Les fermiers-généraux : Dans la France de l'Ancien Régime, les fermiers généraux étaient des financiers qui prenaient «à ferme» (c'est-à-dire qu'ils en assuraient le recouvrement) la perception des impôts indirects et l'exploitation des monopoles fiscaux, dont ils avançaient le produit à l'État . En France, le système fut adopté au Moyen Âge par le roi pour tirer parti de son domaine propre, ainsi que par les seigneurs ; il fut aussi étendu aux impôts indirects. Le roi ne disposait pas de fonctionnaires assez nombreux et assez honnêtes pour lever directement l'impôt; il était toujours à court d'argent et ne pouvait attendre la rentrée toujours irrégulière des fonds collectés. L'affermage de l'impôt pour plusieurs années assurait, pendant la durée du bail, des revenus déterminés et dispensait du souci de recouvrer des droits multiples, toujours mal définis, souvent contestés, variables infiniment d'un lieu à un autre. La fiscalité indirecte de l'Ancien Régime était un chaos. Il y fut mis un semblant d'ordre par Sully puis par Colbert au XVII e siècle. Ils travaillèrent à regrouper les taxes et monopoles affermés en quelques lots considérables. Ainsi, ils ne traitèrent plus qu'avec quelques gros financiers, les « traitants », ou avec des sociétés de « partisans », chaque société étant nommée un «parti». Ces financiers passaient avec le roi un traité; ils prenaient en adjudication le droit de perception, puis ils se remboursaient sur les contribuables. Colbert distingua les fermes générales des douanes intérieures (d'où le nom commun de fermiers généraux), celles du monopole sur le sel (la gabelle) et sur le tabac, celles des droits sur les boissons. Les filles des fermiers généraux étaient souvent recherchées en mariage par de grands seigneurs ruinés qui « redoraient leur blason » par une mésalliance. M me de Grignan, fille de M me de Sévigné, maria son fils aîné à la fille d'un traitant : elle s'en excusait en disant, devant sa belle-fille, qu'« il fallait mettre du fumier sur les meilleures terres ». De même, un prince de la maison d'Auvergne, le comte d'Évreux, surnommait sa femme, fille de Crozat, « mon lingot d'or » (c'est, en effet, grâce à elle, épousée lorsqu'elle avait douze ans, qu'il put faire construire en 1718 ce qui allait devenir le palais de l'Élysée) . Mais, au XVIII e siècle, le ton changea quand les fermiers généraux eux-mêmes épousèrent des « filles de qualité ». Avec ces regroupements, le revenu de l'État augmenta de 60 % en quelques années ; au XVIII e siècle, avec l'enrichissement du pays, il tripla. Les fermiers y trouvèrent leur compte : sur la fin du règne de Louis XIV, un Samuel Bernard (que le Roi Soleil faisait monter dans son carosse), un Crozat étaient, malgré des origines plébéiennes, d'importants personnages qu'on ne méprisait plus et qui étaient alliés aux plus grandes familles. Leurs successeurs figurèrent dans l'élite sociale de l'Ancien Régime finissant . Mais ils étaient très impopulaires : on leur reprochait leurs gains élevés, leurs habitudes de corruption à l'égard des grands personnages de l'État afin de se les concilier . Leur système de perception était d'ailleurs lourd et tracassier avec, surtout pour la gabelle, des peines effrayantes en cas de fraude ; à Paris, les fermiers généraux en vinrent à entourer la ville d'un mur d'enceinte pour mieux percevoir les droits d'entrée sur les marchandises. L'Assemblée constituante supprima donc l'affermage (mars 1791), et la Convention arrêta trente-deux fermiers généraux en novembre 1793, elle en envoya vingt-huit à la guillotine, dont le célèbre Lavoisier.