Emmanuel KANT : Le criticisme kantien est un rationalisme dont l'originalité est de ne pas chercher à édifier un «  système  », comparable à ceux de Descartes ou de Leibniz, mais de s'attacher à circonscrire les limites à l'intérieur desquelles la raison peut connaître , et ce, en dégageant les conditions a priori de toute connaissance. Né en 1724 à Königsberg dans une famille modeste, Kant obtient le grade de docteur à l'université en 1755, ce qui l'autorise à donner des cours en qualité de Privatdozent. Il n'est nommé professeur ordinaire à la chaire de logique et de métaphysique qu'en 1770 . Célibataire, il mène une vie austère, entièrement consacrée à l'étude et à l'enseignement. La carrière philosophique de Kant est classiquement divisée en trois parties : une phase précritique (1746-1781), une période constitutive d'une doctrine à laquelle Kant donne le nom de «  criticisme  » - pour marquer nettement son opposition au dogmatisme (1781-1790) -, et une phase défensive/offensive (1790-1800). La période précritique recouvre tous les écrits de Kant antérieurs à la Critique de la raison pure (1781), exception faite pour sa thèse d'habilitation, appelée la «   Dissertation   » de 1770. Les écrits publiés avant 1770 portent sur des questions de physique et de philosophie. Sa vocation de physicien laisse définitivement place à une vocation de philosophe lorsqu'il présente sa Dissertation de 1770. Ce texte pose le double problème de la philosophie critique : déterminer l'origine de nos connaissances et saisir les limites de l'usage de nos concepts . La remise en question des sources de la connaissance intellectuelle ne pouvait qu'amener Kant à déterminer d'une autre manière la nature et les limites de la métaphysique. La période des critiques  : Kant définit lui-même la Critique de la raison pure comme un traité de la méthode qui accomplit en philosophie une révolution analogue à la révolution copernicienne . Cet exposé fondamental de la théorie kantienne de la connaissance entend également montrer en quoi «   la philosophie a besoin d'une science qui détermine la possibilité, les principes et l'étendue de toutes les connaissances a priori   ». L'analyse de la raison humaine fait apparaître que les principes qui fondent toutes les sciences théoriques de la raison ne sont que des jugements synthétiques a priori. Les mathématiques, notamment, ne contiennent que des connaissances de cette nature. Kant appelle «  transcendantale  » cette «  connaissance qui, en général, s'occupe moins des objets que de nos concepts a priori des objets  ». Dès qu'on accorde à la raison que ses idées ont un objet réel, elle tombe inévitablement en contradiction avec elle-même, car il est également facile et arbitraire de soutenir alternativement que le monde a un commencement ou non, que l'âme est immortelle ou non, etc . L'«  analytique transcendantale  » étudie les conditions d'une connaissance pure objective. Ainsi la Critique... limite la raison à un usage scientifique en dénonçant l'illusion de la métaphysique théorique et en établissant l'objectivité des principes de la science. Kant tente de toucher un large public au moyen d'un écrit où il essaie d'élaborer les principes d'une morale selon l'esprit de la critique : le Fondement de la métaphysique des mœurs (1785). Cette morale n'établit à proprement parler «  aucun principe nouveau mais seulement une formule nouvelle de la moralité  ». C'est dans ce texte que l'idée du devoir est ramenée à celle d'un impératif catégorique et que le philosophe va s'employer à développer ses idées sur la nature et la liberté . Comme le montre ensuite la Critique de la raison pratique (1788) , la raison théorique et la raison pratique sont à la fois distinctes et en accord. La raison théorique ouvre le champ à la raison pratique, seule capable de fournir un objet réel à ses idées, mais la raison pratique ne doit pas pour autant tenter d'intervenir dans l'œuvre de la raison théorique. Kant va compléter son système par la publication, en 1790, d'une troisième critique, la Critique de la faculté de juger , ou Critique du jugement , qui tente essentiellement de résoudre un problème capital : celui de l'intersubjectivité, qui, par excellence, se révèle dans l'acte esthétique, puisque l'individu attribue à son sentiment particulier et personnel une valeur universelle ou, tout au moins, une valeur «  pour autrui  » . Pendant ses dernières années, Kant publie des écrits traitant surtout de philosophie pratique, dont la Métaphysique des mœurs (1797), qui constitue son dernier grand traité. Dans le Projet de paix perpétuelle (1795), il entreprend de déterminer les conditions de la paix perpétuelle entre les nations.