JÉRÔME BOSCH (vers 1450-1516) (Hieronymus van Aken, dit)
L'ESCAMOTEUR, après 1475
53 x 65 cm, Saint-Germain-en-Laye, Musée municipal

 

 

Il suffit d'évoquer le nom de Jérôme Bosch pour voir surgir sous nos yeux des monstres à gros ventre, des poissons volants, des créatures en forme d'araignée, d'abominables hybrides d'hommes et d'animaux. Comparés à ces êtres de cauchemar, les personnages de L'Escamoteur nous paraissent très civilisés.

 

 

 

 

L'Escamoteur fait partie d'un groupe d'œuvres de jeunesse, réalisé à partir de 1475. Lorsqu'il peignit ce tableau, Bosch devait avoir dans les vingt-cinq ans, puisqu'on situe sa naissance aux alentours de 1450. Dans ces tableaux de jeunesse, les démons font déjà, ici et là, une apparition furtive, mais ils ne règnent pas encore en maîtres. Ce qui prédomine, semble-t-il, c'est le regard inquisiteur et critique du peintre sur son temps.Dans La Nef des fous il montre par exemple un moine et une nonne qui, au lieu de se préparer au royaume de Dieu, font bombance et se divertissent avec des jeux enfantins et érotiques. Dans L'Escamoteur il a peut-être voulu dénoncer la crédulité de ses contemporains.

 

 

 

L'ordonnance du tableau est simple et claire. Un prestidigitateur vient d'exécuter un tour. Deux gobelets et deux muscades sont sur la table (A l’origine, la muscade est le fruit du muscadier. Elle désigne aussi la graine de ce fruit dont on se sert comme épice mais aussi, comme ici, une petite boule qu'utilisent les escamoteurs). Une troisième muscade est sur un gobelet… la quatrième est dans la main droite de magicien et sa main gauche dissimule un objet qu'il utilisera dans son prochain tour.

 

 

Toujours sur la table une baguette magique et une grenouille, échappée peut-être de la bouche du grand personnage qui se penche, car entre ses lèvres se dessine la silhouette d'une seconde grenouille.

Au bout de la rangée des spectateurs et revêtu d'une bure (étoffe de laine grossière) se tient un homme qui s'applique à couper la bourse du personnage penché.

 

Le vide-gousset et le bateleur sont-ils complices ? La question reste en suspens.

 

Pendant que le bateleur montre la muscade au spectateur et se prépare pour un autre tour, un chien coiffé d'un bonnet de fou est caché derrière la table. Il attend, patiemment, d'exécuter son numéro avec le cerceau.

 

Le spectateur principal de ce spectacle est interloqué : il regarde la muscade dans la main du prestidigitateur et n'en croit pas ses yeux.

 

 

À ses côtés, un enfant avec un moulinet. Certains experts lui attribuent un sens caché : il s'agirait d'un rappel des armoiries de Jean Molinet (1435-1507), poète avec qui Jérôme Bosch aurait eu des démêlés. Allusion ou pas à un ennemi déclaré, le demi-sourire du gamin illustre le proverbe flamand : « Celui qui se laisse séduire par des jongleries perd son argent et devient la risée des enfants ».

 

 

Parce qu'à l'évidence, ce petit spectacle n'est qu'un prétexte, un attrape-nigaud dont la finalité est de détrousser le chaland. Un homme accompagné de son épouse a remarqué la scène, il l'indique d'un geste du doigt à sa compagne qui s'en moque.

 

 

Les autres spectateurs, eux, ne voient pas le voleur au travail.

 

 

La clef suspendue à la ceinture du personnage penché ferait allusion à la clef de Saint Pierre et, par conséquent, à la papauté, une institution puissante mais peu aimées à l’époque.

 


Il existe cinq versions de ce tableau ainsi qu'une gravure conservée au Louvre.

 

 

Les historiens de l'art ne s'entendent pas entre eux pour déterminer laquelle de ces versions est l'original ou se rapproche le plus d'un original disparu. La majorité penche toutefois pour notre version de Saint-Germain-en-Laye. Elle se trouve aujourd'hui au musée municipal de Saint-Germain-en-Laye, mesure 53 sur 65 centimètres, n'est pas signée et est rarement exposée. Prudents, les conseillers municipaux conservent leur trésor dans un coffre-fort.

Il y a une raison particulière à cela : le tableau de Jérôme a en effet été volé dans ce même musée en décembre 1978 par un commando d'Action Directe puis récupéré deux mois plus tard. A l’époque, un journal avait malicieusement titré : « L'Escamoteur escamoté ». Fermé depuis cette date, en partie pour ces questions de sécurité, le musée municipal de Saint-Germain-en-Laye est en attente depuis plus de trente ans, d'un nouveau lieu pour l’exposer.

Dans d'autres versions de L'Escamoteur, l'histoire du larcin se poursuit. La scène n'est pas entourée d'un mur qui la coupe de l'extérieur, comme ici, mais des maisons apparaissent à l'arrière-plan. Dans l'une d'elles, on voit le moine assis, et un peu plus loin derrière, un gibet auquel ce moine, vrai ou faux, sera probablement pendu. La justice serait ainsi rétablie.

Sur la gravure, on peut lire un avertissement rimé à l'intention du public : « il y a de par le monde de nombreux larrons qui, par des tours de magie, font régurgiter aux gens des choses extraordinaires sur la table ; ne t'y fie pas, car lorsqu'on t'aura soulagé de ta bourse, tu le regretteras ».

 

 

Dans notre tableau, point de mise en garde ou de suite à l'histoire. En l'entourant de murs élevés, le peintre isole la scène de son environnement et lui confère ainsi une signification exemplaire. Reste à savoir s'il ne voulait montrer vraiment que l'escamotage et le vol.

Outre le fait qu'il a suscité, comme nous allons le voir, de multiples interprétations (alchimiques, astronomiques, etc.), cet escamoteur, comme nous l’avons dit, a engendré de nombreuses copies, ou plus précisément des variations, il a aussi un précédent, peint par un élève de Masaccio vers 1460. Il s'agit de la plus ancienne représentation d'escamoteur connue à ce jour. On notera l'inévitable chien, passant à travers un cerceau qui tient par magie.

 

 

Ce thème de l'escamoteur et de son éventuel complice fut ensuite beaucoup utilisé dans les estampes vendues sur les marchés ou par colportage, notamment au XVIIIème siècle (3 exemples).

 

 

Il existe également une peinture d'escamoteur "honnête" réalisée dans le style de Watteau par Philippe Mercier. Elle fut par la suite reproduite sur un vase.

 

 

Né à Bois-le-Duc aux Pays-Bas vers 1450, Jérôme Bosch y travailla la majeure partie de sa vie et y mourut en 1516. C'est aussi du nom de sa ville natale (en flamand s'Hertogenbosch) qu'il dériva son nom d'artiste, une pratique relativement courante à l'époque : ainsi sa famille qui était originaire d'Aix-la-Chapelle ou Aachen en allemand, s'appelait « van Aken ».

Petite ville de province aujourd'hui, Bois-le-Duc est au siècle de Bosch l'une des plus importantes villes marchandes des Pays-Bas. On y compte 2930 ménages en 1472 et 3456 en 1496, ce qui correspond à une population de 25 000 habitants.

La croissance urbaine entraîne aussi une augmentation des vols. On peut tout du moins le supposer, car ce phénomène se constate aussi dans d'autres villes qui ont laissé des archives judiciaires. Dans les communes où la population reste stable, le meilleur moyen de se prémunir contre le vol est de se contrôler réciproquement. Les gens vivent dans un espace restreint, tout le monde se connaît. Le contrôle devient plus difficile, quand des étrangers viennent s'établir dans la ville. Mais ceux que l'on considère d'un œil extrêmement méfiant sont les vagabonds. En France, les tribunaux emploient la subtile formule de « demeurant partout », ce qui revient à dire qu'ils demeurent nulle part. Ceux qui n'avaient pas de domicile fixe étaient pratiquement condamnés d'avance dans les procès.

La catégorie des vagabonds comprend les conteurs, les ménestrels, les bateleurs, les bouffons, les barbiers-chirurgiens, les charlatans, c’est-à-dire tous ceux qui, en général, cherchent leur public dans les foires. Les villes en plein essor, où on peut gagner beaucoup d'argent, les attirent tout particulièrement.

Dans le tableau, l'habit du voleur évoque la bure d'un frère convers (employé aux travaux subalternes d'un couvent) de l'ordre des Dominicains.

 

 

Même si la cordelière (corde de laine ou de soie servant de ceinture) et la capuche font défaut, la robe claire et le scapulaire (pièce d'étoffe que certains religieux portent sur la poitrine et dans le dos par-dessus leurs vêtements) sont des indices suffisants. En revanche, sa coiffure est tout à fait profane.
Au siècle de Bosch, les Dominicains, ordre fondé par Saint Dominique (Dominique de Guzman) en 1215, étaient aussi puissants que controversés, et l'allusion contenue dans le personnage du voleur n'est certainement pas fortuite. Confiée aux Dominicains en 1223 par le pape Grégoire IX, l'Inquisition était l'instrument de leur puissance. En 1484, le pape Innocent VIII déclarait dans une bulle que de nombreuses personnes avaient renié la foi catholique et conclu des pactes charnels avec les démons. Par leurs formules magiques et leurs incantations, par leurs invocations, leurs malédictions et autres sortilèges abjects, elles avaient nui aux hommes et aux animaux. La terreur de la sorcellerie tourna au délire collectif et les Dominicains formèrent, je cite, la « brigade anti-sorcières » du pape.

La puissance de l'ordre avait toutefois ses limites et aux Pays-Bas, nombreux étaient ceux qui réprouvaient l'hystérie de la chasse aux sorcières. Lorsqu'en 1481, un prédicateur dominicain déclara hérétiques de respectables bourgeois de Gand, le Conseil de la Ville le fit jeter en prison sans autre forme de procès. Le Conseil interdit en outre de donner des aumônes aux Dominicains et d'assister à leurs services religieux.

Ce sont surtout les humanistes qui s'élevèrent contre la chasse aux sorcières et contre l'Inquisition. Leur porte-parole Erasme de Rotterdam (1469-1536) déclara même courageusement que le « pacte avec le diable était une invention des maîtres de l'hérésie ». Le tableau de Jérôme Bosch contient vraisemblablement un message identique : le bateleur et le religieux, soi-disant si pieux, travaillent en fait main dans la main ; les inquisiteurs se nourrissent de l'hérésie qu'ils sont censés combattre.

 

 

Le personnage qui, apparemment, régurgite une grenouille est généralement considéré comme un homme. Pourtant, son profil pourrait être aussi celui d'une vieille femme. La clef qu’elle porte à la ceinture peinte bien en évidence est aussi l'attribut de la femme au foyer.

Les deux Dominicains, qui rédigèrent jadis le « Maillet des sorciers », manuel tristement célèbre à l'usage des Inquisiteurs, pencheraient aussi pour l'hypothèse de la femme, qu'ils considéraient comme un être particulièrement crédule se laissant plus souvent séduire par le Diable que l'homme.

Le bateleur exerce son pouvoir sur la femme sans la toucher, ni même lui parler, car sa bouche reste fermée. Il travaille avec son regard. L'action démoniaque de celui-ci est dénoncée dès les premières pages du « Maillet des sorciers ». Pour les auteurs, l'explication est bien simple : le mauvais œil « contamine l'air », cet air vicié enveloppe la victime et provoque une transformation néfaste dans son corps.

De tous les hommes du tableau, le bateleur-magicien est le seul à porter un grand chapeau noir du type haut-de-forme, qui est encore aujourd'hui son attribut vestimentaire de prédilection : qu'on pense par exemple à Mandrake...

 

 

On trouve deux autres magiciens ainsi enchapeautés chez Jérôme Bosch. L'un dans le Triptyque du Chariot de foin et l'autre dans le Triptyque de la Tentation de saint Antoine.

 

 

Mais cette coiffure particulière fut d’abord portée par les nobles de la cour de Bourgogne au début du XVe siècle, puis par les riches bourgeois, comme on peut le voir dans Les Époux Arnolfini, tableau réalisé par Jan van Eyck en 1438.

 

 

Au siècle de Bosch, les vagabonds utilisaient probablement ce symbole de la noblesse et de la haute bourgeoisie pour se donner un air respectable. Le bateleur du tableau, avec ses dons d'hypnotiseur, ses tours de prestidigitation et son petit chien qu'il faisait sauter à travers un cerceau, ne faisait visiblement pas exception à la règle.

 

 

Mais peut-être, Jérôme Bosch avait-il autre chose en tête que de caractériser simplement une « catégorie professionnelle ». Peut-être voulait-il glisser une allusion comme il l'avait fait avec l'habit du voleur : la bure indiquerait les Dominicains et l'Inquisition, le chapeau les seigneurs de l'époque, les Habsbourg et les ducs de Bourgogne.

 

 

La ville de Bois-le-Duc faisait partie de cet empire bourguignon qui passa aux mains des Habsbourg en 1477, à l'époque où Jérôme Bosch commença sa carrière de peintre. Beaucoup de Flamands s'étaient rebellés contre les ducs de Bourgogne, les accusant de profiter sans le moindre scrupule des richesses du pays. Sous les Habsbourg, leur situation ne fut pas meilleure et les Flamands continuèrent à être opprimés et exploités.

Défenseurs des intérêts séculiers et spirituels du pape, les Habsbourg encaissaient en contrepartie un dixième des bénéfices des églises situées sur leur territoire. Les Dominicains étant les auxiliaires les plus précieux du pape dans la lutte contre l'hérésie aux Pays-Bas, il était naturel que le grand-duc Maximilien, premier Habsbourg à régner sur la Bourgogne, collaborât étroitement avec eux. Quand il se rendait à Bois-le-Duc, il résidait dans leur cloître, indiquant ainsi bien clairement à tous les habitants de la ville qui étaient ses alliés.

On peut donc facilement imaginer que dans son tableau, Bosch voulut non seulement ridiculiser l'ordre des Dominicains, mais aussi et surtout critiquer cette alliance : les grands seigneurs et les dignitaires de l'Église se liguent pour opprimer le peuple et lui voler ses deniers.

 

 

Il est difficile d'identifier clairement l'animal tapi dans le panier d'osier : est-ce une guenon, est-ce une chouette ?

 

 

D'un côté, la guenon s'accorderait bien avec les divertissements proposés sur les foires, mais de l'autre, on sait que la chouette, symbole de sagesse et de folie dans l'imaginaire flamand, était l'animal favori de Jérôme Bosch et elle apparaît dans plusieurs de ses tableaux, dans La Nef des Fous par exemple.

 

 

Dans le langage symbolique de l'époque, le singe représentait la ruse, l'envie et la lubricité tandis que la chouette avait une signification ambiguë. Elle était l'oiseau de la sagesse, mais aussi l'oiseau des ténèbres volant dans la nuit avec les sorcières. Quoi qu'il en soit, singe ou chouette, cet animal sert à caractériser l'homme qui le porte à sa ceinture.

Bosch a souvent peint aussi des grenouilles et des crapauds, animaux dont la signification est à la fois positive et négative.

 

 

Dans l'Ancienne Égypte, on vénérait la grenouille comme emblème de la déesse Hekat, symbole de vie et de renaissance dans le marais primordial. Cette déesse était responsable du bon développement du foetus, et de l'accouchement. Les premiers chrétiens de ce pays reprirent le symbole, l'ornèrent de croix et l'associèrent dans leur croyance à la résurrection de l'homme après le Jugement dernier.

 

 

En Europe par contre, certains Pères de l'Église éprouvaient une véritable répulsion à l'égard des grenouilles et des crapauds. Pour eux, ces animaux coassant et vivant dans la vase évoquaient irrésistiblement le Diable et les hérétiques. La grenouille était en outre une référence à l'alchimie. Les livres des alchimistes abondaient en illustrations qui, sous forme de cryptogrammes (messages écrits en langage codé) et de dessins, expliquaient les opérations et les buts de ses adeptes. Grenouilles et crapauds représentaient la matière première dont il fallait dissocier l'élément volatile par distillation.

Le but des alchimistes était d'ennoblir l'homme et la matière. Pour y parvenir, il fallait marier les éléments contraires. Dans ses œuvres tardives, Jérôme Bosch s'y réfère maintes fois avec ses couples copulant dans des cornues. Ce principe des contraires était aussi illustré par l'union du soleil et de la lune, le soleil étant représenté par un cercle, la lune par un croissant. Dans le tableau de L'Escamoteur, l'ouverture ronde, en haut à gauche, évoque davantage ces deux symboles de l'alchimie qu'une simple fenêtre qui, à vrai dire, semblerait plutôt insolite à cet endroit (pour information, certains auteurs « voient » à cet endroit une niche qui abrite un nid de cigogne où l'on peut deviner l'oiseau qui tend le cou en ouvrant le bec).

 

 

Ce qui caractérise les signes des alchimistes (et toute la symbolique du Moyen Âge), c'est leur ambiguïté qui rend leur interprétation malaisée. Notre pensée formée au contact des sciences naturelles recherche la clarté. Mais même au Moyen Âge la combinaison du disque et du croissant ne signifiait pas toujours l'association des contraires, parfois elle désignait seulement la lune.

Quant à la lune, elle joue de nouveau un rôle important dans une discipline voisine de l'alchimie : l'astrologie. Jadis, on proposait dans les foires des « images des enfants des planètes », précurseurs des horoscopes de nos journaux. Selon la conception de l'époque, la lune faisait aussi partie des planètes. Parmi ces enfants des astres, on trouvait des comédiens, des ménestrels, des marchands et des bateleurs. Et bizarrement, on trouve sur l'une de ces gravures au moins, un motif presque identique à celui de Bosch : un bateleur ambulant avec sa table et son jeu de dés.

 

 

Jérôme Bosch connaissait et employait les signes des alchimistes et des astrologues ainsi que la symbolique des cartes du tarot. Ces cartes servaient à jouer, mais aussi à prédire l'avenir. Originaires d'Égypte ou de l'Inde, elles auraient été apportées en Europe par des Bohémiens au XIVe siècle. D'autres sources prétendent que les Vaudois - membres d'une secte du Midi de la France persécutés par les Dominicains - les utilisaient déjà au XIIe siècle. Au fil des siècles, les dessins se modifièrent et de nouvelles variantes apparurent. Toutefois, les motifs de base restèrent inchangés et sont censés révéler - ou cacher - un savoir très ancien. Complètement tombées dans l'oubli avec l'avènement de l'ère technique et scientifique, ces figures mystiques sont redécouvertes aujourd'hui par les représentants de l'ésotérisme appelé « New Age », considéré comme une tentative de « réenchantement du monde » en réaction au matérialisme de la société du début du XXe siècle et faisant partie du phénomène global des nouvelles religiosités né à partir des années 1960 face à la crise des idéologies et au refus de la croissance industrielle,

Si l'on compare les anciens dessins des cartes du tarot avec le tableau de Bosch, on retrouvera ce couple dont l'une des figures pose la main sur la poitrine de l'autre.

 

 

On retrouvera aussi cet homme aux cheveux et aux vêtements noirs, qui, au milieu de la rangée de spectateurs, observe la scène d'un regard sombre et sceptique. Une carte du tarot représente une roue qui tourne, au-dessus de laquelle est assis un animal déguisé, peut-être un chien. Chez Bosch, le petit chien n'est pas assis au-dessus de la roue, mais tout près.

 

 

Pourtant, la carte du tarot qui correspond le plus au tableau est celle du bateleur avec sa table. Il est vêtu de rouge et a disposé devant lui baguette magique, cornet à dés et billes. Ce tour de passe-passe consistant à faire passer d'une main habile des billes ou des cailloux d'un godet à l'autre, sans que les spectateurs ne s'en aperçoivent, était déjà pratiqué dans l'Antiquité.

 

 

Pour les initiés, ce prestidigitateur était aidé du dieu Hermès qui, en tant que messager entre l'ici-bas et l'au-delà, accordait de temps à autre un savoir divin aux hommes. Cette carte du tarot signifie la créativité, l'imagination ou l'intelligence, mais parfois aussi la tromperie et la dissimulation. Appelée « le magicien » ou « le bateleur », elle est la carte la plus forte et servit plus tard de « joker » dans d'autres jeux de cartes.

La référence aux cartes du tarot, ou à l'alchimie et à l'astrologie, montre clairement que cette scène plaisante en surface, ressemblant presque à une anecdote naïve, recèle autre chose qu'une mise en garde contre les coupeurs de bourse et les puissants de ce monde. Ces démons qui vont venir envahir tant de tableaux de Jérôme Bosch restent dans leur cachette, les esprits de l'au-delà ne montrent pas encore le bout de l'oreille - mais on sent qu'ils sont là.

 

 


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