LA SOCIÉTÉ ET L'ORDRE PUBLIC DANS LA GRÈCE ANTIQUE

 

 

La démocratie athénienne selon Périclès :

 

« Notre constitution n'a rien à envier aux lois des autres : elle est un modèle et n'imite pas. Elle s'appelle démocratie parce qu'elle œuvre pour le plus grand nombre et non pour une minorité. Tous participent également aux lois concernant les affaires privées. C'est la valeur seule qui introduit des distinctions et les honneurs vont plus au mérite qu'à la fortune. Ni la pauvreté ni l'obscurité n'empêchent un citoyen capable de servir la cité. Étant libres en ce qui concerne la vie publique, nous le sommes également dans les relations quotidiennes. Chacun peut se livrer à ses plaisirs sans encourir de blâme ou des regards blessants, quand même ils ne causent pas de mal. Malgré cette tolérance dans notre vie privée, nous nous efforçons de ne rien faire d'illégal dans notre vie publique. Nous demeurons soumis aux magistrats et aux lois, surtout à celles qui protègent contre l'injustice, et à celles qui, pour ne pas être écrites, n'en apportent pas moins la honte à ceux qui les transgressent. »

 

PLAN DU COURS :

 

I - L'ordre social

II - La cité

III - La démocratie

IV - La fiscalité

V - La justice

 

 

I - L'ORDRE SOCIAL

 

Pour les Grecs, l'organisation des cités peut se comparer au mécanisme d'un corps humain, dans lequel toutes les fonctions ne possèdent pas la même importance mais sont néanmoins toutes nécessaires à sa survie.

 

1°) Les clivages de la société

 

Même les cités comme Athènes qui se réclament d'un régime démocratique ne reconnaissent pas l'égalité de tous leurs habitants. En effet, de multiples distinctions existent à l'intérieur des groupes sociaux et aboutissent à des clivages impliquant des rapports de domination ou de soumission . La première opposition fondamentale s'établit entre les hommes et les femmes : celles-ci, en tant qu'éternelles mineures, sont toute leur vie placées sous la dépendance d'un parent masculin, père, époux ou fils aîné, et n'interviennent pas dans les affaires publiques  ; car même appartenant aux meilleures familles, la femme reste exclue de la vie politique. Elle ne peut participer aux assemblées ni exercer aucune charge. Son domaine se limite à la maison. Tant qu'ils n'ont pas répondu aux rites d'initiation leur permettant l'intégration dans le corps des adultes, les adolescents ne disposent pas non plus des droits civiques ou politiques . Dans une cité, on distingue les citoyens, condition qui leur vient de leur naissance, et les étrangers , qu'ils soient domiciliés comme les «  métèques », ou qu'ils soient de passage. Enfin une frontière presque infranchissable sépare les hommes libres des esclaves . Les Grecs sont tout à fait conscients de l'inégalité fondamentale de leur société ou seul un petit nombre dispose du pouvoir de décision, mais ils la jugent indispensable à la cohésion du corps social. Un recensement fait à Athènes au IVe siècle avant notre ère montre bien la disparité numérique entre les différentes catégories des habitants de la cité : il y a alors 21 000 citoyens , auxquels il faut ajouter 80 000 femmes et enfants, pour 10 000 métèques et 150 000 esclaves... Ceux-ci représentent donc plus de la moitié de la population !

La société vue par Aristote :

 

« Dans l'âme, il existe par nature une partie qui commande et une partie qui est commandée, parties auxquelles correspondent des vertus distinctes, l'une étant douée de raison, l'autre en étant dépourvue. Dans la plupart des cas, il y a ce qui commande et ce qui est commandé. […] L'homme libre commande à l'esclave autrement que le mâle à la femelle et l'adulte à l'enfant [...] L'esclave est totalement privé de la partie délibérative, la femme la possède, mais sans possibilité de décision, l'enfant la possède, mais inaccomplie . »

 

2°) Travailler ou pas

 

La distinction entre riches et pauvres dans une cité grecque ne se fait pas par la fortune réelle, mais par la néces­sité de travailler ou non . En effet, pour les Grecs, toutes les activités néces­saires à l'économie de la cité, commer­ce et artisanat, ne sont pas jugées comme dignes d'un honnête homme . Même si le travail en lui-même , en tant que nécessité inéluctable, n'est pas considéré comme méprisable, ceux qui en font leur source de profit appartien­nent aux classes sociales les plus basses de la société, métèques ou esclaves  : « Les métiers qu'on appelle d'artisans, écrit Xénophon 1, ne laissent à ceux qui les exercent aucun loisir pour s'occu­per de leurs amis et de la cité... C'est pourquoi, dans certaines cités, notam­ment dans celles qui ont une réputa­tion militaire, il est même interdit aux citoyens de pratiquer les métiers d'arti­sans. » Pour déconsidérer son adver­saire, l'homme politique Eschine 2, Démosthène 3 n'hésite pas à lui repro­cher d'être le fils d'un pauvre maître d'école vivant dans l'indigence. En revanche l'agriculture, qui fournit sa richesse au propriétaire foncier, n'est pas assimilée à une activité manuelle . Dans la hiérarchie des responsables d'une cité, le propriétaire dont la for­tune mobilière ou immobilière a pour origines essentielles les butins de la guerre ou les acquis de la politique, occupe de fait une place prépondé­rante et détient les pouvoirs politiques.

 

3°) Hommes libres et esclaves

 

Toutes les sociétés antiques ont connu l'esclavage, considéré comme indis­pensable à l'exercice de la liberté : « Si les navettes tissaient d'elles-mêmes, écrit Aristote, si les plectres 4 pinçaient tout seuls les cordes de la cithare, les maîtres n'auraient pas besoin d'esclaves... » En accomplissant la plupart des charges nécessaires à la vie des individus et de la communauté, les douloi ou esclaves contribuent à la liberté de ceux qui ont la charge de gérer les affaires de l'État . Le statut et l'origine des esclaves sont très variables selon les cités. À Athènes, les esclaves, achetés sur un marché ou provenant du butin de guerre, sont d'origines ethniques très variées et remplissent de multiples fonctions : ils peuvent être domestiques, artisans, vendeurs, mineurs, employés des adminis­trations, cultivateurs... Dépendant entièrement du bon vouloir de leur despotès ou maître, que celui-ci soit un simple particulier ou l'État lui-même, ils n'ont aucune personnalité juridique et n'ont pas le droit d'être propriétaires. À côté des esclaves au sens strict, on trouve aussi des « dépendants », qui sont « à mi-chemin entre l'esclavage et la liberté » . À Sparte, ce sont les « hilotes », probablement d'anciens habitants de la région passés sous la domination des Spartiates : ils appartiennent l'État qui les met au service des particuliers . Les « pénestes » de Thessalie comme les « périèques » de Crète ont un statut comparable.

 

II - LA CITÉ

 

La Grèce est fragmentée entre une multitude de cités-États dont chacun possède son propre gouvernement, monarchique, oligarchique 5ou démocratique. Aussi la condition de citoyen varie-t-elle considérablement d'une ville à l'autre.

 

1°) La cité-État

 

C'est généralement la géographie qui détermine la formétion d'une cité, constituant une communauté permanente d'individus . La cité se com­pose toujours d'un territoire et d'une ville principale. Certaines sont de grande taille comme Athènes (2 400 km² ; par comparaison la ville de Paris intra-muros couvre 105 km²), Lesbos (1 600 km²) ou Thèbes (1 000 km²). Mais 90 % des cités n'atteignent pas 800 km² : c'est le cas par exemple de Chios, de Samos, de Mégare... Quant à la cité d'Égine, elle ne dépasse pas 85 km² ! Chacune néanmoins a sa constitution, sa législation et ses cultes particuliers que partagent ceux disposant du droit de cité . La cité constitue un microcosme enfermé dans ses frontières et accepte difficilement l'en­trée de nouveaux citoyens dans son corps social . Parallèlement, on trouve des communautés de peuples ou ethnos dont les membres ont conscience d'appartenir à une unité indépendante des cités , par exemple les Achéens 6, les Béotiens 7 ou les Étoliens 8. Ces communautés ethniques peuvent se confédérer pour assurer leur défense . Il existe enfin dans toute la Grèce des regroupements de cités, soit autour d'un culte commun, soit pour des raisons stratégiques. Au Ve siècle avant notre ère, Athènes organise une ligue politico-militaire dite de Délos qui regroupe 238 cités en - 431 . Les regroupements à caractère religieux ou «  amphictyonies » comme les ligues disposent d'une caisse commune, de magistrats particuliers et se réunissent régulièrement en assemblées constituées par des représentants de chaque cité.

 

Chaque cité possède son agora, place publique où le peuple (c'est-à-dire les hommes libres) se réunit pour délibérer.

 

 

 

 

 

2°) Tyrannie et monarchie

 

Au VIe siècle avant notre ère, de nombreuses cités grecques sont dirigées par un tyran , comme Périandre 9 à Corinthe, Clisthène 10 à Sicyone, Thrasybule 11 à Milet... À la différence des rois, le tiraruros est un homme arrivé au pouvoir suprême par lui-même et non par voie héréditaire. La tyrannie, qui n'a pas en soi-même un sens péjoratif, apparaît alors souvent comme un recours pour résoudre des situations de crise sociale et le règne des tyrans n'est pas toujours négatif  : au VIe siècle avant notre ère, ceux d'Athènes, appartenant à la famille des Pisistratides (les fils de Pisistrate 12 : Hippias 13 et Hipparque 14), contribuent à favoriser la répartition des terres et, par une politique de grands travaux et l'institution de fêtes magnifiques comme les Panathénées 15, favorisent l'éclat de la ville. Aux Ve et IVe siècles avant notre ère, les tyrans de Sicile et de Grande-Grèce, comme Denys l'Ancien 16 à Syracuse, assurent des gouvernements brillants. Parallèlement aux tyrans, on trouve aussi en Grèce de nombreuses monarchies, en particu­lier en Grèce du Nord. Détenteur d'un pouvoir héréditaire, le roi ou basileus gouverne générale­ment avec l'aide de magistrats et d'assemblées représentant le peuple. C'est l'un d'entre eux, Philippe II de Macédoine 17, père d' Alexandre le Grand 18, qui mettra fin à l'indépendance des cités grecques en - 338. Il subsiste enfin dans de nombreuses cités grecques des traces des monarchies primitives, comme l' archonte-roi 19 à Athènes ou les deux rois de Sparte.

 

3°) Oligarchie et démocratie

 

Dans la plupart des cités grecques, le gouvernement est de type oli­garchique (pouvoir de quelques-uns) ou démocratique 20 (pouvoir du peuple). Sparte est l'exemple le plus accompli de l'oligarchie, puisque seuls les Homoioi , c'est-à-dire « les Égaux », nés de parents spartiates, possèdent les terres attribuées par l'État et jouissent de tous les droits civiques . Ils sont aussi les seuls à pouvoir être guerriers. Ceux qui ne peuvent apporter leur contribu­tion financière aux repas publics de Sparte ou « syssities 21 », tombent dans la catégorie des « Inférieurs » et sont déchus de tout droit civique. Sparte est administrée par deux rois qui dis­posent de pouvoirs militaires, judi­ciaires et religieux, un conseil des Anciens ou gerousia de 28 membres, une assemblée populaire ne disposant que de peu de pouvoir et cinq magis­trats annuels, les éphores . État essen­tiellement militaire, Sparte a subor­donné ses institutions à sa puissance guerrière. Le caractère très sélectif de sa répartition sociale fait que le nombre de ses citoyens diminue de deux tiers au cours du Ve siècle avant notre ère. En revanche, dans une démocratie comme Athènes en offre l'exemple, l'ensemble des citoyens dispose des mêmes droits . Les assemblées et les magistratures sont largement représen­tatives de l'ensemble du corps social. Il faut reconnaître cependant que le « peuple » qui gouverne dans une démocratie est en général limité à un nombre restreint de privilégiés .

 

4°) Être citoyen

 

Quel que soit le régime politique d'une cité, le groupe des citoyens est généralement fort réduit par rapport aux autres habitants . En effet, sont exclus du corps civique les femmes, les enfants illégitimes, les métèques, les étrangers de passage, les esclaves et les affranchis . Le doit de cité s'acquiert d'abord par la nais­sance . À Athènes, à partir du milieu du Ve siècle avant notre ère, la double filia­tion, père et mère athéniens, est même exigée pour être citoyen. Un garçon, dont l'un des parents n'est pas athénien, sera considéré comme un étranger . Si la nais­sance est une condition indispensable, elle n'est pas suffisante. Il faut aussi être inscrit sur les registres des différents groupes constituant la cité, dème, phratrie et tribu, ce qui se fait soit au moment de la naissance par une déclaration du père, soit au moment de l'entrée dans l'âge adulte . Pour cela, les éphèbes athéniens, âgés de 18 ans, doivent passer une espèce d'examen de passage, la « docimasie » : les membres du dème décident alors de les inscrire dans les registres ou de leur refuser le statut de citoyen .

 

Accéder au statut de citoyen, c'est d'abord bénéficier d'un ensemble de prérogatives et d'avantages en matière politique, le citoyen a le droit de participer à la gestion des affaires publiques ; en matière juridique, il est autorisé à posséder des biens fonciers et peut introduire une action en justice ; en matière religieuse, il peut participer aux sacrifices et prendre part activement aux fêtes publiques . Il est aussi le seul à pouvoir exercer un sacerdoce. Enfin, il peut profiter de certains avantages sociaux , indemnité pour assister aux spectacles lors des fêtes religieuses, distribution de blé gratuite en période de disette, allocation aux nécessiteux . Mais il est soumis aussi à des contraintes : il doit payer des impôts et remplir ses obligations militaires . Dans une démocratie, tous les citoyens disposent de l'égalité devant la loi ou « isonomie », du droit aux mêmes honneurs ou « isotimie » et de l'égalité de liberté de parole ou « iségorie ». (A contrario, dans l'art grec, on représente l'esclave nettement plus petit que son maître, pour montrer la différence de statut).

 

Aristote définit le citoyen :

 

« Le citoyen n'est pas citoyen par le lieu ou il réside, car métèques et esclaves ont la résidence en commun avec les citoyens. Ne sont pas citoyens non plus ceux qui participent aux droits de la vie judiciaire [...] car ces droits appartiennent aussi aux bénéficiaires des conventions judiciaires [entre cités]. Un citoyen au sens absolu du terme ne peut mieux se définir que par le fait de participer à l'exercice de la justice et aux magistratures. »

 

5°) Les métèques

 

Dans la plupart des cités grecques, les étrangers domiciliés ont un statut particulier, qu'on les appelle metoikoi, « ceux qui habitent avec » ou paroikoi, « ceux qui habitent auprès » . Tout en ne disposant pas des droits politiques et religieux des citoyens, le métèque est protégé par la loi et dispose d'un représentant légal, le prostate, qui le fait inscrire dans son dème comme étranger domicilié . Les métèques doivent apporter leur contribution financière à l'État en payant un impôt spécial, le metoikon . Ils doivent aussi participer à l' eisphora , un impôt extra­ordinaire levé à Athènes en cas de guerre : l'ensemble des métèques de la ville doit alors verser le sixième de la somme totale exigée. Les métèques, qui représentent à Athènes 40 % de la population libre de la ville, exercent essentiellement des professions liées au commerce ou à l'artisanat . On trouve parmi eux des boulangers, des coiffeurs, des marchands de fruits ou de légumes, mais aussi des banquiers, des médecins ou des architectes . Certains sont fort riches et ont une influence indirecte sur la vie de la cité par les amitiés qu'ils peuvent entretenir avec les dirigeants de la ville. Ils sont bien intégrés dans la cité et participent aux grandes manifestations religieuses . Sur la frise des Panathénées, on les voit marcher dans la procession qui apporte à Athéna le voile sacré tissé par les jeunes filles. Les métèques ont aussi l'occasion de combattre pendant les guerres de la cité . S'adressant à ceux qui, en - 413, participent à côté des Athéniens à l'expédition de Sicile, le général Nicias 22 souligne la communauté d'intérêts unissant les métèques aux citoyens : « Il vaut bien d'être sauvegardé ce plaisir que vous éprouvez d'être considérés comme des Athéniens, alors que vous ne l'êtes pas, vous qui connaissez notre langue et imitez nos manières [...], vous qui participez aux bénéfices de notre empire tant par la crainte que nous inspirons à nos sujets que par le soin que nous mettons à ce que vous ne soyez pas lésés... »

 

6°) Comment obtenir le droit de cité ?

 

II est fort difficile en Grèce de passer d'une catégorie sociale à une autre et les cités sont peu disposées à accor­der le « droit de cité » . Cependant, à titre exceptionnel, elles peuvent faire entrer dans le corps civique des étran­gers ou donner la liberté à des esclaves . En - 426, la ville de Platées, assiégée par les Péloponnésiens, est entièrement détruite et ses habitants expulsés. Devenus « sans cité », les Platéens trouvent refuge à Athènes qui leur accorde le droit de devenir citoyens. En 406 av. J.C., les esclaves qui ont été enrôlés pour combattre avec les Athéniens aux îles Arginuses 23 reçoi­vent la liberté, en récompense de leur service. En temps normal, un métèque peut obtenir la citoyenneté pour ser­vices rendus à l'État, mais celle-ci ne devient effective qu'après l'inscription de l'individu dans les subdivisions de la cité . L'ancien métèque bénéficie alors de l'« isotélie », c'est-à-dire qu'il n'est plus contraint de payer le metoikon, mais il est par contre désormais soumis aux mêmes impôts que les citoyens . Il peut aussi être nommé « proxène », c'est-à-dire protecteur des étrangers installés dans la ville. L'esclave par contre ne peut s'affran­chir que par décision de son maître. Il doit alors verser un impôt de trois oboles 24 et continuer à effectuer certains travaux : son ancien maître est devenu son patron . S'il ne remplit pas ces obli­gations, une condamnation en justice peut le renvoyer à son ancienne condi­tion servile.

 

III - LA DÉMOCRATIE

 

Définitivement mises en place au Ve siècle avant notre ère, les institutions démocratiques sont destinées à faire participer la majorité des citoyens à la gestion de l'État. Athènes est, en la matière, un exemple.

 

1°) Certains citoyens sont plus égaux que d'autres

 

Si, dans une démocratie, tous les citoyens disposent en théorie de droits égaux, les citoyens d'Athènes font partie de différents regroupements parallèles, qui introduisent des disparités entre eux : la phratrie, le dème et la tribu .

 

La phratrie, d'origi­ne fort ancienne, est un groupement de clans rattachés par un culte commun . Elle a un rôle essentiel dans la société athénienne, car un enfant n'est déclaré citoyen que si son père l'a présenté à la phratrie . Le dème est une division territoriale qui sert à la répartition des citoyens entre les tribus . Il y a environ 170 dèmes en Attique - la région d'Athènes - au IVe siècle avant notre ère. La tribu ou Phylè est l'unité qui permet la répartition des charges publiques et militaires . Elle fournit un nombre déterminé de magistrats, 50 « bouleutes 25 » et 600 juges. Depuis la réforme de Clisthène, vers - 508 - 507, on compte dix tri­bus en Attique, formées chacune de trois trittyes, une de la ville, une de la côte et une de l'intérieur, réunissant les habitants de plusieurs dèmes . Cette répartition permet de brasser la population de l'Attique dans chaque tribu où se trouvent à la fois les habitants de la ville, les marins de la côte, les bergers et les bûcherons des mon­tagnes . Par ailleurs, on attribue au législateur Solon (VIe siècle avant notre ère) la réforme censitaire qui répartit les Athéniens en quatre classes déterminées par le reve­nu foncier : dans la première classe, les pentacosiomedimnes récoltent annuellement au moins 500 mesures de grains (environ 260 hectolitres), la deuxième classe, celle des cavaliers , a un revenu d'au moins 300 mesures, les zeugites de la troisième classe récoltent au moins 200 mesures, enfin les thètes récoltent moins de 200 mesures. Seules les trois premières classes fournissent des magistrats à la cité . Les thètes ont seulement le droit de participer aux assemblées.

 

2°) Une assemblée populaire

 

L' ekklesia (ou ecclésia ) , assemblée du peuple souverain, est ouverte à tous les citoyens âgés de plus de 20 ans et qui n'ont pas encouru d'« ati­mie », c'est-à-dire la perte des droits civiques . En fait les paysans de l'Attique, trop éloignés de la ville, ne viennent que rarement, et la majorité de l'assemblée est composée des artisans et des commer­çants d'Athènes et du Pirée . Il y a d'habitude moins de 6 000 pré­sents . Pour lutter contre l'absentéisme, on distribue un salaire à ceux qui viennent , à partir du IVe siècle, le misthos ekklesiastikos, qui est d'abord d'une obole, puis de trois. L' ekklesia se tient quatre fois par « prytanie 26 », soit 40 fois par an . Les citoyens sont convoqués par les « prytanes » qui ont affiché à l'avance l'ordre du jour de l'assemblée. Les Athéniens se réunissent sur la colline de la Pnyx spécialement aménagée à cet effet , puis, au IV siècle avant notre ère, dans le théâtre de Dionysos, plus vaste. À l'entrée, on contrôle l'identité des citoyens grâce aux registres des dèmes, et les retardataires sont pri­vés du misthos ekklesiastikos. Sous une surveillance policière assurée par des archers scythes, esclaves de l'État, la séance débute par une cérémonie de purification et une prière. Le président de séance lit les projets de loi à l'ordre du jour, puis laisse la parole à tout citoyen qui le désire . Ce dernier monte à la tribune et on le coiffe d'une cou­ronne de myrte qui le rend sacré. Une fois que tous les orateurs se sont exprimés, le président fait voter l'assemblée à main levée. Lorsque l'assemblée traite de sujets très importants pour la vie de la cité, la séance peur durer de l'aube au crépuscule, tant les débats sont vifs. Souvent lorsqu'ils viennent siéger, les Athéniens se munissent de sacs de victuailles en prévision de longues séances.

 

3°) Le bannissement, un risque permanent

 

L' ekklesia a des pouvoirs fort étendus, législatifs, délibératifs 27et judiciaires. Elle nomme les magistrats, déclare la guerre et signe les traités de paix . L' ekklesia est aussi convoquée pour des décisions exceptionnelles, comme de bannir un citoyen ( ostrakismos ) . Chaque année, lors de la sixième « prytanie », les citoyens décident par un vote à main levée s'il y aura dans l'année une assemblée consacrée à l'ostracisme ou « ostracophorie ». Celle-ci se tient sur l'agora et est présidée par les neuf archontes. Chaque participant inscrit sur un tesson de poterie, un ostrakon , le nom de celui qu'il veut voir banni. Il faut au moins 6 000 suffrages pour que le vote soit validé . L'ostracisme, dont le but était d'éliminer les hommes qu'on soupçonnait de vouloir établir une tyrannie, est devenu une redoutable amie entre les nains des hommes politiques qui s'en servent pour éliminer leurs adversaires. Celui qui en est frappé ne perd pas son titre de citoyen ni ses propriétés mais il doit s'exiler pendant dix ans .

 

4°) Le conseil des Cinq-Cents

 

Le conseil de la boulè est composé de 500 citoyens, âgés de plus de 30 ans et désignés par tirage au sort, à raison de 50 par tribu, qui sont choisis dans les trois premières classes censitaires . La boulè doit siéger tous les jours, à l'exception des jours fériés, dans le bouleuterion , situé en bordure de l'agora. Au début de l'année, on répartit les membres de la boulè  : les « bouleutes » en dix commissions, les « prytanies », dont chacune est en fonction pendant un dixième de l'année , soit 35 ou 36 jours. Chaque « prytanie » comporte 50 « bouleutes » issus de la même tribu. À partir du milieu du Ve siècle avant notre ère, ceux-ci reçoivent une indemnité journalière d'une drachme, soit six oboles . La boulè prépare les projets de loi qui seront soumis à l' ekklesia , reçoit les ambassadeurs étrangers et détient un certain nombre de compétences financières .

 

5°) Les magistrats

 

Tous les magistrats athéniens exercent leurs fonctions en col­lège et ne sont en charge que pendant un an. Ce système qui vise à associer le plus grand nombre de citoyens à la gestion des affaires publiques est en fait une cause d'instabilité, car ce changement perpétuel de responsables interdit toute politique suivie .

 

Les magistrats, fort nombreux à Athènes, doivent avoir au moins 30 ans et appartenir à l'une des trois premières classes censitaires . Ceux dont les fonctions exigent des aptitudes spé­ciales, comme les stratèges militaires et les trésoriers, sont élus en fonction de leurs compétences par une assemblée extraordi­naire du peuple. Les autres, qui n'ont pas besoin de posséder des connaissances spécialisées, sont nommés par tirage au sort . La procédure se déroule comme suit : dans un premier vase, on place des tablettes où sont inscrits les noms des candidats : dans un second, des fèves blanches et noires. On puise en même temps dans les deux vases et le candidat dont le nom sort en même temps qu'une fève blanche est déclaré élu. Avant d'entrer en charge, le magistrat doit se soumettre à la « docimasie », un examen préalable au cours duquel six magistrats appelés les « thesmothètes », vérifient sa moralité et sa légitimité . À sa sortie de charge, le magistrat doit rendre des comptes devant une commission spéciale qui, éventuelle­ment, peut le faire comparaître en justice.

 

6°) Archontes et stratèges

 

P armi les magistrats les plus importants d'Athènes, se trouvent les neuf archontes et les dix stratèges. Désignés par tirage au sort parmi 500 candidats choisis dans neuf tribus - une tribu différente est chaque année exclue du tirage au sort - les archontes ont des fonctions religieuses et judiciaires. On distingue l'archonte-roi , héritier des pouvoirs des anciens monarques, l'archonte-éponyme qui donne son nom à l'année, l'archonte-polémarque , responsable de la guerre et des étrangers, et les six « thesmotètes » aux compétences juridiques.

 

Les dix stratèges sont élus par l'assemblée du peuple et sont les seuls magistrats athéniens à être rééligibles . Outre leur fonction de chef des armées, ils interviennent aussi dans toutes les questions de politique intérieure et extérieure . Le plus célèbre des stratèges athéniens, Périclès 28, a exercé ses pouvoirs de - 444 à - 429 . Il est à l'origine de nombreuses réformes dont celle restreignant la citoyenneté à ceux qui sont nés de père et de mère athéniens.

 

À côté des magistrats proprement dit, il faut noter l'importance dans la vie politique athénienne des orateurs , qui n'ont pas obligatoirement de charges officielles. En raison de leur notoriété et de leur art de la parole, ils interviennent devant l'assemblée du peuple et inspirent bien souvent les options politiques de la cité . Au IV siècle avant notre ère chaque tendance politique a ses orateurs attitrés. Le plus célèbre, Démosthène (cf. note 3), sans détenir aucune magistrature, a véritablement dirigé la politique étrangère d'Athènes dans la seconde moitié du IVe siècle avant notre ère .

7°) Liturgies et chorégies

 

Si les citoyens riches d'Athènes sont privilégiés dans l'ac­cès aux fonctions importantes, ils doivent en contre­partie contribuer aux dépenses de l'État en prenant à leur charge une « liturgie » ou service public . Ces liturgies peu­vent être ordinaires, c'est-à-dire renouvelables tous les ans, ou extraordinaires. On compte une soixantaine de liturgies ordinaires à Athènes. Les plus onéreuses, mais aussi les plus prestigieuses, sont la « chorégie », ou prise en charge des chœurs participant aux représentations théâtrales lors des Dionysies , la gymnasiarchie ou organisation des courses aux flambeaux lors des fêtes religieuses et l' hestiasis , qui est la prise en charge des banquets publics célébrés dans les tri­bus .

 

À ces liturgies ordinaires, s'ajoutent les extraordi­naires, comme la « triérarchie », qui consiste à équiper un navire de guerre et à entretenir l'équipage , et la proeisphora, par laquelle 300 citoyens fortunés doivent avancer à l'État le montant de l'impôt direct ou eisphora . Les « liturges » sont choisis par un magistrat au sein des citoyens les plus riches de la ville. Ceux-ci refusent rarement d'assumer cette charge financière qui leur permet d'acquérir du pres­tige... autant qu'ils dépensent de l'argent. Cependant si un citoyen veut échapper à une liturgie, il peut désigner un autre citoyen qu'il estime plus riche que lui. En cas de refus de ce dernier, il peut lui intenter un procès pour exiger l'échange de leur fortune, ou antidosis !

 

Inscription en l'honneur d'Eudémos

 

« Le peuple a décidé, sur proposition de Lycurgue 29, fils de Lycophron, du dème des Boutades : puisque Eudémos a annoncé au peuple qu'il donnerait pour la guerre 4 000 drachmes, et puisqu'il il a donné aujourd'hui 1 000 journées d'attelage pour l'aménagement du stade panathénaïque et les a envoyés en totalité avant les Panathénées, comme il avait promis de le faire ; le peuple décide de louer Eudémos, fils de Philourgos de Platées, de lui attribuer une couronne d'olivier, à cause de ses bienfaits à l'égard du peuple athénien, de le placer lui et ses descendants parmi les bienfaiteurs du peuple athénien, de lui accorder le droit d'acquisition, le droit de combattre aux côtés des Athéniens et l'égalité pour les impôts. Le secrétaire de la boulè fera graver ce décret et l'exposera sur l'Acropole. »

 

 

IV - LA FISCALITÉ

 

Pour assurer le fonctionnement des institutions, les Grecs prélèvent des impôts indirects ou font appel à la bonne volonté des riches citoyens. Mais les dépenses sont toujours plus importantes et l'on se plaint déjà du gaspillage des fonds publics...

 

1°) Les revenus d'Athènes

 

Aux Ve-IVe siècles avant notre ère, Athènes est un état puissant dont les revenus, ordi­naires ou extraordinaires, sont fort nombreux . Les domaines publics sont d'un bon rapport, en parti­culier les fermages payés par les particuliers auxquels a été concédée l'exploitation des mines de plomb argentifère du Laurion 30. De multiples impôts indirects, taxes prélevées sur les ventes et sur les marchés, droits de douane et de péage, sont aussi confiés à des adjudica­taires renouvelés tous les ans. Il faut leur ajouter le métoikon, impôt payé par les étrangers domiciliés à Athènes . L'État bénéficie aussi des amendes infligées aux contrevenants et de la vente aux enchères des biens confisqués aux condamnés par les « héliastes », les juges. Cependant la principale ressource d'Athènes est constituée par le tribut 31 payé par les alliés : le trésor des alliés, d'abord conservé à Délos, puis transporté à Athènes vers - 460, dépend de l'État athénien qui y puise à son gré . Ce trésor passe d'environ 460 talents au début du Ve siècle à 600 talents au IVe siècle. À ces revenus ordinaires, s'ajoutent les emprunts que fait le trésor athénien , soit auprès des particuliers, soit auprès des administrateurs des trésors sacrés des temples qui prêtent à faible intérêt. Il ne faut pas oublier que certains frais particulièrement onéreux, comme l'organi­sation des concours théâtraux ou l'armement des navires de guerre, sont pris en charge par les citoyens les plus riches d'Athènes sous forme de « liturgies ». Ainsi l'armement des navires de guerre, la « tétriarchie » , est l'une des charges incombant à ces citoyens fortunés. La cité fournit la coque du navire (la trière) et les agrès 32, et paye l'équipage. Le « triérarque », lui, doit faire mettre à l'eau le navire, l'entretenir, voire le réparer pendant un an . À l'origine, il en prenait même le commandement. Mais par la suite, il se contente de la seule responsabilité financière. Il existe par ailleurs des revenus extraordinaires : le butin que rapportent les victoires à la guerre, les contri­butions volontaires des citoyens auxquels on promet en échange des marques honorifiques . Enfin, en cas de guerre, le trésor perçoit sur le capital des citoyens l' eis ­ phora, seul impôt direct connu à Athènes .

 

 

2°) L'État vole-t-il le peuple ?

 

C'est une habitude dans le petit peuple d'Athènes d'accuser l'État de percevoir beaucoup de revenus, mais d'en distribuer fort peu aux citoyens . Dans les Guêpes, une pièce d'Aristophane , un personnage fait ainsi de façon simpliste le bilan du budget athénien pour conclure que l'État vole le peuple : « Calcule, non avec des cailloux, mais avec tes doigts le tribut qui nous vient des alliés, puis ajoute les impôts, les droits de péage, les cautions [déposées lors d'un procès], les mines, les taxes prélevées sur les marchés et dans les ports, les locations et les confiscations. En tout, cela fait environ 2 000 talents. Maintenant, prélève sur cette somme les indemnités payées aux juges pendant un an : cela fait bien à mon avis 150 talents ! » Bien entendu, il exis­te à Athènes d'autres dépenses que les indemnités payées aux «  héliastes 33 », ne serait-ce que toutes les allocations versées aux membres des différentes assemblées. En effet, après l'institution du mistophore par Périclès, consistant à donner un salaire à tous ceux qui occupent une fonction publique , tous les participants aux réunions de l' ekklesia, de la boulé et de l' héliée 34 bénéficient à leur tour de distributions publiques. À cela s'ajoutent les soldes versées aux hommes de l'armée de terre et de la marine, les salaires des employés des bureaux publics et de la police des archers scythes, les pensions versées aux invalides et aux orphelins dont le père est mort à la guerre . Le trésor public doit aussi subvenir aux fêtes reli­gieuses de la cité, à l'entretien et à la construction des édifices sacrés, aux récompenses honorifiques .

 

3°) Trésors et administrateurs

 

Il existe à Athènes trois trésors distincts : celui du peuple, celui d'Athéna et le trésor fédéral transporté de Delphes à Athènes. Les dix trésoriers du Parthénon, choisis parmi les pentacosimedimnes (les membres de la première classe des citoyens), gèrent les dons et les offrandes faits par les fidèles à Athéna, reçoivent le soixantième du tribut payé par les alliés au trésor fédéral conservé sur l'Acropole, paient les travaux publics effectués sur l'Acropole et font prêts à l'État. Le trésor du peuple est administré par de multiples caisses dirigées chacune par une commission de dix trésoriers. Les recettes de l'État sont réparties entre ces différentes caisses par les apodectes , dix receveurs généraux tirés au sort dans chaque tribu . Tous les mois, les trésoriers des caisses doivent présenter leurs comptes devant l' ekklesia. Un autre contrôle est effectué par un collège de magistrats tirés au sort parmi les « bouleutes » qui examinent les comptes des magis­trats à leur sortie de charge . Enfin, à la tête de toutes les caisses du trésor, se trouve l'« épi­mélète », un directeur général des finances des fonds publics, élu par le peuple pour quatre ans.

 

4°) Le théoricon

 

Au IVe siècle avant notre ère, on crée Athènes une caisse particulière des­tinée à verser aux citoyens pauvres une indemnité leur permettant de payer leur place au théâtre, le théoricon . En 354 av. J.-C., une loi de l'homme politique Euboulos prescrit de verser dans la caisse du théoricon tous les revenus de la cité en excédent et de trans­former l'indemnité réservée au théâtre en une allocation versée aux plus pauvres . Cette extension du théoricon entraîne la mise en place de dix magistrats élus pour quatre ans et chargés de l'administration de cette caisse devenue la plus importante du trésor athénien. Démosthène, qui s'est élevé à maintes reprises contre cette « caisse des spectacles », parvient très dif­ficilement à obtenir qu'une partie du théoricon soit affectée à l'effort de guerre contre Philippe de Macédoine.

 

V - LA JUSTICE

 

Pour juger des crimes et délits, les Athéniens disposent d'un tribunal populaire, l' Héliée , dont les juges sont tirés au sort parmi les citoyens. Les condamnations vont de l'amende à la confiscation des biens, de la privation des droits civiques à la peine capitale. Dans ce cas, le condamné doit boire une coupe empoisonnée, comme Socrate.

 

1°) Un tribunal du peuple

 

Émanation de l' ekklesia , le tribunal populaire de l'Héliée est, au Ve siècle avant notre ère, la plus importantes des instances judiciaires athéniennes. Les juges de l'Héliée sont amenés à juger toutes les affaires publiques ou privées, à l'exception des homicides. Au début de chaque année, les archontes choisissent 6 000 « héliastes » ou juges parmi les citoyens de plus de trente ans qui se portent volontaires pour cette fonction . Dès qu'ils sont désignés, les héliastes prêtent serment en s'engageant « à voter suivant les lois et suivant les décrets du peuple et du conseil des Cinq-Cents et à prêter la même attention aux deux parties ». Ensuite les juges sont répartis en dix sections de 500 membres chacune , 1 000 d'entre eux étant laissés à l'écart pour servir de suppléants en cas de besoin. Selon l'importance du procès, on réunit une ou plusieurs sections. À partir du milieu du Ve siècle avant notre ère, les héliastes reçoivent une indemnité journalière, le misthos héliastikos . Cette indemnité est l'objet de violentes critiques de la part des conservateurs qui lui reprochent d'inciter les Athéniens sans ressources à se faire inscrire comme héliastes pour toucher le misthos. Pour les affaires de peu d'importance, il n'est pas nécessaire de passer devant le tribunal de l'Héliée : les délits portant sur des sommes inférieures à dix drachmes sont confiés aux juges des dèmes qui ont essentiellement pour clientèle les campa­gnards. On peut aussi recourir à l'arbitrage. Des arbitres publics, tirés au sort parmi les Athéniens de plus de 60 ans, ont pour fonction de concilier les deux parties et, en cas d'échec, les renvoient devant l'Héliée . Des arbitres privés, choisis par les deux adversaires, peuvent aussi intervenir et leur décision est sans appel.

 

2°) Le jugement des criminels

 

Pour tous les crimes de sang, Athènes dispose de deux autres tribunaux . Siégeant sur la colline de l'Aréopage 35, le premier est composé d'anciens archontes qui jugent les affaires de meurtre avec préméditation, d'empoisonnements et d'incendies . C'est une assemblée aristocratique dont le prestige moral est fort grand . Le second est constitué de 51 « éphètes 36» nommés par tirage au sort. Selon le type de meurtre, il siège dans quatre endroits différents . Au Prytanée, situé au nord de l'agora, les « éphètes » s'intéressent aux meurtres dont l'auteur est inconnu ou qui ont été causés par un animal ou un objet. Dans ce dernier cas, l'élément jugé respon­sable, qu'il soit animé ou inanimé, sera expulsé au dehors des frontières de l'Attique... Au Palladion, sanctuaire de Zeus et d'Athéna, les « éphètes » font comparaître les auteurs de meurtres involontaires et les responsables de la mort d'un esclave ou d'un étranger. Dans le Delphinion, ancien temple d'Apollon, ils jugent les crimes commis avec une excuse légale, comme la légi­time défense. Généralement, ces crimes sont jugés avec compréhension et acquittés... Enfin, dans le petit village de Phréattys, situé dans le golfe du Pirée, ils jugent les crimes commis par les citoyens bannis : tandis que les « éphètes » siègent sur le rivage, l'accusé, qui ne peut mettre le pied en Attique, se tient sur une barque amarrée près de la côte d'où il plaide sa cause !

 

3°) Aller en justice

 

Les Athéniens distinguent l'action publique, la graphè, et l'action pri­vée, la dikè . Relève d'une graphè toute infraction portant atteinte à l'intérêt général, commise soit contre l'État soit contre un particulier . On trouve parmi les chefs d'accusation, la cor­ruption, la désertion, l'illégalité, mais aussi le vol ou l'attentat contre une personne, les mauvais traitements à l'égard d'une femme ou d'un enfant. La graphè et la dikè sont toujours pro­voquées par la dénonciation d'un par­ticulier . En effet tout citoyen inscrit sur les registres athéniens peut inten­ter une graphè, alors que seuls les intéressés - ou leurs représentants pour les femmes et les enfants mineurs - peuvent déclencher une dikè . Il n'existe pas à Athènes de ministère public et même les crimes les plus graves ne sont pas poursuivis s'il n'y a pas eu de dénonciation . Ainsi, lors d'un meurtre, si les parents de la victime ne se portent pas partie civile, l'assassin n'est pas inquiété . Cette particularité du droit athénien a permis à des individus peu scrupuleux, les « sycophantes 37 » ou « dénonciateurs des voleurs de figues », de soutirer de l'argent aux riches : soit ils les font chanter en menaçant de les accuser, soit ils les accusent avec l'espoir de recevoir une partie des biens de l'accusé s'ils gagnent le procès . Cependant, celui qui intente un procès le fait à ses risques et périls : s'il n'obtient pas le cinquième des suffrages lors du vote des juges, il est condamné à verser à son adversaire une amende correspon­dant à un sixième de la somme en jeu lors d'une dikè, et de 1 000 drachmes au Trésor public pour une graphè.

 

Un sycophante 38 vu par Démosthène :

 

« Il traverse l'agora, dressant son aiguillon comme une vipère ou un scorpion, allant de-ci de-là, cherchant des yeux celui auquel il portera un coup, une injure, une calomnie, et qu'il terrorisera pour lui extorquer de l'argent. Dans la ville, on ne le rencontre ni chez le barbier, ni chez les parfumeurs, ni dans aucune boutique, mais implacable, vagabond, sans amis, il ignore la reconnaissance, l'amitié, tout ce qui est le propre de l'homme. »

 

4°) L'instruction

 

Le demandeur , la personne qui engage une action en justice, accompagné de deux témoins, dépose sa plainte devant le magistrat compétent en présence de la partie adverse . Ils doivent d'abord payer les frais du procès, puis le magistrat examine la cause pour savoir si elle est recevable. S'il donne une suite favorable, le défendeur , la personne qui se défend contre une demande judiciaire, lui remet un mémoire écrit contenant ses propres conclusions. Les deux adversaires sont alors convoqués à un jour fixé pour l'instruction. Celle-ci a pour but de réunir toutes les pièces justificatives utiles. Le demandeur et le défendeur apportent les textes des lois sur lesquelles ils comptent appuyer leur argumentation, ainsi que toutes les pièces écrites relatives à l'affaire, tels que contrats, copies des registres publics, livres de comptabilité... Le magistrat recueille aussi les dépositions des témoins. Ceux qui ne répondent pas à sa convocation sont punis d'une amende de 1 000 drachmes. Si on a besoin de recueillir la déposition d'un esclave, on l'envoie entre les mains du bourreau car son témoignage, s'il n'a pas été obtenu par la torture, n'a pas force de preuve ! L'instruction demande beaucoup d'attention de part et d'autre. En effet, au moment du procès, on ne pourra produire que les pièces réunies à ce moment. Pour cette raison, le magistrat instructeur enferme toutes les pièces qu'on lui a apportées dans deux urnes scellées, les « hérissons », qui ne seront ouvertes que le jour du procès.

 

Il existe à Athènes une police. Les magistrats qui en sont chargés s'appellent « les Onze ». Ils ont pour fonction d'arrêter tout voleur on criminel. Si ce dernier avoue, les « Onze » le font exécuter sur le champ. Sinon, ils l'emmènent devant le tribunal.

 

5°) L'audience

 

Le jour fixé pour l'audience, les « héliastes » se réunissent sur l'agora. Pour éviter toute manœuvre de corrup­tion, les juges qui doivent mener le pro­cès sont tirés au sort au dernier moment . Selon la nature de la cause, on rassemble 201 juges, ou 501, ou 1001, ou plus, le nombre devant toujours être impair . La séance commence par un sacrifice et des prières. Puis le greffier lit l'acte d'accusa­tion et le mémoire de la défense. Ensuite les deux adversaires prennent la parole à tour de rôle, d'abord l'accusateur, puis le défendeur . Il n'existe pas à Athènes d'avocats à proprement parler, et l'accusé doit présenter lui-même sa défense. Cependant certains citoyens n'ont pas les capacités nécessaires pour prononcer une plaidoirie convaincante. Ils peuvent alors faire appel à un logographos, juriste profes­sionnel, qui compose pour eux le dis­cours , ou à un « synégore », qui, avec l'autorisation des juges, prend la parole à la place du plaideur. Le temps attribué à chaque partie est très strictement mesuré, grâce à une clepsydre , sorte d'horloge au fond percé de trous par lesquels s'écoule une quantité déterminée d'eau ou d'hui­le. Lorsqu'un des plaideurs fait lecture de documents ou que l'on fait comparaître un témoin, la clepsydre est arrêtée. Après ces deux exposés, il n'y a pas de délibéra­tion et on passe immédiatement au vote.

 

6°) Coupable ou non coupable ?

 

Chaque « héliaste » dispose de deux jetons de vote : ce sont de petits disques de bronze traversés par une tige, pleine pour l'un, creuse pour l'autre, que l'on utilise en les tenant entre le pouce et l'index . Un héraut prononce l'invi­tation à voter : « Que ceux qui sont d'avis que l'accusé est coupable se servent de celui de leurs jetons qui est creux que ceux qui sont d'avis qu'il n'est pas coupable se servent de celui de leurs jetons qui est plein . » Sur la tribune, on a placé deux urnes : l'urne « maîtresse » en bronze, l'urne « sans valeur » en bois. Chaque juge, après avoir fait vérifier son identité par le président de séance, place dans l'urne « maîtresse » le jeton correspondant à son vote et l'autre jeton dans l'urne « sans valeur » . Il n'y a plus qu'à décomp­ter les suffrages en vérifiant grâce à l'urne « sans valeur » qu'il n'y a pas eu de fraude . En cas de condamnation, il ne reste plus aux héliastes qu'à fixer la peine à infliger. C'est l'objet d'un second vote où ils doivent choisir soit la peine proposée par l'accusation, soit celle demandée par la défense. Leur décision est définitive et sans appel.

 

7°) Les peines, de l'amende à la ciguë

 

Dans le cas d'une dikè , les peines sont d'ordre pécuniaire : le perdant verse une caution et s'engage à acquitter la totalité de la somme qu'il doit verser à la partie adverse dans un délai fixé d'un commun accord . S'il manque à cette obligation, il est passible de nouvelles poursuites.

 

Dans une graphè en revanche, les sentences sont plus variées : outre que le condamné peut avoir à payer une amende, il peut voir aussi ses biens confisqués. Ceux-ci sont alors vendus aux enchères au profit du Trésor public... tandis que le dénonciateur recevra une partie de la recette . On peut également priver le condamné de ses droits civiques par l'« ati­mie », soit partielle, soit totale ; ou l'exiler. Enfin la condamnation à mort est prévue pour les cas les plus graves . Le condamné est alors emprisonné jusqu'à l'exécution de la sentence. Au jour dit, les aides des « Onze » , magistrats chargés de la police et de l'exécution des peines capitales, lui apportent une coupe de ciguë 39, un puissant toxique qui l'en­traîne dans une mort sans douleur.

 

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1XÉNOPHON  : écrivain, philosophe et homme politique grec (Erkhia, Attique, v. 430 - v. 355 av. J.-C.). Il fut un des disciples de Socrate . Il dirigea la retraite des Dix Mille, dont il fit le récit dans l' Anabase . On lui doit des traités relatifs à Socrate ( les Mémorables ), des récits historiques ( les Helléniques ), des ouvrages d'économie domestique et de politique ( l'Économique , la Constitution des Lacédémoniens ), un roman historique ( la Cyropédie ).

2ESCHINE  : orateur athénien (v. 390 - 314 av. J.-C.). D'abord adversaire de Philippe de Macédoine, il devint partisan de la paix et s'opposa à Démosthène . Il dut s'exiler à la suite du procès qu'il intenta contre Démosthène mais qu'il perdit (330 av. J.-C.) . Ses discours ( Sur l'ambassade , Contre Ctésiphon ) sont des exemples d'élégance attique.

3DÉMOSTHÈNE  : homme politique et orateur athénien (Athènes 384 - Ca laurie 322 av. J.-C.). À force d'étude et de ténacité, il réussit à surmonter sa difficulté d'élocution et à acquérir un remarquable talent oratoire qu'il emploie d'abord comme avocat puis, en politique, contre Philippe de Macédoine ( Olynthiennes , Philippiques ). De 340 à 338, Démosthène dirige la politique athénienne et obtient l'alliance de Thèbes, mais les Athéniens et les Thébains sont écrasés par Philippe à Chéronée (338). Exilé, Démosthène encourage la révolte des Grecs, après la mort d'Alexandre, mais s'empoisonne après leur défaite. Son œuvre d'orateur, riche d'une soixantaine de discours, demeure un modèle .

4Plectre (nom masculin) : Lamelle utilisée pour toucher les cordes de certains instruments de musique, comme la cithare, la guitare, la mandoline, etc.

5Oligarchique  : relatif à l' oligarchie  (du grec oligoi , peu nombreux , et arkhê , commandement) : régime politique où l'autorité est entre les mains de quelques personnes ou de quelques familles  ; ensemble de ces personnes, de ces familles.

6Achéens  : la plus ancienne famille ethnique grecque . Venus des régions danubiennes, les Achéens envahirent la péninsule au début du IIe millénaire av. J.-C.. Ils fondèrent une civilisation brillante, dite «  mycénienne  », qui avait comme centres Mycènes et Tirynthe et qui fut détruite par les Doriens (v. 1200 av. J.-C.).

7Béotiens  : de Béotie  : contrée de la Grèce ancienne, au nord-est du golfe de Corinthe, dont le centre principal était Thèbes . Au IVe s. av. J.-C., la Béotie, avec Épaminondas, imposa son hégémonie sur la Grèce ( ligue Béotienne ). Béotien signifie aussi, au sens figuré , ignorant, lourd d'esprit, qui manque de goût, qui est peu ouvert aux beaux-arts , à la littérature, etc.

8Étoliens  : d' Étolie  : région de la Grèce, au nord du golfe de Corinthe . À partir du IVe siècle av. J.-C., ses cités s'unirent en une Ligue («   Ligue étolienne   ») qui mit en échec la Macédoine. Rome la vainquit en 167 av. J.-C.

9PÉRIANDRE  : Périandre fut le second tyran de la cité de Corinthe , fils du tyran Cypsélos. Il succéda à son père en 627. Il améliora les ports de Corinthe et construisit la première rampe sur l'isthme appelée le diolkos (ou dromos ) qui permettait aux navires de passer du golfe de Corinthe au golfe Saronique et d'éviter de contourner tout le Péloponnèse (le canal de l'Isthme ne fut achevé qu'au XIXe siècle). L'argent gagné grâce à cette voie permit à Périandre de supprimer les impôts à Corinthe. Périandre aurait commencé comme un tyran plus modéré que son père mais finit par représenter le modèle du tyran cruel chez Hérodote et Aristote . Selon une histoire, il aurait fait demander au tyran Thrasybule de Milet ce qu'il devait faire et celui-ci aurait répondu seulement en abattant les têtes des germes de blé, sans dire un mot. Périandre comprit qu'il devait éliminer les aristocrates qui pouvaient menacer son pouvoir . Il s'appuya sur la plèbe contre la noblesse et entreprit des répressions violentes. On raconte qu'il fit castrer des garçons qu'il envoya à la colonie de Corcyre. Il aurait tué sa femme Mélissa, fille de Proclès, le tyran d'Épidaure, dans un accès de colère à cause d'une fausse accusation . Il conquit la cité d'Épidaure à l'est de Corinthe. Il exila ensuite son fils Lycophron à Corcyre quand celui-ci lui reprocha la mort de sa mère. Quand il tenta de se réconcilier avec Lycophron et que celui-ci accepta de revenir à Corinthe à condition que Périandre vienne s'occuper de la colonie, les habitants de Corcyre assassinèrent Lycophron. Périandre était souvent mis dans les listes des Sept sages de Grèce pour certains de ses proverbes, même si Platon s'indignait qu'on confonde son intelligence avec de la Sagesse. Il aurait régné 40 ans jusqu'en 585 . Son fils Lycophron était mort et son autre fils Cypsélos le jeune était stupide. Psammétique, fils de Gordias, lui succéda.

10CLISTHÈNE (de Sicyone)   était l'un des tyrans de la cité de Sicyone, sans doute le plus connu . Hérodote l'évoque dans ses Histoires (livre V). Il est le grand-père du bien plus fameux Clisthène l'Athénien qui réforma la démocratie Athénienne et le trisaïeul d'Agaristè, mère de Périclès . Clisthène de Sicyone souhaitait chasser de sa ville le héros poliade (du grec "polias, -ados", de "polis", cité. Une "divinité poliade" est une divinité qui protège la cité qui lui rend un culte spécifique), Adraste (dans la mythologie grecque Adraste - en grec ancien ? d?ast?? / Adrastos - était le roi légendaire d'Argos à l'époque de la lutte entre Étéocle et Polynice pour le trône de Thèbes). Il alla consulter la Pythie de Delphes pour obtenir son accord mais celle-ci, hostile au régime des tyrans, lui répondit « qu'Adraste était le roi de Sicyone, et lui un misérable à lapider. » C'est donc contre l'avis de la Pythie que Clisthène remplace tout de même le culte à Adraste par celui à Mélanippos, autre héros, ennemi juré d'Adraste . De même, les chœurs tragiques qui étaient destinés à Adraste furent transférés au culte à Dionysos, divinité populaire. Ainsi, comme la plupart des tyrans grecs, Clisthène de Sicyone a contribué à démocratiser la religion.

11THRASYBULE (de Milet)  : tyran de VIe siècle av. J.-C. Voir l'anecdote sur les épis de blé racontée par Hérodote ( Histoires , V, 92) dans la note 9 sur Périandre, tyran de Corinthe.

12PISISTRATE  : tyran d'Athènes (v. 600-527 av. J.-C.). Il établit la tyrannie en 560. Continuateur de l'œuvre de Solon, il encouragea le commerce et favorisa le développement de la petite paysannerie . Il donna à Athènes ses premiers grands monuments et développa les grandes fêtes religieuses en hommage à Athéna (Panathénées) et à Dionysos (Dionysies).

13HIPPIAS  : tyran d'Athènes (527-510 av. J.-C.). Fils de Pisistrate, il partagea le pouvoir avec son frère Hipparque puis lui succéda. Son despotisme le fit chasser d'Athènes en 510. Il se réfugia en Perse.

14HIPPARQUE  : tyran d'Athènes (527-514 av. J.-C.), fils de Pisistrate. Il gouverna Athènes à partir de 527, conjointement avec son frère Hippias ; il fut assassiné.

15Panathénées  (du grec pan , tout, et Athenê , Athéna) : Fêtes célébrées chaque année en juillet, à Athènes, en l'honneur d'Athéna. À partir de Pisistrate (566-565), on distingua les petites panathénées, annuelles , et les grandes, célébrées la troisième année de chaque olympiade . Elles se déroulaient en hécatombaion (juillet) et duraient quatre jours, pendant lesquels se déroulaient des concours athlétiques. Elles se terminaient par une grande procession du Céramique jusqu'à l'Acropole.

16DENYS 1 er l'Ancien  : tyran de Syracuse (405-367 av. J.-C.) . Il chassa les Carthaginois de Sicile, soumit à son autorité toutes les villes grecques de l'île et fonda des comptoirs en Italie. Il protégea les lettres (Platon) et fit de Syracuse un important centre économique.

17PHILIPPE II de Macédoine  : régent (359) puis roi de Macédoine (356-336) . Il rétablit l'autorité royale, développe l'économie et réorganise l'armée, basée sur un corps d'infanterie, la phalange. Ayant consolidé les frontières de son royaume, il se tourne vers la Grèce. Les Athéniens, malgré les avertissements de Démosthène, réagissent tardivement à la conquête de la Thrace (342-340). Devenu maître de Delphes, Philippe doit lutter contre la coalition d'Athènes et de Thèbes. Vainqueur à Chéronée (338), il établit pour deux siècles la tutelle macédonienne sur la Grèce . Il s'apprête à marcher contre les Perses, lorsqu'il est assassiné à l'instigation de sa femme Olympias ; son fils Alexandre lui succède .

18ALEXANDRE III le Grand  : roi de Macédoine (336-323) . Alexandre, fils de Philippe II de Macédoine , naît à Pella, en Macédoine, en 356 av. J.-C. Il a pour précepteur Aristote , apprend l'art militaire dans des campagnes contre les Thraces et les Illyriens et participe à la bataille de Chéronée. Il succède en 336 à son père, assassiné, dont il reprend les projets d'expansion en Asie .

Les conquêtes d'Alexandre : Au début de 334 av. J.-C., Alexandre franchit l'Hellespont (les Dardanelles). L'armée du roi de Perse Darios III, très supérieure en nombre, attend les Macédoniens sur les bords du Granique, petit fleuve côtier de Phrygie. C'est là qu'Alexandre remporte sa première victoire en Asie (334), se rendant maître de l'Asie Mineure. En 333, ayant franchi les montagnes de Cilicie, il écrase dans la plaine d'Issos l'armée perse . Alexandre, se refusant à toute négociation, poursuit son plan d'encerclement méthodique de la Méditerranée orientale. Il soumet le littoral syrien (prise de Tyr et de Gaza en 332) et pénètre en Égypte, qui, supportant mal le joug des Perses, l'accueille en libérateur . En 331, il quitte l'Égypte après avoir fondé Alexandrie, traverse le Tigre et l'Euphrate, au-delà duquel Darios III a concentré toutes ses troupes. La bataille décisive a lieu entre Gaugamèles et Arbèles en octobre 331 et marque la fin de la dynastie des Achéménides. Alexandre s'empare de Babylone et de Suse, brûle Parsa (Persépolis) et atteint l'Indus . Mais, son armée étant épuisée, il revient à Suse (324).

Le stratège  : De son père Philippe II, Alexandre hérite un outil de combat parfaitement rodé, qui a assimilé les leçons de la phalange thébaine d'Épaminondas, mobile et manœuvrable. L'armée macédonienne comprend alors une double articulation en formations de cavalerie et d'infanterie, elles-mêmes organisées en unités lourdes ou légères. Dans cette armée, la phalange, formée au combat sur une file de 16 hommes en profondeur, ne constitue qu'un élément (certes central) d'un dispositif complexe et souple . Au plan stratégique, l'originalité d'Alexandre est d'avoir adapté ce dispositif à l'hétérogénéité nouvelle de ses armées, désormais composées, en plus des Macédoniens, d'éléments étrangers (Thraces, Crétois, etc.). Il comprend ensuite que le cœur du dispositif adverse se situe là où se tient le commandement politique de l'armée : le roi. C'est donc là qu'il fait porter l'effort de ses troupes.

L'organisation de l'empire  : Alexandre conserve une grande partie des institutions perses (fiscalité, division en satrapies), adopte le cérémonial de la cour des Achéménides et gouverne à la manière d'un despote oriental . Il crée de nombreuses villes, auxquelles il donne son nom. S'efforçant de fondre les civilisations perse et grecque, il encourage l'intégration des Perses dans l'armée et favorise les mariages entre les deux communautés.

La postérité  : L'empire créé par Alexandre et que seule maintenait sa puissante personnalité ne lui survit pas . Il est partagé après sa mort (323) entre ses généraux (les diadoques) , qui donnent leurs noms aux différentes dynasties qu'ils créent (Lagides, Séleucides, etc.). Ces royaumes forment un monde qui s'étend de l'Indus à l'Asie Mineure, et dans lequel s'épanouit une nouvelle civilisation grecque, dite « hellénistique ».

19Archonte  : Titre de certains magistrats dans diverses cités grecques anciennes. (Au pluriel ce mot peut désigner indifféremment tout magistrat, quel que soit son titre exact.). À Athènes, l'institution des archontes marqua le passage du pouvoir de la royauté à l'oligarchie foncière . À l »origine, il n'y avait qu'un seul archonte et la charge était héréditaire. Par la suite, l'archontat fut limité à dix ans (752 avant J.-C.) jusqu'à ce que, vers la fin du VIIe siècle, fût institué un collège annuel de neuf archontes. Primitivement réservée aux eupatrides ou aristocrates, cette magistrature se démocratisa avec Solon et Aristide. Chefs du gouvernement jusque vers la fin du Ve siècle avant J.-C., les archontes ne conservèrent guère par la suite que des fonctions religieuses et judiciaires.

20Démocratique  (du grec dêmos , peuple, et kratos , pouvoir).

21 Les Syssities  (en grec ancien t ? s?ss?t?a / ta sussitia ) sont, en Grèce antique, des repas pris en commun par les hommes et les jeunes gens d'un groupe social ou religieux, spécialement en Crète et à Sparte , mais aussi à Mégare ou Théognis. Les banquets évoqués par Homère se rattachent à cette tradition. On trouve des traces de semblables repas aussi bien à Carthage qu'à Rome.

À Sparte, où le système est le plus évolué, ils sont également appelés « phidities » ( fe?d?t?a / pheiditia , de ? d? / edô , manger) : il s'agit d'un banquet quotidien et obligatoire, comparable au mess des militaires . À l'époque archaïque (par exemple chez Alcman), le rituel porte également le nom d' ? ?d?e ? a / andreia , littéralement « qui appartient au mâle ». La participation aux syssities est, de même que l'éducation spartiate, obligatoire pour faire partie des Homoioi , les Pairs. Le Spartiate y est admis à partir de 20 ans , après un rituel décrit par Plutarque ( Vie de Lycurgue , 12) : le jeune hommes doit être coopté à l'unanimité par ses futurs camarades . Le vote se fait au moyen de boulettes de pain jetées dans un vase. Il est possible que le jeune homme soit présenté par son éraste, c'est-à-dire le plus âgé d'une relation pédérastique. Chaque convive doit apporter au pot commun une quote-part mensuelle, le f?d?t?? / phiditês dont la composition nous est connue par Dicéarque (via Athénée) et Plutarque (ibid., 12) : 77l d'orge, 39l de vin, 3 kilogrammes de fromage, 1,5 kg de figues et 10 oboles éginétiques (utilisées dans le Péloponnèse) , servant à acheter la viande . Celle-ci servait à confectionner le plat principal, le brouet noir ( µ??a? ??µ?? / melas zômos ), dont nous connaissons les ingrédients par Athénée : porc, sel, vinaigre et sang. Le kleros , portion de terre allouée à chaque Spartiate et cultivée par les Hilotes, devait permettre à chaque citoyen de payer son écot . S'il s'en révélait incapable, il était exclu de la syssitie (Aristote, Politique , II, 9).

22NICIAS  : Homme politique athénien (vers 470-Syracuse 413 avant J.-C.). Chef du parti aristocratique contre Cléon, il négocia la trêve dite « paix de Nicias », qui arrêta brièvement la guerre contre Sparte (421). En 415, il devint l'un des chefs de l'expédition de Sicile, qu'il désapprouvait. Cerné par les Syracusains, il se rendit avec l'armée et fut mis à mort.

23Arginuses  : Archipel de la mer Égée. Victoire navale des Athéniens sur les Lacédémoniens (406 avant J.-C.).

24Obole (latin obulus , du grec obolos ) : Unité de monnaie et de poids de la Grèce antique, qui valait le sixième de la drachme , soit, dans le système attique, 0,71 g.

25Bouleute  : membre de la boulé ou conseil des Cinq-Cents (voir plus bas : 4°) Le conseil des Cinq-Cents).

26Prytanie  (grec prutaneia ) : Espace de temps durant lequel une tribu, à Athènes, fournissait les prytanes (principaux magistrats) en fonction.

27Délibératif  : droit d'émettre une opinion et de prendre part au vote lors des délibérations (contrairement au pouvoir consultatif).

28PÉRICLÈS : homme d'État athénien (v. 495 - Athènes 429 av. J.-C.). Le rôle de Périclès dans l'ascension politique et dans l'épanouissement culturel d'Athènes lui a valu de donner son nom au siècle le plus brillant de la Grèce classique, le «  siècle de Périclès  ».

Le chef de la démocratie athénienne  : Né vers 495 av. J.-C., il participe à la lutte contre l'Aréopage, aux côtés d'Éphialtès, chef du parti démocratique d'Athènes. Après l'assassinat de ce dernier, Périclès lui succède à la tête du parti et dirige l'État en tant que stratège, magistrature à laquelle il sera réélu au moins quinze fois entre 443 et 429 . Il poursuit alors la démocratisation de la vie politique de la cité : l' archontat (dignité d' archonte , premier magistrat des républiques grecques) est ouvert à tous les citoyens, le tirage au sort est étendu à de nombreuses magistratures et une indemnité est versée aux détenteurs de fonctions politiques . Mais il institue les «  procès d'illégalité  » pour annuler les décisions de l'assemblée du peuple (ecclésia) qui iraient à l'encontre des lois existantes.

L'hégémonie athénienne  : Dans le conflit qui oppose à Athènes Corinthe, Égine, Sparte et ses alliés, Béotiens et Perses (459-446), Périclès dirige fréquemment les opérations militaires . Mais, après la paix de Callias avec les Perses (449) et la paix de Trente Ans avec Sparte (446), il ne compte plus que sur des méthodes pacifiques, sur le prestige de ses réalisations culturelles et sociales, pour imposer l'hégémonie athénienne aux cités grecques encore indépendantes. Athènes connaît alors l'apogée de sa civilisation : c'est l'époque de l'architecte Phidias, de Sophocle et d'Euripide, de l'enseignement des sophistes et de Socrate . Périclès fait également réaliser de grands travaux : fortifications du Pirée, travaux de l'Acropole . Ces énormes dépenses l'obligent à puiser dans la caisse de la Confédération athénienne , à faire peser l'impérialisme d'Athènes sur ses alliés et, pour cela, à développer dès 448-447 le système des clérouquies (colonies peuplées d'Athéniens) dans la Chersonèse de Thrace, en Eubée et dans les îles ; leur présence humilie les alliés. Mais Périclès réussit à briser leurs velléités d'indépendance.

La guerre du Péloponnèse  : Prévoyant le conflit avec Sparte, Périclès y prépare le camp athénien. Il serait à l'origine du décret qui, en interdisant les marchés de l'Attique et les ports de la Confédération aux Mégariens, provoque la guerre du Péloponnèse (431). Une opposition se manifeste, formée d'ennemis personnels et d'ambitieux déçus, d'oligarques groupés derrière Thucydide rentré d'exil ; des procès sont intentés à ses amis Phidias et Anaxagore, et à sa maîtresse Aspasie . Mais le peuple lui fait toujours confiance et, adoptant son plan de campagne, s'enferme derrière les murs d'Athènes dès le début de la guerre. Lorsque la peste éclate, ses adversaires, profitant du découragement du peuple, font condamner Périclès à une lourde amende. Réélu stratège au printemps de 429, il succombe à son tour à l'épidémie (septembre 429).

29LYCURGUE  : Orateur et homme politique athénien (vers 390-vers 324 avant J.-C.). Élève de Platon et d'Isocrate, il fut l'un des adversaires de Philippe de Macédoine. De 338 à 326, il joua un rôle actif dans le gouvernement d'Athènes. On a conservé de lui le discours Contre Léocrate .

30Laurion  : région montagneuse de l'Attique, en Grèce, où, depuis l'Antiquité, on exploite des mines de plomb.

31Tribut  : Ce qu'un État paie ou fournit à un autre État pour marquer sa dépendance.

32Agrès  : Éléments du gréement d'un navire (poulies, voiles, vergues, cordages, etc.).

33Héliaste  : Nom que portaient à Athènes les membres d'un tribunal populaire (l'Héliée) dont les assemblées commençaient au lever du soleil.

34Héliée (grec hêliaia ) : Assemblée du peuple dans certaines cités grecques ; à Athènes, tribunal populaire. La création de l'héliée d'Athènes est attribuée à Solon. Au Ve siècle avant J.-C., le nombre des héliastes était de 6 000, tirés au sort chaque année à raison de 600 par tribu. Les débats étaient publics, la sentence étant prononcée par un vote au scrutin secret. Les héliastes, juges de l'Héliée, étaient recrutés parmi toutes les classes de citoyens âgés de plus de trente ans et qui se portaient volontaires pour y être inscrits.

35L'Aréopage (en grec ? ?e??? p???? / Áreios págos ) était à Athènes la « colline d'Arès », située à l'ouest de l'Acropole ; c'était aussi le nom du conseil qui s'y réunissait.

36Éphète (grec ephetês ) : Membre d'un tribunal criminel d'Athènes qui avait à connaître des crimes qui échappaient à l'Aréopage.

37Un sycophante (en grec ancien s???f??t?? / sukophántês ) est, dans l'Athènes antique, un délateur professionnel. La composition du mot est claire : il vient de s ? ??? / sukon , « figue », et de fa??? / phaínô , « découvrir », « faire voir » . En revanche, son origine est obscure dès l'Antiquité. Plutarque ( Vies parallèles , Solon , XXIV, 2) rapporte l'explication selon laquelle ces délateurs s'en prenaient aux exportateurs de figues hors de l'Attique, l'exportation étant alors illégale. Cependant, si l'on connaît des mesures restrictives sur l'exportation de produits agricoles, souvent attribuées à Solon, aucune ne porte sur les figues. On a proposé de voir dans le sycophante celui qui « montre les figues » cachées par un voleur dans ses vêtements. Les figues étant des fruits de grande consommation et de faible valeur marchande, le sycophante serait alors celui qui n'hésite pas à dénoncer le vol de choses sans valeur.

38 Démosthène les traite de « chiens du peuple » (in Contre Aristogiton ).

39La grande ciguë est une plante herbacée bisannuelle de la famille des Apiacées (Ombellifères ). Très toxique, elle était à la base du poison officiel des Athéniens et de la colonie phocéenne de Massilia (Marseille) pour exécuter les condamnés à mort et les « suicides commandés » .

La plante contient dans toutes ses parties, notamment les fruits, au moins cinq alcaloïdes violemment toxiques, avec principalement la conine (encore appelée coniine , conicine ou cicutine ) et la ?-conicéine . Quelques grammes de fruits verts suffiraient théoriquement à provoquer la mort d'un être humain (les ruminants et les oiseaux semblent être réfractaires, le cheval et l'âne y sont peu sensibles, mais elle est donnée comme poison violent pour les bovins, les lapins et les carnivores ). Chez l'homme, l'ingestion de ciguë provoque dans l'heure qui suit des troubles digestifs (surtout quand la racine est utilisée), des vertiges et céphalées, puis des paresthésies (troubles de la perception des sensations, caractérisés par des sensations anormales de picotement, de fourmillement, de brûlure, d'engourdissement, etc.), une diminution de la force musculaire, et enfin une paralysie ascendante. Des convulsions et des rhabdomyolyses (destructions des cellules musculaires) ont été rapportées, suivies d'insuffisance rénale pouvant entraîner la mort. Par contre, la mort par « paralysie respiratoire », relatée et relayée depuis la scène de Socrate, n'a pas encore été attestée par la toxicologie moderne pour la ciguë isolée, d'où l'hypothèse d'un mélange probable de Ciguë, de Datura et d'opium dans le poison de la Grèce Antique.

Le philosophe grec Socrate fut condamné à mort par ingestion d'une solution à base de ciguë en 399 av. J.-C.. Malade, Platon n'ayant pu assister aux derniers instants de son maître, a reconstitué la célèbre scène dans le Phédon , d'après le récit de plusieurs disciples. Voici le passage décrivant les symptômes :

Après avoir marché, il dit que ses jambes s'alourdissaient et se coucha sur le dos, comme l'homme le lui avait recommandé. Celui qui lui avait donné le poison, le tâtant de la main, examinait de temps à autre ses pieds et ses jambes ; ensuite, lui ayant fortement pincé le pied, il lui demanda s'il sentait quelque chose. Socrate répondit que non. Il lui pinça ensuite le bas des jambes et, portant les mains plus haut, il nous faisait voir ainsi que le corps se glaçait et se raidissait. En le touchant encore, il déclara que quand le froid aurait gagné le cœur, Socrate s'en irait. Déjà la région du bas-ventre était à peu près refroidie lorsque, levant son voile, car il s'était voilé la tête, Socrate dit, et ce fut sa dernière parole : « Criton, nous devons un coq à Asclepios ; payez-le, ne l'oubliez-pas. — Oui, ce sera fait, dit Criton, mais vois si tu as quelque autre chose à nous dire. » A cette question il ne répondit plus ; mais quelques instants après il eut un sursaut. L'homme le découvrit : il avait les yeux fixes. En voyant cela, Criton lui ferma la bouche et les yeux. ( Phédon , Editions Garnier Frères, Paris, 1965).

Ce récit nous apprend aussi que la préparation était réalisée extemporanément, en quantité précise pour « une dose mortelle », et devait être bue jusqu'à la dernière goutte. Le condamné devait marcher après avoir bu afin de favoriser la diffusion rapide des toxiques dans l'organisme. Les spasmes, les yeux exorbités et le faciès tragique des intoxiqués par la Ciguë ne correspondent pas à l'état d'inconscience et de sérénité de Socrate dans le récit. Pour cette raison, on a avancé l'hypothèse que la boisson létale des Grecs contenait d'autres poisons comme le datura pour en renforcer la toxicité, et de l'opium pour en diminuer la conscience et neutraliser les convulsions .

 

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