne les officiers royaux : des enquêteurs sont envoyés en province, et des baillis établis dans des circonscriptions. À Paris, le parlement, spécialisé dans les actions judiciaires, et la Cour des comptes, chargée des finances, redoublent d'activité. À son retour de croisade, le roi affirme davantage encore son souci de justice, et les ordonnances de 1254 et de 1256 définissent les devoirs et les procédures de contrôle des officiers royaux.

C'est dans le sens d'un affermissement des prérogatives royales que s'inscrivent les ordonnances de 1263 et de 1265 : désormais, la monnaie royale jouit d'un cours forcé sur tout le royaume, et dès 1266 on frappe deux nouvelles monnaies : un gros d'argent et une pièce d'or. Le règne de Louis devient celui de la « bonne monnaie » qu'évoqueront avec nostalgie les générations suivantes. Ces décisions, qui ne furent pas populaires chez les barons, répondent à un souci d'ordre moral tout en affirmant la supériorité du pouvoir royal. Et c'est bien là l'originalité du règne de Louis IX : la combinaison de la spiritualité et de l'intérêt du royaume, en l'occurrence celui de la monarchie.

Souverain convaincu de la dignité royale et des devoirs inhérents à sa charge, Louis IX a développé toute une symbolique du pouvoir. Ainsi organise-t-il la nécropole royale à Saint-Denis après 1239 : dans le chœur reconstruit de l'abbatiale apparaissent exclusivement les tombeaux des rois et des reines ayant régné sur la France depuis les Carolingiens, témoins de la supériorité du sang royal et de la continuité des dynasties. C'est également au nom de cette très haute idée de la fonction royale que le roi conduit ses relations avec les autres souverains, se refusant à soutenir le pape contre l'empereur Frédéric II (1194-1250) ou les barons anglais en révolte contre Henri III.

Lorsque Louis monte sur le trône, l'idéal de croisade qui avait marqué les deux siècles précédents s'est fortement affaibli. En Terre sainte, les positions sont désormais fixées ; aucun appel à l'aide ne vient d'Orient et il ne semble pas que puisse à nouveau se lever un mouvement comparable à l'élan enthousiaste des premières croisades. En 1239-1240 pourtant, les barons menés par Thibaud de Champagne (1201-1253) tentent une expédition, mais elle se révèle désastreuse. En fait, la décision de partir relève de Louis seul.

La VII e croisade : En décembre 1244, à la suite d'une grave maladie, le roi fait le vœu personnel de se croiser. Aucune remontrance de son entourage ne parvient à le détourner de son projet, quelles que soient les inquiétudes que suscite une inévitable régence.

Le pape Innocent IV (1195-1254) réunit à Lyon un concile qui se tient en août 1245 et envoie un légat prêcher la croisade. Louis va consacrer trois ans à préparer son expédition – il fait construire le port d'Aigues-Mortes – et à réorganiser son administration. En 1247, une grande enquête est confiée à des moines mendiants pour relever toutes les injustices commises auprès des populations et y porter remède. Le roi se montre aussi soucieux d'assurer la paix intérieure que la paix extérieure. Espérant convaincre les Mongols de l'intérêt d'une alliance militaire contre les sarrasins, il leur envoie une ambassade menée par André de Longjumeau.

Le roi, accompagné de son épouse, de son frère Charles d'Anjou (1226-1285) et du légat pontifical, quitte le royaume le 25 août 1248, laissant la régence à Blanche de Castille. Il a été convenu de diriger l'attaque vers l'Égypte, et l'armée royale débarque près de Damiette après avoir fait étape à Chypre. Pour des raisons qui tiennent au choix du terrain et à la division des forces occidentales, et en dépit du succès initial de la prise de Damiette, l'expédition est un échec certain : le roi est fait prisonnier à Mansourah le 5 avril 1250. Avec l'aide de son épouse, qui tient Damiette, Louis négocie sa rançon et celle de ses chevaliers (Damiette et 500 000 livres sont offertes au sultan d'Égypte) et obtient une trêve de dix ans avec l'Égypte.

Louis ne rentre pas pour autant immédiatement en France et aide les villes chrétiennes – Jaffa, Sidon, Acre – à renforcer leur défense et leur administration. Ce n'est qu'après avoir appris la mort de sa mère (Blanche de Castille s'éteint en décembre 1252, mais la nouvelle ne parvient aux croisés qu'au printemps 1253) que le roi accepte de rentrer en France.

Le roi et son armée entrent à Paris le 7 septembre 1254, après six années d'absence. Très affecté par son échec en Orient, qu'il interprète comme la punition de ses péchés, Louis va s'efforcer de réformer sa vie et son royaume dans un esprit pénitentiel qui ne le quittera plus jusqu'à sa mort.

Si la première partie du règne a permis de distinguer la sphère royale du système féodal, cette dernière période souligne encore plus profondément l'identification d'un homme à la fonction suprême de roi agissant dans l'intérêt du bien commun. C'est de cette époque que datent les grandes ordonnances : celle de 1254, qui interdit les jeux de hasard et d'argent ; celle de 1258, contre les Juifs ; et d'autres, qui interdisent le duel judiciaire, la prostitution et le blasphème. Enfin, en 1262, une ordonnance confirme la tutelle royale sur les villes.

La VIII e croisade : N'abandonnant pas l'espoir de prendre sa revanche en Terre sainte, le roi prépare la VIII e croisade, qui, en 1270, se dirige vers Tunis. Lors du siège de la ville, l'armée est décimée par la peste, qui emporte Louis le 25 août. Charles d'Anjou ramène en France, avec son armée, le corps du roi, qui sera enterré à Saint-Denis auprès de ses ancêtres.

Louis a connu des échecs indiscutables, dont les plus flagrants sont ceux des croisades.

Il a toutefois bénéficié d'une estime générale, qui tenait autant à la sagesse de ses ambitions (s'il refuse pour ses frères la couronne d'Allemagne en 1240, puis celle de Sicile en 1253, il l'acceptera finalement en 1266) qu'au rôle de défenseur de la paix et d'arbitre impartial qu'il a accepté de jouer entre les grands de son royaume, auprès de ses sujets et dans les affaires européennes. Son règne, marqué par la prospérité, la paix et le souci de justice, laissera un souvenir nostalgique aux générations suivantes (« le bon temps Monseigneur Saint Louis »), qui connaîtront des temps difficiles.

Aussitôt après sa mort, Louis apparaît comme un saint aux yeux de son entourage et de ses sujets. Aussi, dès 1272, une demande de canonisation est déposée auprès du pape. En 1278, Nicolas III ordonne une enquête, et c'est pendant le pontificat de Boniface VIII, en 1297, qu'est accordée la canonisation. Cette décision répond à un souci politique et sert les intérêts de la monarchie capétienne, fière de compter désormais un saint dans ses rangs. Tout en reconnaissant les vertus du roi, l'Église a surtout voulu sanctifier un laïc, un homme de son temps qui a su mener sans ostentation une vie édifiante. C'est ainsi que passe à la postérité l'image de Saint Louis, roi juste et pieux.