Titien (1488/1490-1576) (Tiziano Vecellio, dit)

La Vénus d'Urbin

119 x 165 cm , Florence, Musée des Offices

 

 


Première touche

 

Le corps d'une femme couchée sur un lit occupe, à quelques centimètres près, et au tout premier plan, toute la largeur de la toile. Le spectateur qui s'approche se trouve donc en présence d'un corps nu représenté à peu près grandeur nature : c'est un des tout premiers effets sidérants de ce tableau qui en possède bien d'autres. Donc une femme nue est allongée et accoudée sur un lit au premier plan. À l'arrière, une vaste pièce ouvre par une fenêtre à colonnade sur un parc arboré et sur le ciel bleu. On voit un arbuste en pot posé sur la balustrade, un pavement de marbre, des tentures tapissant les murs de droite, deux servantes fouillant dans des coffres ouverts, l'une d'elles portant sur l'épaule la lourde robe de sa maîtresse. Aux pieds de la femme, un petit chien, un épagneul blanc et fauve roulé en boule.

 

Lorsqu'on regarde le tableau , on sent confusément qu'il ne s'agit ni d'une scène de réveil, ni des préparatifs au sommeil. D'ailleurs la jeune femme penche la tête sur le côté et regarde vers nous avec une expression difficile à définir mais où semblent se mêler tendresse et ironie. Cette femme nous intrigue. Qui est­elle ? Que fait-elle ?

 

Elle est jeune. Elle est belle. Elle est couchée sur un lit, entièrement nue. Elle nous regarde. La scène a été longtemps lue comme une pure invitation amoureuse. Pour parler de façon plus vulgaire, ce pourrait être une belle courtisane qui regarde avec complaisance s'approcher son client.

Elle a un visage juvénile , délicat, bien dessiné. Grands yeux, long nez mince et pointu, bouche charnue et très ourlée, pommettes hautes, petit menton, grande oreille au lobe détaché. Ce n'est pas une déesse abstraite que nous montre Titien mais une femme précise, bien présente, au visage individualisé. Quelqu'un qui a existé et qui a eu avec le peintre suffisamment de familiarité pour s'offrir ainsi en de longues séances de pose impudiques.

 

L'écrivain et dramaturge vénitien Pierre L'Arétin (Pietro Aretino) disait des nus de son ami Titien « que, de toute évidence, ils parlent, pensent et respirent ».

 

Ce tableau à la postérité immense , aux ramifications culturelles multiples, a été une des premières images actives des temps modernes. Un tableau fétiche. Une image culte dans l'immense culte des images. Une des premières à nous faire voir la femme non pas seulement comme objet de désir, mais comme pur objet de réflexion philosophique. Déesse ou simple mortelle ? Sacrée ou profane ? Naturelle ou artificielle ? Amoureuse ou vénale ? Accessible ou inaccessible ? Fiancée ou prostituée ? Imaginaire ou charnelle ? Visuelle ou tactile ?

Agnolo Bronzino - Guidobaldo II della Rovere (1532)

 

9 mars 1538 . Guidobaldo della Rovere , fils de Francesco Maria della Rovere , condottiere (chef de mercenaires) et duc d'Urbin ( Urbino dans les Marches , sous Rimini), adresse une missive à l'ambassadeur d'Urbin à Venise : Gian Giacomo Leonardi. Guidobaldo écrit qu'il fait porter ce pli par un courrier « afin qu'il m'apporte les deux tableaux qui se trouvent entre les mains de Titien ». En aucun cas, écrit-il à Leonardi, le courrier ne doit revenir sans les toiles, « même s'il doit pour cela attendre deux mois ».

 

L'affaire était d'autant plus délicate que Guidobaldo ne pouvait pas payer. Il priait l'ambassadeur Leonardi d'intercéder auprès de sa mère Madame la Duchesse Éléonore de Gonzague pour que celle-ci se porte garante de lui ou avance la somme.

Titien - Éléonore de Gonzague (1538)

 

Dans une lettre ultérieure, Guidobaldo écrivit que le cas échéant, « il engagerait ses biens si l'on ne pouvait faire autrement ». Ces deux tableaux de Titien, le jeune homme voulait absolument les avoir. Il s'agissait d'un portrait de lui-même et de « la donna nuda », la femme nue. Intitulée La Vénus d'Urbin, cette œuvre de la Renaissance de 119 sur 165 centimètres se trouve aujourd'hui au Musée des Offices de Florence.

 

Guidobaldo allait avoir 25 ans au printemps de 1538, Titien, de son vrai nom Tiziano Vecellio , avait le double de son âge (il était né probablement entre 1488 et 1490) et était sans doute à l'époque le peintre le plus apprécié dans le Sud de l'Europe. Il travaillait pour les églises et les cloîtres, les riches marchands et la république de Venise, les princes italiens et l'empereur Charles Quint. Titien était comblé de gloire et d'honneurs. En 1533, Charles Quint l'avait nommé comte et chevalier de l'Eperon d'Or, une distinction exceptionnelle.
Titien - Autoportrait

 

Guidobaldo fit probablement la connaissance de Titien par l'intermédiaire de son père Francesco Maria della Rovere , duc d'Urbin depuis 1508 et dont il avait fait le portrait. Connu pour son mauvais caractère, Francesco n'en était pas moins un bon capitaine. Il avait tour à tour combattu le Pape et commandé les troupes vénitiennes et avait tué de sa main un cardinal : un vrai condottiere ! Il mourut en octobre 1538, sans doute empoisonné par ses ennemis.

Aimant les tableaux et les fréquentations spirituelles et cultivées, le condottiere était marié à Éléonore de Gonzague dont on vantait la beauté et l'intelligence. « Si le savoir, la grâce, la beauté, l'esprit, l'intelligence, l'humanité et tout autre qualité furent jamais réunis dans un seul corps, ils le sont dans celui-ci » louait l'écrivain Baldassare Castiglione (par Raphaël). Depuis 1535, Francesco commandait des tableaux à Titien, tout d'abord une Naissance du Christ , un Hannibal puis encore un Christ pour la Duchesse. Plus tard, il lui demanda d'exécuter une Résurrection et acheta un Portrait d'une aristocrate dite La Bella. A l'issue de ces travaux, Titien peignit les portraits du couple ducal .

Titien, Ecce Homo, 1548
Titien, La Bella, 1538

 

Guidobaldo poursuivit la tradition de ses parents en commandant, quasi régulièrement, des œuvres jusqu'à sa mort en 1574. Il avait été, lui aussi, de nombreuses années capitaine général des troupes de Venise où il résidait bien souvent. Ses problèmes d'argent du printemps 1538 s'envo­lèrent à l'automne avec la mort de son père. Maintenant, c'était lui, le duc d'Urbin. Sa mère n'avait payé que pour le portrait de son fils, pas pour la « femme nue ».

 

Certains ont pensé, un peu vite, que le jeune homme aurait commandé là un « tableau de mariage » mais Guidobaldo était marié depuis quatre ans et il est difficile de croire que Titien, dont l'atelier devait produire une vingtaine de tableaux par an, ait pu garder si longtemps une toile. Et puis jamais Guidobaldo n'aurait envoyé sa fiancée poser chez Titien : ce n'était pas du tout dans les usages du temps.

 

Au siècle dernier, on en vint même à se demander s'il ne s'agissait pas de la mère de Guidobaldo, Éléonore de Gonzague, car il y avait indéniablement une certaine ressemblance entre son portrait par Titien et la « femme nue » ; on retrouve aussi dans les deux tableaux le petit chien roulé en boule .

 

Pourtant, ces thèses ne s'appuient sur aucune preuve. Qu'une Italienne de « condition », mariée de surcroît, ait accepté qu'on la peigne nue est une chose fort improbable. Cela aurait été incompatible avec son rôle dans la société, qui était d'assurer la descendance, de tenir la maison, de préserver l'honneur de son mari et de lui servir d'ornement durant les cérémonies officielles. On avait certes revalorisé le corps durant la Renaissance , mais on en serait venu aux mains, si un tableau avait montré au public qu'une femme avait dé­voilé son anatomie à d'autres regards qu'à celui de son époux.

 

Le tableau n'a survécu que par miracle. On ne le montre pas trop, il fait scandale, les mœurs ont vite changé. En 1600, le dernier duc d'Urbin, un Francesco Maria lui aussi, accepte mal sa présence et n'accède qu'à contrecoeur à la requête d'un dignitaire qui lui demande l'autorisation d'en faire exécuter une copie. Il aurait volontiers détruit le tableau, mais Titien était déjà un peintre hors de prix de son vivant, et, après sa mort, posséder un tableau de lui signifiait être propriétaire d'un véritable trésor !

 

« Je le conserve pour la raison qu'il s'agit, comme vous le savez, d'une œuvre du Titien. » écrivit notre second Francesco Maria della Rovere.

 

Francesco Maria meurt en 1631. Faute d'héritiers masculins, il a légué ses biens à sa petite-fille, Vittoria, qui n'a que neuf ans et a été promise en mariage au grand duc de Toscane Ferdinand de Médicis. À Florence, le tableau séjourna longtemps dans la villa de Poggio Imperiale appartenant aux Médicis. Il fut admiré par tous les amateurs. Enfin, il entra à la galerie des Offices en 1736.

 

Mais revenons à nos moutons… ou plutôt à nos blanches brebis…

 

A cette époque donc, une épouse respectable se devait de juger inadmissibles les joies de la sexualité et de la sensualité telles qu'elles sont exprimées dans ce tableau. Ennemie du corps humain et méprisant la femme, l'Église y avait pourvu.

L'homme pouvait connaître les plaisirs de l'amour, la femme non. Il est probable aussi que ces plaisirs ne se manifestaient guère dans la vie conjugale car que ce soit dans la noblesse ou la bourgeoisie, on ne se mariait pas par inclination, mais uniquement pour des raisons politiques ou économiques. Les familles formaient un noyau protecteur, la sécurité comptait plus que l'amour.

Les hommes allaient chercher chez les prostituées et leurs maîtresses une compensation à cette réserve qu'ils avaient imposée à leurs épouses et leurs filles. Selon le journal d'un certain sieur Priuli, aux alentours de 1500, il y avait à Venise 11 000 filles publiques, selon une autre source Rome en comptait 6 800 vers 1490. Si l'on met ces chiffres en relation avec le nombre d'habitants des deux villes -120 000 à Venise et 40 000 à Rome -, on obtient pour le premier cas presque 20 % et pour le second plus de 30 % de la population féminine.

Ces chiffres sont presque incroyables, mais même si l'on s'en méfie, ils montrent toutefois que la prostitution n'était nullement un phénomène social marginal. Un nombre incalculable d'histoires sont là pour le confirmer. L'amour vénal était accepté par la société. Les prêtres le condamnaient certes, mais lors d'une visite à Venise en 1532, un cardinal de Médicis habita au vu et au su de tout le monde avec une fille publique nommée Zeffetta.

 

Alfonso d'Este , qui épousa Julia, la sœur de Guidobaldo della Rovere, fut même loué parce qu'il ne séduisait pas les petites filles, mais ne les prenait chez lui que sur le consentement des parents, puis leur cherchait plus tard un mari et les dotait généreusement. Chez les plus pauvres, il était presque normal de donner sa fille à de riches messieurs afin d'assurer son existence.

Il fallait bien sûr que les filles soient aussi séduisantes que le modèle de Titien . Le peintre vécut lui-même de nombreuses années avec la fille d'un barbier, dont il eut deux enfants. Puis il fit quelque chose d'exceptionnel… : il l'épousa !

 

Notre Vénus est blonde : la mode à cette époque imposait aux femmes de faire disparaître les teintes brunes les plus courantes. Presque tous les personnages mythiques de la Renaissance sont ainsi représentés avec des cheveux clairs. Un auteur rapporte en 1581 que les Vénitiennes « avaient recours à des lotions et autres préparations pour donner à leur chevelure non seulement la couleur de l'or, mais aussi celle de la neige ».

L'adjectif blond vénitien tire d'ailleurs son origine de la Renaissance italienne (dont la Venise du Titien est l'un des foyers), lorsque les femmes s'enduisaient les cheveux d'un mélange de safran et de citron puis les exposaient au soleil.
Notre personnage porte les cheveux très longs, libres, en cascade , seulement rejetés en arrière par une grosse tresse. Le haut front était passé de mode . Depuis le Moyen Âge, les femmes qui avaient le loisir de s'y consacrer s'étaient épilé les cheveux du front pour allonger leur visage vers le haut. La courbure allant du front à la boîte crânienne passait pour être attrayante et était donc mise en évidence. Mais maintenant, le temps des hauts fronts était révolu.

 

Même chez les femmes mariées, la chevelure ne disparaissait plus complètement sous une coiffe et chez les jeunes filles elle encadrait joliment leur visage et adoucissait leurs traits .

 

La jeune femme a les épaules et les mains assez potelées , comme une adolescente qui n'est pas encore tout à fait sortie de l'enfance, et de petits seins immatures tels qu'on les aimait à l'époque .

Les amples poitrines maternelles et nourricières viendront bien plus tard à Venise et dans le reste de l'Europe. Il en est de même pour les hanches qui ne sont pas très marquées.

En revanche, elle a un petit ventre rond, pas aussi exagérément saillant que ceux de l'époque gothique mais cependant bien marqué, à la fois pour augmenter la surface de peau destinée au plaisir tactile et visuel du spectateur et pour bien marquer ce symbole du plaisir et de la fécondité . Enfin, elle a de très beaux pieds, minces, souples et longs et ce fait doit être souligné car il est rare que les pieds soient très réussis dans les tableaux.

 

Quelques accessoires. Un pendant d'oreille : c'est une perle de forme irrégulière qu'on nomme à partir de cette époque justement « baroque », et celle-là est en poire. Un bracelet : or incrusté d'émaux et de pierres précieuses. La zone peinte est un peu usée mais on distingue une pierre rouge (rubis ?) et une pierre verte (émeraude ?). Un anneau d'or avec une petite pierre à l'auriculaire gauche . Dans la main droite, un bouquet de roses . Jadis, les roses étaient un attribut de Vénus. Quoi qu'il en soit, personnage mythique ou tout simplement « donna nuda » , son corps reflète l'idéal de beauté et les goûts érotiques du début de la Renaissance.

 

Comme dans la poésie classique, la perle est là pour faire écho à la blancheur de la peau (ou à l'éclat des dents). L'or rime avec les boucles. Les roses avec les lèvres, les joues et les tétins (le bout du sein). Les pierres translucides avec les yeux . Titien a plus cherché à décliner des rimes plastiques qu'à énumérer les attributs traditionnels de Vénus. Il a d'ailleurs multiplié les correspondances de lignes et de formes. Les boucles de la chevelure avec les plis du rideau ou des draps , les moulures des coffres ou celles des tentures. Les courbes du corps avec celles des coffres. Les verticales de la colonne, de la fenêtre et des tentures avec la verticale du panneau sombre.

 

Titien a dessiné le contour de son personnage d'un trait assez épais, de l'ocre jaune sans doute, et il l'a ensuite en partie effacé sous une mince couche de pigment blanc rosé (la couche est mince parce qu'on voit toujours très bien la toile). De ce fait, le contour des membres semble légèrement flou, délicat, satiné. La touche est fondue, invisible. Elle induit des surfaces lisses, unies. Le traitement des couleurs est tout à fait extraordinaire. Le corps de la jeune femme est enchâssé dans des plages qui mettent en valeur sa carnation très pâle : panneau brun-noir, rideau vert, drap blanc, matelas rouge. Il y a dans tout le tableau des résonances chromatiques presque musicales : or des bijoux, des tentures, de la robe que porte la servante, des cheveux blonds à reflets lumineux ; rouge des matelas, des roses, des lèvres de la jeune femme, de la robe de la servante ; gris des murs, de la colonne, du pavement, des ombres dans les plis des draps ; ocre léger des ombres du corps de la femme et des taches du chien ; blancs du pelage du chien, du ventre et des cuisses de la femme, de la robe de la petite servante, de la chemise de la grande, du drap, des oreillers, des nuages au-dehors ; verts du myrte (arbrisseau toujours vert à fleurs blanches), de l'arbre, du rideau, des feuilles des roses ; bleu du ciel et des rayures de la robe que porte la servante sur l'épaule. Une telle harmonie, une telle science du coloris, le colorito, toutes ces valeurs colorées, palpables, qui imprègnent la peinture de Titien, vont émerveiller des générations de peintres. Et ces subtilités, que vont reprendre Véronèse, Tintoret, Palma le jeune et d'autres, sont la marque, la gloire même de la peinture vénitienne. C'est que Venise dispose de nombreuses colonies en Méditerranée, elle contrôle les comp­toirs où aboutissent les caravanes venant d'Orient. En ville s'accumulent denrées exotiques, laine, soie, épices. Les pierres précieuses et les minéraux, qui sont à la base des pigments pour les peintres, abondent aussi.

 

Deux espaces confrontés

A priori notre Vénus se trouve dans une salle à demi fermée qui donne sur une autre pièce en terrasse ouverte par une colonnade.

Cette salle du fond est pavée de grands carrés de marbre ocre et de petits carrés gris liés par des rectangles blancs . Ce pavement s'arrête net, bordé par une marche de bois qu'on perçoit juste derrière le sommet du drap de lit. Le mur du fond et le mur de droite sont tapissés de grandes tentures sombres imprimées d'arabesques d'or et bordées de marges claires elles aussi ornées de motifs dorés.

 

Deux coffres sont posés contre le fond . Il s'agit des cassoni (singulier « cassone »), ces coffres de mariage richement décorés qui composaient une partie de la dot des filles et qui étaient les principaux meubles des chambres à coucher avec le lit. Les cintres et les armoires n'existant pas pour le linge et les vêtements, on les rangeait jadis dans des coffres. Ceux-ci formaient une partie importante de la dot et selon les fortunes, ils étaient en marqueterie ou décorés de peintures . Dans sa jeunesse, Titien a lui aussi peint des « cassoni ». Devant bien souvent servir de siège, ils étaient bas et parfois dotés d'un dossier. Ces coffres portaient souvent au revers du couvercle des figurations de Vénus nues.

 

Si bien qu'on a pu dire que le tableau de Titien était comme la figuration au premier plan de ce que le coffre cachait. Comme si la déesse était sortie de l'ombre et du secret. Une servante à genoux, vêtue de blanc , se penche dans celui de droite dont elle semble retenir le couvercle à l'aide de sa tête. Exemple rarissime dans la peinture : quel autre artiste a peint ainsi un personnage féminin ? Elle place un vêtement ou le retire.

Debout à côté d'elle, une autre servante portant une robe rouge à ramages et une grande chemise de lin blanc est coiffée d'un imposant chignon. Elle est en train de retrousser la manche droite de sa chemise (à moins qu'elle ne se gratte). Elle est penchée vers sa compagne. Elle porte sur l'épaule gauche une épaisse robe dorée à rayures bleues. Sans doute la robe de sa maîtresse qu'elle s'apprête à lui porter ou qu'elle vient de lui ôter : a priori on ne peut le dire et il faudra aller plus avant dans la lecture de l'image pour en décider.

Dans la partie antérieure de l'espace figuré se trouve la couche de notre Vénus . Elle est séparée du reste par une sorte de cloison marron foncé, presque noire, compartimentée, et sur laquelle on distingue de vagues motifs, candélabres emboîtés ou arborescences verticales.

Devant cette cloison, un rideau de velours vert bordé d'un galon de passementerie à fil d'or est noué sur lui-même et ses plis se rejoignent en un large nœud qui occupe la partie supérieure gauche du tableau. Vers le pied du lit, un épagneul nain , blanc taché d'ocre, est recroquevillé. Il dormait, il a ouvert les yeux, peut-être à l'approche du visiteur que regarde la femme. Ce type de chien se retrouve dans plusieurs tableaux de Titien (comme on l'a déjà remarqué pour l'un d'entre eux). On finira par l'appeler du nom du peintre (Tiziano Vecellio), le Vecellio .

 

 

 

Perspectives troublantes

Ce qui saute aux yeux, c'est que le panneau vertical sombre coupe le tableau en deux parties égales et tombe précisément à l'aplomb du sexe du modèle . La femme est allongée devant nous et, dans la partie droite, l'espace s'ouvre sur cette vaste pièce où s'activent les servantes. Le point de fuite est relativement central. Il est placé au-dessus du poignet gauche de la jeune femme et, surtout, à hauteur de son œil gauche. Cela signifie que l'œil du spectateur supposé est situé à la fois à la hauteur du regard de la femme et à celle des genoux de la servante debout : ce qui confirme qu'il y a une différence de niveau sensible entre le sol où se trouve le spectateur et celui des servantes. À première vue, on peut imaginer, si tout l'espace figuré est bien « réel », que, derrière le lit, des marches permettent d'accéder à ce niveau supérieur.

 

« Le lieu du corps de Vénus, c'est la toile du tableau de Titien. »

Daniel Arasse, On n'y voit rien, Denoël, 2005

 

Plusieurs observateurs ont noté l'apparente absence de continuité spatiale entre les deux zones figurées sur le tableau, celle du lit et celle de la pièce du fond. On a même dit que la partie droite était une sorte de « tableau dans le tableau ». Daniel Arasse ( On n'y voit rien, Denoël, 2000, Folio Essais, 2005, p. 123 et suivantes, chapitre 5 : La femme dans le coffre consacré à l'analyse de notre tableau) a écrit qu'il s'agissait de deux espaces juxtaposés et que le bord de l'écran noir comme le bord du pavement étaient là pour border l'espace du lit et du nu : « De purs bords. Ils ne représentent rien. Ils se contentent de fixer les limites entre les deux lieux du tableau... ».

Edouard Manet, Olympia, 1863

C'est la leçon qu'a retenue Édouard Manet lorsqu'il a imaginé son Olympia ( Olympia utilise comme référence la Vénus d'Urbin du Titien, copiée par Manet en 1856 ) . Il a remplacé le chien clair par un chat noir , déplacé la ligne sombre verticale, remplacé les deux servantes par une seule qui apporte le bouquet tape-à-l'œil du client visiteur. Et surtout, fermant l'espace, Manet a aboli toute perspective, jouant résolument la planéité de l'image.

 

La Vénus d'Urbin du Titien copiée par Manet en 1856

On peut observer aussi chez Titien que les systèmes d'éclairage ne sont pas unifiés . La femme est très bien éclairée par une source de lumière située à gauche et assez haut : sa tête ne fait de l'ombre que sur son cou, seule sa jambe repliée est dans l'ombre. Et surtout son visage est entièrement éclairé, ce qui signifie que la source est située à peu près dans l'axe du crâne, à 45 ° par rapport à l'horizontale. Dans la pièce du fond, la lumière vient aussi de la gauche mais elle semble située bien plus bas : l'ombre de la grande servante, projetée sur le mur de droite est assez haute. Cette observation irait dans le sens d'une juxtaposition d'espaces hétérogènes : une composition d'atelier d'une part et une scène captée ailleurs (ou imaginée).

Mais il peut y avoir d'autres explications. Soit la scène a été organisée par le peintre dans un véritable décor et cadrée de telle façon que les détails superflus disparaissent (les marches et tout ce qui est caché par le panneau sombre et le rideau) tout en laissant subsister une sorte de mystère optique. Soit elle a été imaginée entièrement et peinte à partir d'éléments disparates, mais en faisant en sorte que le collage conserve une certaine cohérence. Dans les deux cas, il est possible de reconstituer les espaces figurés et de trouver des solutions aux énigmes de ce tableau. Un niveau supérieur dont on pourrait calculer assez précisément la profondeur grâce aux carrelages. Un niveau inférieur avec un lit haut (ou une estrade d'atelier) sur lequel ont été empilés deux matelas et étalé le reste de la literie. L'œil du spectateur se trouvant à hauteur de l'œil de la femme couchée, l'hypothèse d'une estrade ou d'un lit élevé est donc plausible. L'Olympia de Manet , une prostituée, alias le modèle Victorine Meurent, a été hissée sur une estrade assez élevée car elle nous regarde de haut. Chez Titien , un raisonnement simple permet d'imaginer qu'il y a quatre ou cinq marches entre les deux niveaux.

 

Reste le panneau sombre qui partage le tableau en deux. Peut-être cette zone a-t-elle plus souffert au cours du temps et perdu des détails, mais ce pan de peinture n'est ni noir ni dénué d'épaisseur comme l'écrit Daniel Arasse. Il est traité dans une teinte sombre mais chaude et il montre dans un long compartiment vertical des reliefs à motifs floraux et des moulures. Il pourrait donc s'agir de la figuration d'un panneau de bois ou d'un bois recouvert de cuir sombre. Une sorte de fond, de coulisse comme il y en a au théâtre, dans les ateliers de peintres et sans doute ailleurs. Par exemple chez les courtisanes. C'est ce qu'a dû comprendre Manet en figurant l'alcôve d'une prostituée composée de parties fixes et de parties mobiles vraisemblablement coulissantes. Tout le dispositif de Titien , avec son choix de la hauteur de l'œil, son cadrage serré, son ouverture vers le fond, son panneau coupant la toile en deux et pointant le sexe de la jeune femme est destiné à suggérer une histoire particulière. Plus tard des metteurs en scène de cinéma comme Alfred Hitchcock ou Orson Welles ne procé­deront pas autrement dans la composition de leurs cadrages.

 

Coup de projecteur : Un succès sulfureux

 

Propriété de la galerie des Offices, La Vénus d'Urbin gênait, on la considérait comme trop lascive, et elle n'était dévoilée entièrement qu'en certaines occasions et devant des invités choisis. En temps normal, on n'en voyait qu'une toute petite partie, le reste étant recouvert jusqu'en 1784 par un tableau de Carlo Antonio Sacconi représentant « l'Amour sacré tenant un flambeau allumé dans la main droite qui empêche l'Amour profane d'enlever un drapé pour découvrir ladite Vénus dont on voit la tête et un bras ». Cependant, des autorisations de copie sont données et ce sera le tableau italien le plus reproduit par les peintres et les graveurs dont les estampes seront diffusées dans toute l'Europe et jusqu'en Amérique. Le succès de la belle indolente durera longtemps.

Parmi les copistes nombreux qui se succédèrent aux Offices, il y aura au XIXe siècle, Ingres ( La Grande Odalisque , 1814, Louvre, La Dormeuse de Naples ) puis Manet ( Olympia ).
Jean-Auguste-Dominique Ingres, La Grande Odalisque, 1814

 

Jean-Auguste-Dominique Ingres, La Dormeuse de Naples

 

De même, le tableau fait partie du circuit obligé du « Grand Tour » italien. Touristes enthousiastes ou troublés : le président de Brosses, le marquis de Sade, Stendhal, sans oublier le général Bonaparte ... D'autres, comme Mark Twain, trouvent le tableau vil, abominable. Il faut dire que pendant des générations où une censure puritaine sévit partout, en Europe comme en Amérique, les gravures de La Vénus d'Urbin rivaliseront avec l'Olympia de Manet ou quelques nus de Courbet pour la décoration des salons de maisons closes !

 

Venus impudica

 

Le modèle de La Vénus d'Urbin se retrouve dans plusieurs tableaux. Les auteurs romanesques ont écrit aussi que cette toute jeune femme était la maîtresse du peintre quinquagénaire. L'un n'empêche pas l'autre. Mais on a voulu approfondir la lecture de ce tableau. On s'est en particulier longuement interrogé sur le geste de la main gauche du personnage.

Praxitèle, Aphrodite de Cnide

Ce n'est plus la Venus pudica codifiée par Praxitèle dans sa célèbre Aphrodite de Cnide : elle cache délicatement son ventre dans un geste qui sera repris par tous les sculpteurs et tous les peintres.

 

Ici, rien de tel. Il s'agirait plutôt d'une Venus impudica . Impossible pour quelqu'un qui s'intéresse aux détails de ne pas faire la comparaison entre les phalanges fines et longues de la main droite et celles qui manquent à la main gauche parce qu'elles disparaissent dans les ombres de l'aine.

 

Une historienne, Rona Goffen, qui a écrit sur les femmes de Titien ( Titian's Women , New Haven et Londres, Yale University Press, 1997 et Titian's Venus of Urbino , Cambridge University Press, 1997), y a vu une figure de la masturbation féminine. La main nichée là ne semble pas se réduire à un abandon innocent au sommeil, le geste et le regard du personnage sont de pures provocations envers le spectateur.

 

Et les accessoires ou les personnages présents dans le tableau ne permettent pas de trancher pour une hypothèse ou une autre. Les servantes peuvent aussi bien ranger les vêtements que les sortir. Les coffres de mariage pouvaient aussi bien appartenir à une courtisane. Le chien est un symbole de fidélité mais aussi de luxure. Quant au nœud du rideau vert, il peut certes symboliser le lien amoureux ou les liens du mariage, mais il est aussi la plus naturelle façon de relever un rideau. Etc.

 

Daniel Arasse, qui a consacré à La Vénus d'Urbin dans On n'y voit rien un savoureux dialogue entre érudits imaginaires, fait de la femme une « pin-up » : « Oui. La Vénus d'Urbin est un tableau érotique, dont l'invitation sexuelle est claire. Les coffres ne sont pas nécessairement des allusions au mariage, ni même à la relation matrimoniale en général. Quant au modèle, il avait déjà été peint par Titien et le tableau sera copié pour d'autres clients. En fait, cette femme nue joue, en peinture, le même rôle qu'une courtisane dans la réalité : elle passe sans sourciller d'un client à un autre. Je persiste et signe ce n'est rien d'autre qu'une pin-up. »

Mais cette pin-up a une autre fonction qu'exciter la vue, et peut-être bien plus importante. Une historienne de l'art, Mary Pardo, a montré qu'il y avait une sorte d'opposition dialectique entre l'arrière-plan du tableau, tout entier dévolu à la vue, et le nu du premier plan qui sollicite le toucher.

Tout le tableau est d'ailleurs empreint d'une puissante sensorialité : odeur suave du myrte, des roses, présence du chien, animal à l'odorat particulièrement fin. Dans d'autres tableaux mettant en scène des Vénus, Titien fera dialoguer le nu et la musique ( Vénus, un organiste et un petit chien , vers 1550, Musée du Prado, Madrid). Toutes les stratégies mises en jeu dans La Vénus d'Urbin , ce corps nu offert au premier plan et se touchant lui-même, stimulent chez le spectateur le toucher, mais l'arrière-plan contredit cette pulsion en imposant sa perspective rigoureuse, c'est-à-dire la domination de la vue.

Titien, Vénus, un organiste et un petit chien, vers 1550.

 

 

Le nu, une lente conquête

 

Il nous faut maintenant revenir en arrière et comprendre comment une telle figure a pu apparaître à ce tournant vénitien de l'histoire. À l'apogée de sa puissance et de sa richesse, la répu­blique de Venise est un des principaux centres de l'humanisme européen. Chancelleries, services publics, académies, couvents, écoles, salons, cercles, sociétés savantes, ateliers de peinture, officines d'imprimeurs, bureaux d'architectes... l'abondance de lieux culturels marque un tournant historique. L'élite intellectuelle (philosophes, poètes, écrivains, professeurs, savants) et le monde bureaucratique (fonctionnaires, notaires, secrétaires) se mêlent étroitement. Venise jouit d'une certaine liberté et bon nombre d'ouvrages de sciences, de pamphlets ou de traités philosophiques seront imprimés là, à l'écart de la censure vati­cane ou des interdits des monarchies européennes. Des artistes affluent de toute l'Italie. Titien est ami de la plupart des illustres savants, écrivains, architectes ou peintres de Venise. L'Arioste, Baldassare Castiglione, Daniele Barbaro, Pietro Bembo, André Vésale, Raphaël, ou encore l'Arétin. Le courant néoplatonicien initié par le philosophe Marsile Ficin est partagé par bon nombre de ces érudits. Il s'agit, entre autres idées, de faire la part entre amour sacré et amour profane. Ces idéaux ont leur appli­cation dans les nouvelles idées sur la sexualité, fort peu platoniciennes celles-là, et dans le développement extraordinaire de la figure de la prostituée. La courtisane vénitienne est une femme du monde, cultivée, raffinée, parfois musicienne ou poète (deux d'entre elles ont laissé des œuvres importantes dans la littérature italienne), animatrice de salons mondains, philosophiques et littéraires. Toute une philosophie érotique se met en place que la pruderie des générations suivantes ne parviendra pas à effacer complètement.

 

L'origine du nu est pourtant à chercher bien plus tôt du côté d'une Antiquité grecque mythifiée. Au Moyen Âge, on pensait volontiers, en effet, que les Arcadiens (L'Arcadie – en grec Arcadia - est une région de la Grèce au centre du Péloponnèse, qui, dans la poésie bucolique latine et hellénique, était représentée comme le pays du bonheur, le pays idéal. La poésie antique, comme Virgile dans les Bucoliques ou Ovide dans les Fastes , décrivait l'Arcadie comme un lieu primitif et idyllique peuplé de bergers, vivant en harmonie avec la nature. Par la suite, l'Arcadie est restée ce symbole d'un âge d'or, un monde riant où les pastorales constituent le principal divertissement musical), et d'une façon générale, tous les Grecs, vivaient sans vêtements. Les représentations courantes de la déesse Vénus autorisaient effectivement la multiplication de statues ou de peintures de femmes nues.

 

« Pour représenter en une muette image l'idéal de la beauté féminine, Zeuxis voulut peindre une Hélène. Il demanda quelles belles jeunes filles se trouvaient à Crotone (ville italienne de la province de Crotone, dans la région de Calabre, fondée en 710 av. J.-C. par des Achéens et des Spartiates) . Les Crotoniates réunirent les plus belles vierges en un seul lieu et autorisèrent le peintre à choisir librement parmi elles. Rassemblant ce qu'il y avait de mieux en chacune, son art en fit un chef-d'oeuvre de beauté » écrivit Pline le jeune.

 

La liberté de mœurs que supposaient la désinvolture de Zeuxis passant en revue les beautés d'une ville et s'inspirant d'un bras, d'un sein ou d'une cuisse, ou celle du sculpteur faisant d'une courtisane une déesse, ne se retrouvera guère avant le XVIIIe siècle.

 

Dans l'art chrétien des premiers siècles, le nu est rare comme on l'a vu. Il s'agit de représenter certains martyrs, ou bien les damnés. Le corps n'est qu'une dépouille mortelle frappée par le péché. Même Adam et Ève, chassés du Paradis, cachent leur nudité, honteux. Seul le Christ en croix autorise les artistes à montrer l'anatomie masculine mais les proportions du corps ne sont que peu respectées. La vérité anatomique échappe le plus souvent aux artistes. Ce qui n'empêche pas, bien sûr, quelques exceptions assez spectaculaires : chapiteaux à figures obscènes, enluminures sur des thèmes à la limite du grivois, statues de Marie-Madeleine plutôt suggestives.

 

En Italie, vers 1425, Masaccio donne, dans sa fresque de la chapelle Brancacci, à Santa Maria del Carmine, à ses deux personnages d'Adam et Ève chassés du paradis des postures vivantes et des traits vraiment humains. Adam cache son visage de honte mais laisse voir les attributs qui le distinguent d'Ève. Elle, de son côté, parvient à cacher à la fois une partie de son ventre et sa poitrine.

Quelques années plus tard Jan Van Eyck, à Gand, en composant son immense et fabuleux retable de L'Agneau mystique, place Adam et Ève sur des panneaux latéraux . Ce sont de véritables êtres humains, grandeur nature, individualisés, très beaux. On sent que Van Eyck est allé aux limites extrêmes de ce qu'il pouvait faire à l'époque, surtout pour un retable d'église. Si leurs mains sont délicatement posées près de leurs sexes et tenant des feuilles de vigne, le peintre ne nous laisse rien ignorer de la jolie poitrine d'Ève ni d'une bonne partie de sa toison pubienne comme celle de son compagnon. Son personnage féminin est encore dans la tradition gothique : taille très fine, ventre bombé, seins menus et hauts perchés. Pourtant son Ève est autrement plus charnelle, sexuée, érotique même que la Vénus que Botticelli peindra une génération plus tard à Florence et en pleine redécouverte de l'art antique.

 

Les Vénus ou les Niobides (les Niobides étaient les enfants d'Amphion et de Niobé. Ils sont au nombre de douze chez Homère, six garçons et six filles, et quatorze chez Ovide. Chez d'autres auteurs, ils sont plus. Tous furent massacrés par Apollon et Artémis, pour punir l'orgueil de Niobé qui avait offensé leur mère) portant un vêtement si léger qu'il moulait étroitement les corps, ou encore les athlètes musclés et entièrement nus, copies latines de statues grecques fameuses, avaient disparu sous les ruines et les sédiments de la Rome antique.

Ils commencent à être exhumés au XVe siècle puis, surtout, lors des grands travaux de la Rome pontificale au cours du XVIe siècle. On avait découvert d'abord un Apollon (dit aujourd'hui du Belvédère , du nom de la partie du Vatican où il fut placé) qui bouleversa les artistes et qui devint pour longtemps le modèle même de la beauté masculine. À Rome, au milieu du siècle, il n'y a pas moins de quatre-vingt-dix collections d'antiquités. Celles des papes étaient les plus importantes. L' Hercule Farnèse , le Gaulois mourant , le Tireur d'épine , l' Apollon du Belvédère , la Venus pudica , la Vénus accroupie , les Trois grâces : tous ces marbres ont un point commun, la nudité.

 

Hercule Farnèse

Gaulois Mourant

Tireur d'épine

Vénus Accroupie

Trois Grâces

Apollon du Belvédère

 

 

Dès lors, les sujets mythologiques qui « autorisent » en quelque sorte la peinture et la sculpture de nu vont commencer à foisonner. Cette redécouverte de l'Antiquité va de pair avec l'émergence d'une nouvelle clientèle : les commanditaires ne sont plus seulement les papes et les gens d'Église mais aussi princes, ducs, condottiere, banquiers opulents qui veulent décorer leurs demeures d'images plus laïques sinon plus lascives. La scène mythologique expose des dieux et des héros nus, des bacchantes déchaînées, des amours compliquées, des métamorphoses étranges mais où le corps est toujours très présent. Les figures de Bacchus, de Vénus, de Diane, de Danaé, d'Apollon, de Cupidon, se répandent partout. Mais même les textes bibliques, avec les figures de Bethsabée , de Suzanne au bain , de Marie-Madeleine, autoriseront quelques débordements sensuels. Plusieurs générations de peintres florentins, romains et vénitiens puiseront dans cet immense catalogue de corps et de scènes : Botticelli, Titien, Véronèse, les Carrache, le Caravage... Et les peintres de l'Europe du Nord comme Rubens viendront à Rome s'imprégner de formes antiques.

 

Une liberté durement acquise

 

« Ce n'est pas un ouvrage pour la chapelle du pape mais pour les bains publics. »

Biagio da Cesena

 

Cette nouvelle liberté du peintre va entraîner d'ailleurs d'assez violentes discussions. Le plus célèbre exemple est le chef-d'œuvre de Michel-Ange dans la chapelle Sixtine, à Rome. Le pape Paul III laisse l'artiste travailler dans le plus grand secret et découvre ensuite cette cascade de nus sans équivoque qu'est le jugement dernier . Fesses, seins, sexes, membres déployés dans des poses parfois à la limite de l'exhibition­nisme : aujourd'hui, nous nous y sommes habitués, mais il faut imaginer la stupeur qui dut saisir l'entourage dévot et policé du pape au dévoilement de l'oeuvre. Pour se venger, Michel-Ange donnera à la figure de Minos saisi par un grand serpent les traits de ce Biagio da Cesena . La polémique dura longtemps. Le parti adverse demandait la destruction de la fresque. Le pape et son succes­seur, Jules III, tinrent bon. On se contenta de demander à un peintre de poser quelques voiles sur les parties jugées les plus obscènes. L'auteur de ces amendements, Daniele da Volterra, y gagnera le surnom d'« il Braghettone », « le braguetteur » ou « le culottier ».

 

 

 

Coup de projecteur : Sébastien, saint et sexy

 

Bien sûr, le corps féminin n'est pas le seul à être glorifié. Il y a chez les artistes de nombreux admirateurs de l'anatomie masculine. Le corps du Christ crucifié est, il est vrai, un beau motif mais il ne permet guère de débordements sensuels. Un saint inespéré va venir occuper une place rêvée. Soldat romain chrétien, condamné sous Dioclétien, vers 283, à être criblé de flèches, Sébastien survit grâce aux soins d'Irène. Guéri, il sera ensuite repris, lapidé et jeté dans le Cloaca Maxima, le grand égout de Rome. Inscrit dans la cohorte des saints de l'Église, il est représenté à partir du Ve siècle : en toge romaine d'abord, en armure ensuite. Puis c'est un vieillard barbu vêtu à l'antique... un chevalier plus jeune, héros de roman courtois... Au XIIIe siècle, il rajeunit encore et, soudain, au XVe siècle, il est nu, seulement vêtu comme le Christ d'un simple linge, attaché à une colonne ou à un arbre. Et il devient une vraie « star » juvénile : Van der Weyden , Piero della Francesca , Botticelli , Antonello de Messine , Mantegna , Memling , le Pérugin , Giovanni Bellini , Grünewald , Titien , Véronèse , le Greco ... Et même, plus tard, Delacroix , Gustave Moreau , Odilon Redon , Jean-Jacques Henner ... Certes, quelques-uns seulement de ces peintres sont des homosexuels, mais on pourrait dire que le Romain Sébastien a été pour des siècles une sorte d'idole « gay ».

 

Rogier Van der Weyden, St Sébastien - Polyptyque du Jugement dernier

Piero della Francesca, St Sébastien

Sandro Botticelli, St Sébastien

Andrea Mantegna, St Sébastien

Hans Memling, St Sébastien

Le Pérugin, St Sébastien

Matthias Grünewald, St Sébastien

Titien, St Sébastien

Paul Véronèse, St Sébastien

 

Delacroix, St Sébastien

Gustave Moreau, St Sébastien

Odilon Redon, St Sébastien

Antonello de Messine, St Sébastien

Giovanni Bellini, St Sébastien

Le Gréco, St Sébastien

Jean-Jacques Henner, St Sébastien

 

Le jeune Léonard avait failli avoir de graves ennuis du fait de ses supposées relations sexuelles. Plus tard, devenu célèbre et respecté, personne ne lui cherchera plus querelle à propos de son goût des garçons. De même, son cadet et rival, Michel-Ange, est bien connu en son temps pour ses amours homophiles. Il poussa son obsession du corps masculin jusqu'à faire poser des hommes pour représenter les femmes. Ce fut le cas en particulier pour les figures des Sibylles au plafond de la chapelle Sixtine.

Michel-Ange, Sibylle de Cumes

 

Au cours du XVIIe siècle et jusqu'au début du XVIIIe siècle, les œuvres considérées comme trop dénudées furent souvent retou­chées. Aussi bien les antiques que les sculptures de la Renaissance et même les tableaux. Les statues furent affublées de feuilles de vignes en stuc adaptées à la taille de leurs attributs sexuels. Ces accessoires ne disparurent qu'à partir du milieu du XXe siècle, lorsque le retour à une vérité archéologique s'imposa dans la plupart des musées, y compris les pontificaux. Les peintures, même anciennes, avaient été elles aussi retouchées : l'Adam et l'Ève de Masaccio virent s'enrouler autour de leurs corps des vrilles de feuillage . Il en fut de même un peu partout en Europe, lorsque des courants de piété, de pudeur ou d'ordre moral impo­sèrent de cacher les seins des dames ou même le menu zizi du petit Jésus. Voiles légers, écharpes torsadées, feuillages, chapelets de roses et, bien sûr, l'habituelle feuille de vigne, furent les acces­soires préférés des peintres chargés de ces remaniements mora­lisateurs. Ces repeints ont été ôtés au cours des restaurations modernes. Dans le cas du jugement dernier de la chapelle Sixtine , restauré à partir de 1990, il fut au contraire décidé de conserver comme documents historiques les repeints du Braghettone, les attributs humains de ces personnages saints ayant été préalablement grattés sur la fresque même avant les retouches de Daniele da Volterra.

 

Lorsque les peintres italiens s'inspirèrent des marbres de l'Antiquité, ils y gagnèrent souvent une grande liberté mais ils n'y gagnèrent pas en réalisme. Ainsi la Vénus de Botticelli , certes splendide, montre un corps lisse, sans plis, plus proche de l'ivoire ou du marbre que de la chair. Les historiens d'art ont souvent remarqué qu'il suffisait de l'habiller pour la transformer en une Vierge du même peintre. Son immense chevelure flottant dans le vent marin vient habilement cacher son pubis. Il suffit de la comparer à d'autres nus de la même galerie des Offices (ceux de Lorenzo di Credi, Titien, du Tintoret, ou d'Annibal Carrache) pour voir qu'en quelques décennies on passe d'un rendu imaginaire, idéaliste, à la vraie observation de modèles vivants.

Juan Valverde

André Vésale

 

C'est qu'entre-temps, l'étude anatomique s'est intensément développée. Prenant la suite de Léonard de Vinci et de Dürer, les grands anatomistes comme André Vésale ou Juan Valverde , ont montré les proportions des corps de l'homme et de la femme, leur architecture spatiale, la disposition du squelette et des muscles, les mouvements des membres dans toutes les activités de la vie. Les corps sont désormais justes, déliés, réalistes, et la nudité permet de montrer ou de suggérer par des gestuelles théâtrales toutes les combinaisons possibles de ces corps entre eux.

De même, grâce à des artifices proprement picturaux, les peintres parviennent à rendre la douceur soyeuse des cheveux, l'humidité des yeux et des lèvres et, surtout, le velouté, la souplesse et la couleur de la peau (la « carnation »), avec en particulier ces fusions de teintes douces qui permettent de faire voisiner sur une même surface les délicates tonalités de rose, de blanc pâle, de veinules bleues qui sont la marque de la vie. Vasari définira ce rendu de la chair par le mot morbidezza (en français, la « morbidesse », c'est-à-dire la délicatesse des chairs) .

 

Dès lors le nu va devenir un genre à part entière, qu'il conserve le prétexte mythologique (déesses et dieux, nymphes et athlètes, amours et grâces...) ou qu'il s'en détache complètement pour traiter de sujets purement profanes. Une longue histoire a commencé avec Giorgione et Titien qui ne s'arrêtera plus. Vélasquez retourne le nu et s'at­tarde sur la croupe de sa Vénus au miroir ( vers 1644-1648. Musée du Prado, Madrid) .

L'Odalisque brune de Boucher , enfantine et coquine, couchée à plat ventre sur un sofa et qui nous expose ses reins charmants, ou les jeunes filles de Fragonard , modernes et délurées, qui se tordent de désir dans leur lit rococo solitaire, ôtant leur chemise ou taquinant leur petit chien, sont parmi les nouvelles formes d'une peinture libertine dégagée de tout alibi classique. Goya donne deux versions de sa Maja : vêtue et nue . Et, c'est la première fois en Espagne et même dans toute l'Europe, il n'hésite pas à montrer en pleine lumière une touffe de poils pubiens.

François Boucher, l'Odalisque Brune

Goya, Maya vêtue

Fragonard, Le feu aux poudres

 

 

 

Puis la femme entièrement nue et couchée face au spectateur, ou bien debout, ou assise, ou à sa toilette, revient avec Delacroix, Ingres, Courbet, Moreau, Cabanel, Chassériau (un des rares artistes à montrer des aisselles non glabres). Ensuite, Seurat, Cézanne, Gauguin, Toulouse­ Lautrec, Renoir, Degas, Bonnard, Matisse, Klimt, Schiele, Modigliani, le Douanier Rousseau, De Chirico, Delvaux, Magritte, Bacon... tant d'autres. Et, bien sûr, Picasso, qui s'attaque au thème des centaines de fois...

 

Au-delà de la peinture : Le nu dans tous ses états

 

 

La peinture a été longtemps le seul domaine où la nudité totale était tolérée, et même plutôt bien acceptée. Les modèles antiques et les moeurs supposées des temps anciens en étaient les arguments centraux. Mais dans la vie quotidienne comme dans la représentation de la vie moderne, jusqu'au XXe siècle, une étroite censure contrôlait gestes et tenues. Censure d'origine religieuse, mais bien relayée par les lois sociales de la plupart des pays d'Europe. À la fin du XXe siècle, la photographie a pris le relais de la peinture : la photographie de nu a connu un essor incroyable. Non seulement le nu éthéré, voilé, joli, académique, décoratif, pictural... Mais aussi la pose crue, sans voile, obscène. Et mettant même parfois en posture des partenaires de sexes différents ou de même sexe dans des acrobaties souvent très inédites. Ces images circulaient clandestinement par des voies illégales et alimentaient à leur façon les désirs et les rêves de la bourgeoisie urbaine et des voyous des faubourgs. Au cours du XXe siècle, les photographes « nobles » ont récupéré le nu et lui ont donné un vrai statut. C'est une source jamais tarie qui a alimenté les autres arts aussi bien que la publicité ou la mode.

 

Seins et fesses étaient à la rigueur tolérés, mais l'interdit sur le sexe et le poil a subsisté jusqu'au deuxième tiers du XXe siècle. Enfin, les magazines lestes ont fini par triompher et on peut dire qu'à la fin du siècle, il n'y avait plus aucune barrière (sinon des interdictions à l'affichage et à la vente aux mineurs) à la représentation des intimités qu'elles soient féminines ou masculines. À partir des années 1940 aux États-Unis et 1950 en Europe, le strip-tease était devenu une sorte d'art mineur, régnant dans les cabarets et largement toléré. Son surprenant sens du suspense a inspiré beaucoup d'artistes.

Entre-temps, le nu s'était répandu au cinéma. Dans Le Mépris de Jean-Luc Godard (1963), Brigitte Bardot lit dans sa baignoire avec une absurde serviette de bain autour des seins. Mais dans Prénom Carmen (1982) du même auteur, Maruschka Detmers se promène toute nue, le sexe broussailleux bien visible.

Ce n'est d'ailleurs pas le cinéma qui a été pionnier en la matière. Les performances des années 1960 et 1970 en Europe ont beaucoup choqué le public mais répandu l'idée que le nu pouvait être une des formes naturelles de la vie sociale. C'était, bien entendu, lié au courant libertaire et hippie qui gagnait l'Europe après l'Amérique.

 

Le "Living Theater"

Mais sur une scène théâtrale où la bonne tenue avait jusqu'alors toujours régné, l'effet était plutôt saisissant. La séance de « pinceaux vivants » d'Yves Klein en 1960 n'avait eu lieu que devant un parterre d'invités choisis et n'avait pas eu de lendemain. Les premiers happenings de Jean-Jacques Lebel la même année, ceux qui suivirent au cours des années 1960, les manifestations du groupe international Fluxus, les interventions du Living Theater , mirent le nu au premier plan des nouvelles scénographies et attirèrent parfois l'attention des ligues puritaines et de la police.

Au même moment, les actionnistes viennois, avec Otto Mühl , poussaient à l'extrême l'art de la provocation en intégrant à leurs performances toutes sortes de scènes liées à des actes, des postures ou des matières jugés jusqu'alors des plus répugnants. Banalisé, le nu a même gagné des secteurs imprévus comme le théâtre ou la danse. Depuis le début du XXIe siècle, il n'est pas rare de voir des ballets entiers dansés par des artistes entièrement nus . Une sorte de retour à la peinture et à la statuaire de la Renaissance qui découvraient avec émerveillement la douce utopie des corps libres antiques.

 

Attardons-nous pour conclure sur le rôle du nu dans la carrière posthume d'un grand peintre. Gustave Courbet retrouve la furie de Rubens dans l'exploration du corps féminin. Ses nus sont volumineux, érotiques, travaillés avec un sens du détail confondant. Les Baigneuses , La Femme au perroquet , ou encore La femme à la Vague sont déjà des peintures dont l'érotisme s'expose sans aucune retenue.

Gustave Courbet, Les Baigneuses

Gustave Courbet, Femme au perroquet

Gustave Courbet, Femme à la vague

 

Gustave Courbet, Le Sommeil

Mais le peintre atteindra les sommets avec ses deux tableaux secrets peints pour un commanditaire privé, Khalil Bey, et restés très longtemps à l'abri des regards du public. Le Sommeil visible au Petit-Palais à Paris : un couple de femmes, entièrement nues et tendrement enlacées sur un lit, tableau qui est un prodige de représentation des nuances de la chair amoureuse et, en même temps, une sorte d'apologie baudelairienne du lesbianisme.
Et surtout L'Origine du monde , petit tableau devenu soudain mondialement célèbre parce qu'il a été redécouvert et exposé au musée d'Orsay au moment où, compte tenu de l'évolution des mœurs, le public occidental était prêt à le recevoir sans scandale : la femme est bien là, mais elle n'a pas de visage, seulement un thorax et un abdomen, et le seul motif central offert au regard est son sexe.

Gustave Courbet, l'Origine du Monde

 

Giorgione, Venus endormie

Vers 1485, Sandro Botticelli peignit sa Naissance de Vénus , l'une des plus belles Vénus nues de la Renaissance florentine. Représentée debout, elle semble flotter dans les airs.

Le Vénitien Giorgione fut le premier à montrer une Vénus allongée dormant en pleine nature, la tête reposant au creux de son bras. Giorgione mourut en 1510 avant d'avoir pu achever son tableau. Ce fut Titien, son collègue d'atelier, qui le termina. Plus d'un quart de siècle plus tard, il reprit ce thème mais en transposant la scène dans une maison .

 

Les trois tableaux témoignent d'une évolution. La Vénus de Botticelli est une apparition céleste à forme humaine, intouchable, elle n'est pas de ce monde. La Vénus de Giorgione semble plus présente. Peinte allongée, elle s'abandonne, mais se donne uniquement au sommeil et non à un homme. À l'instar de la première, elle possède encore l'aura d'une déesse de la nature. Titien, lui, l'enlève de la nature et la place dans un contexte humain, sur un lit à baldaquin. La déesse s'est transfor­mée en une jeune femme dont le regard va à la rencontre de celui du spectateur , une femme qui est consciente de ses charmes, présente son corps et attend, sinon des caresses, du moins de l'admiration. Titien libéra le nu des poncifs mythiques, il voyait la femme dans la déesse. Pour ses contemporains, ce phénomène était passionnant. Ce n'est pas un hasard si Guidobaldo, qui voulait posséder le tableau, ne parlait que de la « donna nuda », de la femme nue.

 

Elle ne devint Vénus qu'en 1567 avec l'écrivain d'art Giorgio Vasari, puis plus tard dans un inventaire. Certes son compagnon habituel, son fils Cupidon avec son arc et ses flèches, manque pour l'identifier. Mais Titien montre les fleurs qui lui sont généralement attribuées , il lui a mis des roses dans la main, symbolisant le plaisir et la fidélité en amour, et a posé sur le rebord de la fenêtre un myrte (arbrisseau toujours vert à fleurs blanches) en pot , qui devait indiquer la constance dans le mariage. Le chien, pour sa part, reste insolite . D'une part, il symbolise l'amour charnel, mais d'autre part aussi la fidélité et sur de nombreuses tombes de couples, on le voit couché aux pieds de la femme . Peut-être est-il entré par hasard dans ce tableau, peut-être apparte­nait-il à l'atelier et Titien aimait-il le pein­dre.

Certains historiens d'art supposent que Guidobaldo commanda l'œuvre pour son mariage, ce qui expliquerait sa hâte à le pos­séder. Cette hypothèse n'est pas fondée. Pourtant, on ne saurait ignorer les réfé­rences à la fidélité conjugale avec les roses et le myrte , et peut-être Titien ne voulait-il pas uniquement représenter les attributs traditionnels de Vénus. Peut-être voulait-il montrer que la répartition très répandue à l'époque des femmes en deux catégories, celle des épouses respectables et celles des filles de joie vénales, n'était pas obligatoire, et que l'on pouvait aussi découvrir le plaisir des sens dans le mariage. Du reste, ses let­tres le prouvent, Guidobaldo fut un homme très heu­reux en ménage…

 

Lectures

- Martine Richebé, Le Nu, Grund, 2001.

- Pascal Lainé, Traité de nudité et considérations diverses sur les représentations du corps humain, Pauvert, 2005.

-François Jullien, Le Nu impossible, Seuil, 2005. - Jacques Bonnet, Femmes au bain, Hazan, 2006.

 

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