LA CIVILISATION CHINOISE

 

VI/ : LA CHINE AU TEMPS DU PREMIER EMPEREUR:

 

PLAN DU COURS :

 

Introduction

I - La jeunesse de Zheng

II - L'armée de Qin

III - La tentative d'assassinat

IV - La Grande Muraille

V - L'incendie des livres

VI - La construction du tombeau

VII - Les gardiens du tombeau - I

VIII - Les gardiens du tombeau - II

IX - Les nobles

X - Les canaux

XI - La cour impériale

XII - Les gens du peuple

XIII - La recherche de l'immortalité

XIV - Le royaume des morts

 

 

INTRODUCTION

 

En 1974, à Xi'an (= Shi'an)

(littéralement : « paix occidentale ») dans le Shaanxi (= Shaanshi – Province ° 17) (à ne pas confondre avec Shanxi (= Shanshi – Province ° 11), une province du nord de la Chine,

quelques paysans creusaient un puits près du mont Li, une colline qui, selon les légendes locales, était consacrée à la mémoire d' un grand empereur depuis longtemps disparu .

Tout à coup, leurs bêches s'enfoncèrent dans le vide. Elles avaient traversé le plafond d'une salle souterraine. Et les paysans se trouvèrent alors face à face avec un guerrier en terre cuite grandeur nature , vêtu d'une cuirasse. Que pouvait-il bien garder ?

Lentement, la vérité leur apparut : ils venaient de découvrir le premier des milliers de guerriers qui montaient la garde autour de la tombe de l'empereur . Je vais donc vous raconter ici l'histoire de Zheng (= Tcheng), roi de Qin (= Tsin) , qui vécut en Chine il y a plus de 2 000 ans, de 259 à 210 avant Jésus-Christ.

 

 

Son nom de famille était Ying. Le nom personnel du souverain n'étant pas, par respect, employé de son vivant, il était donc pour ses contemporains le « roi de Qin ». Les historiens le mentionnent néanmoins comme « roi Zheng de Qin » (= roi Tcheng de Tsin). En 221 av. J.C., il prit officiellement le titre de « Premier auguste souverain » ( Shi Huangdi ), en référence aux souverains antiques san huáng wu dì (littéralement, « les trois Augustes et les cinq Empereurs »).

 

« Les trois Augustes et les cinq Empereurs » (pinyin : san huáng wu dì ) sont les dieux et rois légendaires qui auraient régné en Chine avant la dynastie Xia (= Shia) entre 2205 et 1767 av. J.-C. :

- san désigne le chiffre « trois »

- huáng désigne l'idée d'« empereur/dieu/suprême/ auguste »

- wu désigne le chiffre « cinq »

- désigne l'idée de « souverain/roi »

 

 

L'État de Qin ou Ts'in (v. 771 av. J.-C. - 207 av. J.-C.) apparaît au début de la dynastie des Zhou Orientaux, dans la vallée de la Wei (actuelle province du Shaanxi). État semi-barbare aux confins occidentaux de la Chine des Zhou, son influence s'accroît au cours de la période dite « des Printemps et des Automnes » et surtout des « Royaumes combattants », à la fin de laquelle le roi de Qin, ayant annexé ses six principaux rivaux (Qi, Chu, Han, Yan, Zhao, et Wei) fonde la dynastie Qin (221 av. J.-C. – 207 av. J.-C.). La famille régnante du Qin portait, nous l'avons dit, le nom de Ying.

L'origine du mot « Chine » vient donc du nom de cet État, issue d'une confusion des missionnaires jésuites avec ce « Royaume de Qin » qui est en fait un des 7 Royaumes Combattants à l'origine du territoire du « Pays du Milieu ».

 

En 221 av. J.-C., le roi de Qin (= Tsin) adopta le titre de Shi Huangdi (= Chi Rhuangdi), littéralement « premier empereur », créant pour l'occasion le mot Huangdi , souvent traduit en français par « empereur », repris par tous les souverains de Chine qui vinrent après lui. Ce terme est l'association de Huang , traduit par « empereur », « dieu », « suprême », « auguste », et de Di , « souverain », « roi », en référence, comme nous l'avons vu, aux trois Augustes et cinq Empereurs, premiers souverains mythiques de Chine. Il porta le titre de Shi Huangdi durant tout son règne. Son fils fut Er Huangdi , (= Ej Rhuangdi) littéralement « Deuxième empereur ». L'histoire voulait que la série s'arrêtât là.

 

Lors de l'avènement de la Dynastie Han qui régna juste après de 206 avant J.-C. à 220 après J.-C., le terme Shi Huangdi (= Chi Rhuangdi) (« Premier Empereur ») fut jugé inacceptable par les Han qui ne le reconnaissaient pas comme le premier de leur lignée. Ils l'appelèrent donc « Premier Empereur de la Dynastie Qin (= Tsin) », soit Qin Shi Huangdi (= Tsin Chi Rhuangdi). Néanmoins, la plupart des noms chinois de personne étant de deux ou trois sinogrammes ; le di final fut donc finalement supprimé pour donner Qin Shi Huang (= Tsin Chi Rhuang ou Tchin Cheu Wouang). Son fils et successeur devint Qin Ershi (= Tsin Ejchi).

 

L'usage aujourd'hui en Chine est donc effectivement d'appeler le premier empereur Qin Shi Huang , même si l'on trouve parfois Qin Shi Huangdi , plus utilisé à l'étranger.

 

Mais revenons à notre histoire…

 

Avant que Zheng (= Tcheng) s'empare du pouvoir, la Chine était composée de nombreux États gouvernés par des souverains locaux . Ceux-ci se combattaient férocement pour agrandir leurs territoires et faire des prisonniers. Il paraissait impossible d'unir ces États rivaux sous une autorité unique.

 

C'est pourtant ce que Zheng réussit à faire. Les peuples de l'époque pensèrent alors qu'il disposait de pouvoirs magiques, mais les historiens d'aujourd'hui ont trouvé d'autres raisons à ses victoires : le pays de Qin (= Tsin), protégé par des montagnes, était riche, fertile et bien irrigué par un système de canaux. Et surtout, ses habitants étaient des guerriers expérimentés. Zheng (= Tcheng) les dominait grâce à des lois terriblement strictes auxquelles personne n'aurait jamais osé désobéir.

 

Mais qui était le roi Zheng et comment devint-il le premier empereur Qin (= Tsin) ?

 

I – LA JEUNESSE DE ZHENG

 

Le père de Zheng était le roi de Qin, un État du nord-ouest de la Chine. À sa mort, en 246 avant Jésus-Christ, Zheng n'avait que treize ans . Lü Buwei (= Lu Bouweil), un des plus vieux fonctionnaires du royaume, gouverna au nom du jeune roi. Mais à vingt et un ans, Zheng le démit de ses fonctions et assuma lui-même le pouvoir avec de nouveaux conseillers.

 

Qin était un pays prospère, qui disposait d'un bon système d'irrigation, et la plupart de ses habitants vivaient de l'agriculture. Les autres peuples les considéraient comme arriérés et barbares, parce qu'ils ne connaissaient ni la musique, ni la science, ni les arts. On disait même que le seul moyen pour un sujet de Qin de gagner les faveurs du roi était de se montrer héroïque au combat. Un voyageur rapporte que, je le cite, « l'homme qui revient de la guerre avec les têtes de cinq ennemis devient le chef de cinq familles du voisinage ».

 

Les châtiments étaient d'une grande brutalité : ceux qui refusaient de dénoncer des coupables aux autorités locales couraient le risque d'être coupés en deux !

 

Intelligent et rusé, Zheng voulait devenir le souverain le plus puissant que la Chine ait jamais connu. Et l'éducation qu'il avait reçue l'avait parfaitement préparé à sa charge. Il avait appris à lire et à écrire, connaissait l'art de la guerre, la façon de choisir ses conseillers et d'écouter leurs avis, et l'administration de la justice. Sa formation était avant tout pratique, contrairement à celle des autres souverains qui admiraient les paysages et les jardins, lisaient des traités scientifiques ou s'adonnaient à la poésie. Zheng était un homme d'action, déterminé à se battre... et à vaincre.

 

Toutefois dès son plus jeune âge, on enseigna au prince Zheng les bonnes manières, la musique, le tir à l'arc, la conduite d'un char, l'écriture et l'arithmétique. Selon la tradition, c'était tout ce que devait savoir un jeune homme bien élevé.

 

Zheng prenait connaissance des documents officiels avec une grande rapidité. Mais ses courtisans ont révélé que lorsqu'il décida de gouverner par lui-même, on le voyait sans cesse occupé à examiner des liasses de rapports. Précisons qu'à l'époque de Zheng, le papier n'avait pas encore été inventé. Les informations importantes étaient inscrites sur des bandes de bambou longues et fines, ou gravées dans le métal ou dans la pierre.

 

II – LES ARMÉES DE QIN

 

Même avant que Zheng ne soit roi, les armées de Qin répandaient l'effroi . Un noble ennemi écrivait à leur propos : « Qin a le cœur d'un tigre ou d'un loup. Il est avide et indigne de confiance. »

 

 

Devenu roi, Zheng entreprit, avec l'aide de son Grand Conseiller, Li Si, une politique de conquête : il envoya ses armées attaquer les autres États de la Chine , l'un après l'autre. On aurait dit, comme l'écrivit un auteur horrifié : « un ver à soie dévorant une feuille de mûrier ».

 

En 256 avant Jésus-Christ, le roi des Zhou (= Tchou) fut contraint d'abandonner son trône ; en 230, Han fut vaincu ; en 228, ce fut Zhao (= Tchao) et, en 225, le royaume de Wei. En 223 avant Jésus-Christ, ce fut au tour du pays de Chu et en 222 de Yan. Le seul État encore indépendant, Qi (= Tsi), se rendit sans combattre en 221. Il savait n'avoir aucune chance devant le puissant « Tigre de Qin » et sa terrifiante armée.

 

Désormais, Zheng dominait toute la Chine. Pour Zheng et ses sujets, cela signifiait qu'il était le maître de tout le monde connu, puisque les Chinois n'avaient encore été en contact avec aucune autre civilisation. Dans les batailles qui opposaient les États rivaux, une multitude de fantassins armés d'épées et de lances était généralement engagée. Se joignaient à elle des arbalétriers bien entraînés et des cavaliers. Le carreau tiré par un arbalétrier pouvait transpercer une armure à 200 m de distance. Les arbalètes faisaient des ravages dans les rangs des fantassins avant que ceux-ci ne se soient suffisamment approchés de leur ennemi pour l'attaquer à l'épée et à la lance.

 

Les officiers participaient au combat sur leurs chars.

 

Les guerriers portaient de lourdes cuirasses faites de plaques métalliques articulées. Elles étaient plus solides et plus souples que les cuirasses primitives, en cuir rembourré ou en peau de requin.

La tradition voulait que ce soit la noblesse qui prenne le commandement des armées, mais les souverains qui avaient précédé Zheng préférèrent nommer des guer­riers braves et expérimentés, même s'ils venaient du peuple. Comme Zheng, ces guerriers pro­fessionnels étaient avides de remporter des victoires et de conquérir de nouveaux territoires, et ils assurèrent ainsi le succès de leur empereur.

 

Zheng imposait la même discipline de fer à son armée qu'à son pays. Un guerrier héroïque au combat pouvait être condamné à mort pour avoir désobéi aux ordres. À cette époque, les États de Qin et de Chu (= Tchou) avaient tous deux une armée d'un million d'hommes.

 

On a retrouvé une épée dans la tombe de Zheng, où elle était demeurée pendant plus de 2 000 ans. Elle était encore suffisamment effilée pour couper des cheveux.

 

III – LA TENTATIVE D 'ASSASSINAT

 

Beaucoup de gens n'aimaient pas la politique de Zheng, qui dominait le pays par les armes, mais peu d'entre eux se sentaient suffisamment forts pour essayer de lui faire obstacle. Un de ses adversaires, le prince héréditaire de Yan, un État du nord-est de la Chine , ourdit un complot pour tuer Zheng et faillit réussir. En 227 avant Jésus-Christ, le prince prit secrètement contact avec Jing Ke, un érudit qui était aussi un maître dans le maniement de l'épée. Jing Ke demanda audience à Zheng qui accepta de le recevoir. Jing Ke emporta avec lui des présents : l'un d'entre eux était la tête coupée d'un général ennemi…

 

Mais il apporta aussi un poignard empoisonné. Quand il arriva au palais, Zheng examina avec avidité les présents qu'il lui apportait. Jing Ke en profita pour sortir le poignard empoisonné et se jeta sur lui, mais il ne parvint qu'à entailler une des longues manches de l'empereur.

 

 

Zheng bondit en arrière et se protégea derrière une colonne. Il portait une épée, mais elle était si longue qu'il ne réussit pas à l'extraire de son fourreau. Jing Ke le poursuivit et Zheng réussit à écarter le poignard à mains nues. Zheng n'avait confiance en personne et ses courtisans ne portaient pas d'armes en sa présence car ils auraient pu l'attaquer. Tous étaient paralysés de peur.

 

Seul le médecin de Zheng se jeta dans la bataille, frappant Jing Ke avec le sac contenant ses instruments et ses médecines. Finalement, un courtisan cria à l'empereur comment faire pour tirer son épée et Zheng se rua sur son agresseur, qu'il blessa. Jing Ke jeta le poignard empoisonné vers Zheng, mais le manqua. Zheng frappa sauvagement son assaillant, à sept reprises, et les gardes du palais, appelés en renfort, l'achevèrent. Cet attentat renforça encore la détermination de Zheng à tenir impitoyablement en main son peuple et à exterminer tous ses ennemis.

 

Dans les années qui suivirent, deux autres tentatives de meurtre eurent lieu contre l'empereur.

 

En 219 av. J.-C., Zheng fut attaqué par un musicien aveugle, qui portait une harpe remplie de plomb ; en 218, au cours d'un voyage, son véhicule échappa à une embuscade.

 

Selon le témoignage des gens qui vivaient à la cour de Zheng, celui-ci « resta inquiet longtemps » après la tentative d'assassinat de Jing Ke. Il consacra même beaucoup de temps et d'argent, comme nous le verrons, à essayer de trouver une potion magique qui le rendrait immortel.

 

 

IV – LA GRANDE MURAILLE

 

Zheng ne devait pas seulement conquérir les États ennemis, il devait aussi assurer la défense de son royaume contre les envahisseurs venus des régions désertiques du Nord et de l'Ouest, notamment les Huns. Les Chinois considéraient ces peuples comme barbares parce qu'ils parlaient une langue différente de la leur et avaient d'autres croyances et d'autres coutumes.

Contrairement à eux, qui habitaient des villages et des cités entourés de terres bien cultivées, les envahisseurs parcouraient le désert inhospitalier à la recherche de pâturages pour leurs chevaux et d'un lieu où dresser leurs tentes durant les rigueurs de l'hiver.

 

En 214 avant Jésus-Christ, Zheng décida de bâtir une muraille pour contenir ces nomades de la steppe. Elle s'étendrait le long des frontières nord et ouest de son royaume.

 

 

La muraille relierait quelques fortifications anté­rieures en un unique long mur de défense. Elle serait composée d'un solide rempart de terre, renforcé par des joncs et revêtu de briques en argile cuite.

 

Des ouvriers, des paysans, des guerriers et même des prisonniers furent arrachés à leur lieu de résidence et envoyés sur les différents sites de construction de la muraille. Là, on les obligea à travailler jusqu'à épuisement complet. Des milliers d'entre eux moururent à la tâche et furent enterrés dans les fossés ou au sein de la muraille elle-même. Une telle cruauté était révélatrice du caractère de Zheng. Il savait qu'il ne pourrait jamais persuader assez de gens de travailler à la Muraille afin qu'elle soit finie à temps. Et pour lui, la sécurité de son royaume était plus importante que tout au monde. Il n'hésita donc pas.

 

Autre exemple, les guerriers commis à la garde de la Grande Muraille devaient marcher sur des centaines de kilomètres pour gagner leur poste. S'ils arrivaient en retard, ils étaient mis à mort.

 

En raccordant les fortifications édifiées sous les règnes précédents, Zheng fut le premier à bâtir la Grande Muraille. C'est la seule construction humaine qui puisse se voir de la lune, raconte-t-on… mais à tort… elle n'est pas assez large : 6 m c'est trop mince à une telle distance !

 

À l'époque de Zheng, la Grande Muraille s'étendait sur plus de 3 000 km et traversait des territoires hostiles et accidentés. Des tours de guet la jalonnaient, distantes de quelques centaines de mètres les unes des autres.

 

 

 

V - L'INCENDIE DES LIVRES

 

En 213 avant Jésus-Christ, le Grand Conseiller Li Si pria Zheng d'approuver la proposition suivante : « Votre serviteur demande que tous ceux qui possèdent des ouvrages de littérature et de philosophie les détruisent. Ceux qui n'auront pas exécuté cet ordre sous trente jours seront marqués et condamnés aux travaux forcés. »

 

Quelle était la raison d'une pareille mesure ? Li Si s'était querellé avec un lettré qui reprochait à l'empereur de ne pas prendre modèle sur l'Antiquité ; Li Si rétorqua qu'une grande œuvre venait d'être accomplie pour la première fois. Bien entendu, l'empereur approuva la requête de Li Si et on put voir aussitôt, dans les rues, de grands feux alimentés par des documents et des textes anciens .

 

 

Le but de l'empereur et de Li Si était de rendre le peuple ignorant. Ils arracheraient des mémoi­res la connaissance des vieilles croyances et des traditions, ce qui empêcherait le peuple de comparer le passé aux cruelles méthodes de gouvernement de Zheng et éviterait peut-être des rébellions.

 

Mais il y avait aussi une autre raison à cette mesure : si le peuple n'avait plus le droit de posséder des livres, tout le savoir appartiendrait à Zheng et à ses conseillers, qui pourraient s'en servir pour renforcer leur pou­voir.

 

Inévitablement, les lettrés protestèrent contre cette destruction, ce qui provoqua la colère de Zheng. L'année suivante, il fit exécuter 460 lettrés. Entre autres « crimes », il leur reprochait d'avoir dit, je cite, que « le trône (c'est-à­-dire Zheng et son gouvernement) manquait de vertu ».

 

De telles décisions rendirent Zheng impopulaire, mais ses sujets continuèrent à lui obéir, terrorisés par les châtiments dont il les menaçait. Zheng garda donc le contrôle de l'empire qu'il avait conquis.

 

Le fils aîné de l'empereur fut condamné à l'exil pour avoir osé dire â Zheng qu'il trouvait injuste de tuer des lettrés simplement parce qu'ils n'approuvaient pas sa politique.

 

L'empereur se méfiait de l'histoire et prétendait que les idées traditionnelles entravaient le progrès. Il accusait les lettrés « d'utiliser le passé pour discréditer le présent ». Ainsi, à l'inverse, au lieu de louer les cinq qualités royales traditionnelles (pitié, générosité, vertu, loyauté et savoir), les conseillers de Zheng les appelaient « les Cinq Poux ».

 

Zheng régnait sur tout le monde connu des habitants de la Chine. Il n'avait aucun rival aussi puissant que lui et pensait que les dieux lui avaient donné le droit d'agir de la façon qu'il jugeait la meilleure. On l'appelait « premier empereur Qin (Qin Shi Huangdi) », mais aussi « Fils du Ciel ».

 

 

Après la mort de Zheng, des rebelles attaquèrent son palais. Ils incendièrent la bibliothèque, faisant ainsi disparaître pour toujours des exemplaires uniques d'ouvrages précieux.

 

VI – LA CONSTRUCTION DU TOMBEAU

 

Comme la plupart des Chinois de cette époque, Zheng était superstitieux. Il croyait à la magie, aux esprits et à la vie après la mort.

 

Par tradition, les Chinois honoraient les esprits de leurs ancêtres, à la fois par gratitude et pour obtenir d'eux aide et protection. Des prières et des offrandes de nourriture et d'encens avaient lieu sur les tombes des ancêtres, et des céré­monies particulières se déroulaient en leur honneur.

 

Les Chinois attachaient une grande importance à préparer de leur vivant leur vie après la mort. Ils voulaient être enterrés dans des tombes magnifiques, qui contiendraient tout ce dont ils auraient besoin pour continuer à « vivre » : nourriture, vêtements, chars, chevaux, etc.

Une coutume cruelle voulait que les serviteurs soient tués et enterrés auprès de leur maître ou de leur maîtresse, pour les servir au royaume des morts. À l'époque de Zheng, cette coutume n'était plus couramment pratiquée et n'était conservée que pour les personnages de très haut rang.

 

Peu après être devenu roi de Qin, Zheng décida de préparer son tombeau. Son ambition était de devenir le plus grand souverain qui ait jamais existé en Chine, et sa tombe devait donc être plus vaste et plus splendide qu'aucune autre tombe royale .

 

Aussi grande qu'une ville, elle serait un monde en miniature. Ce n'est pas seulement de la nourriture, ses vêtements et ses serviteurs qui l'accompagneraient dans la tombe, mais son armée tout entière composée de plus de 7 000 soldats de terre cuite !

Ce colossal projet exigea encore plus d'ouvriers qu'il n'en avait fallu pour bâtir la Grande Muraille. Les auteurs contemporains de Zheng parlent de 700 000 hommes , parmi lesquels sont comptés les condamnés aux travaux forcés et les artisans chargés d'exécuter les objets précieux.

 

Les condamnés aux travaux forcés qui travaillèrent à la tombe de l'empereur étaient enchaînés. Des archéologues ont trouvé les restes des fers qui entravaient leurs chevilles pour les empêcher de s'enfuir.

 

On connaît l'endroit où les statues des guerriers de Zheng sont enterrées, mais nul ne sait si la splendide chambre funéraire de l'empereur existe toujours ou si elle a été détruite lors d'une rébellion, en 206 av. J.-C. Il faudra encore bien des années avant que les archéologues ne terminent leurs fouilles.

La tombe se trouvait au fond d'une fosse immense et profonde, aux parois de terre battue. Le sol était pavé de briques, et de robustes colonnes soutenaient le toit en bois. La chambre funéraire était protégée par des nattes, qu'une couche d'argile rendait étanches.

 

Plus de 1 500 statues de guerriers grandeur nature ont été mises au jour. On estime qu'il doit encore en rester 6 000 enterrées.

 

VII – LES GARDIENS DU TOMBEAU - I

 

Le tombeau de l'empereur et son extraordinaire armée de terre cuite sont comme une machine à remonter le temps, qui nous transporte soudainement à l'époque du règne brutal de Zheng.

 

Plus de 7 000 guerriers montent la garde dans la tombe. Leurs corps semblent avoir été produits en série, mais aucun visage ne se ressemble . Sans doute ont-ils été copiés d'après nature, en utilisant comme modèles les gardes de l'empereur. Même les coiffures sont différentes les unes des autres. Et certains guerriers arborent une expression féroce alors que d'autres sont souriants.

 

Les guerriers de Zheng étaient originaires de tous les États de l'empire ; il n'est donc pas étonnant que les styles de vêtements ou de coiffures des gardes en terre cuite varient. Sept types de cuirasses ont été répertoriés. La plupart d'entre elles étaient formées de plaques de fer articulées ensemble sur un tablier de cuir, de manière à former une protection solide mais souple.

 

 

 

La cuirasse n'était pas la même selon que le guerrier était un fantassin, un archer, un cavalier ou un charrier . Les fantassins avaient besoin d'une protection particulièrement efficace et portaient des jambières solides et des bottes aux semelles striées. Elles leur permettaient sans doute de pourchasser l'ennemi plus facilement. Les guerriers sont représentés dans des poses variées : les hommes de troupe se tiennent en garde avec raideur ; les arbalétriers sont prêts à lâcher leur carreau et les officiers et gardes du corps sont alignés autour de leur comman­dant. Les détails des cuirasses sont si fins qu'ils ont permis de recueillir de nombreuses infor­mations sur la façon dont on combattait il y a plus de 2 000 ans.

 

L'Armée de terre cuite :

 

2. Fantassin de la fosse 1, à l'origine probablement armé d'une épée.

3. Arbalétrier en pied. Dans la réalité, sa robe était en coton léger.

4. Cavalier portant le couvre-chef typique qui maintenait ses cheveux en place. Hauteur : 1,80 m .

6. Conducteur de char.

7. Palefrenier des écuries impériales.

8. Arbalétrier agenouillé portant une arbalète reconstituée.

9. Fantassin en robe de coton. Il était sans doute armé d'une lance.

10. Reconstitution d'un char d'après des fragments. Les officiers combattaient dans des chars tirés par quatre chevaux.

11. Coupe du tombeau montrant trois de ses onze couloirs parallèles.

12. Plan de la fosse 7 avec plus de 6 000 personnages en terre cuite représentant l'armée rangée en ordre de bataille. Les plus nombreux sont les fantassins, commandés par des officiers montés sur leurs chars. Les couloirs sont en terre, les pièces pavées en brique et le toit en nattes recouvertes d'argile.

 

 

VIII - LES GARDIENS DU TOMBEAU - II

 

Les objets trouvés dans la tombe de Zheng, avec son armée, ont permis de mieux comprendre la façon dont vivaient l'empereur et sa cour.

 

En examinant la fosse funéraire et les matériaux employés, on a découvert les tech­niques de construction des Chinois. Les archéologues ont mis au jour des centaines de briques en argile (sur quelques-unes d'entre elles figure le dragon royal), des tuyaux en argile pour le drainage, et de nombreux carreaux magnifique­ment décorés. Plusieurs objets portaient le nom du fabricant, comme l'imposait une loi de Zheng qui disait que « ceux qui fabriquent des objets défectueux méritent un châtiment ».

 

Les Chinois étaient des potiers et des ferronniers habiles. Tous les objets qu'ils ont produits étaient à la fois solides, fonctionnels et élégants.

 

Pour voyager à travers l'empire, sur les nou­velles routes impériales qui traversaient les territoires qu'il avait conquis, Zheng utilisait des chars en bois. Peu d'objets en bois ont survécu dans le tombeau souterrain, mais les archéologues ont réussi à reconstituer des arbalètes et des chars à partir de fragments de bois et de vestiges de garnitures en métal . Ils ont été aidés par la découverte de plusieurs chars en bronze à échelle réduite. Bien que beaucoup plus petits que nature, ces modèles réduits contenaient plus de 3 000 éléments.

 

 

1. Fer de lance.

2. Pointe de flèche.

3. Hallebarde.

4. Épée en bronze de la fosse 1. Grâce à son parfait chromage, elle était encore effilée lorsqu'on l'a découverte. Son fourreau en bois a disparu.

5. Fer de lance.

 

6. Détente d'une arbalète en bronze.

7. Carreau d'arbalète en bronze, de 20 cm de long, chromé pour accroître sa solidité et sa durabilité.

8. Reconstitution d'une arbalète de Qin faite d'après des fragments et des empreintes découvertes dans la terre de la fosse 1.

 

9. Détail de la cuirasse d'un officier de Qin, de haut rang. On peut voir les rivets qui maintiennent les plaques de fer.

10. Cuirasse d'un fantassin. La charnière, en haut à droite, permettait aux guerriers de l'enlever rapidement après la bataille.

11. Cuirasse d'un conducteur de char ; les longues manches protègent les bras.

 

12. Officier de Qin posant pour son portrait. Les personnages mesurent en moyenne 1,80 m et sont creux, à l'exception des bras et des jambes. Ils n'ont pas été faits en série, mais modelés un par un dans la grossière argile grise du mont Li. Chaque visage est différent.

 

13. Trois têtes aux coiffures élaborées. Les têtes et les mains étaient cuites séparément et attachées avec des bandes d'argile.

 

IX – LES NOBLES

 

À cette époque, les Chinois suivaient les enseignements de deux grands philosophes, Confucius et Lao Tseu. D'autres érudits, eux aussi très respectés, avaient donné des conseils aux princes et de sages règles de vie au peuple. Parmi eux se trouvaient Mo zi et Mencius (ou Mengzi).

Les écrits de Mengzi, qui prêchait des idées de justice, étaient encore largement répan­dus bien qu'il soit mort depuis des siècles. Mais Zheng souhaitait que les Chinois oublient ce genre de philosophies, avec lequel il n'était pas d'accord. Il préférait les enseignements d'un certain Han Fei zi, qui pensait qu'un pays doit être soumis à une discipline de fer et que rechercher la paix, la tolérance, ou cultiver les arts et la connaissance sont une perte de temps.

 

Parce qu'il était empereur, Zheng se considérait comme tout-puissant. Il pouvait faire ce qu'il voulait. Lui seul décidait de la façon dont on devait vivre dans son empire. Lui-même voyait le monde comme un champ de bataille, où s'affrontaient cinq forces magiques qui avaient le pouvoir d'influencer les actions des hommes. Il fallait maintenir en équilibre ces forces et les contrôler. Au cas contraire, l'État sombrerait dans le chaos. Zheng avait une peur supersti­tieuse de perdre le pouvoir, aussi, chaque année, il imposait des lois plus sévères.

 

Zheng craignait les vieilles familles de la noblesse. Elles étaient riches et possédaient de vastes propriétés terriennes, peuplées de servi­teurs et de paysans nombreux. Si elles s'unis­saient pour fomenter une rébellion contre lui, elles auraient des chances de réussir. Il leur confisqua donc une grande partie de leurs terres et leur ordonna de venir vivre à Xianyang (= Shianyang), sa capitale, où il pouvait les surveiller. Il avait fait reproduire exactement leurs maisons et tous désormais vivaient là entourés de luxe mais privés de tout pouvoir.

Zheng, le premier empereur et le plus puissant des hommes, n'avait pas peur de défier les dieux. Un jour, pendant un voyage, un courant rapide l'empêcha de traverser une rivière. Il crut que ce contretemps était dû à l'influence mauvaise d'une déesse du lieu et il ordonna d'abattre chaque arbre de la montagne voisine, où elle avait son sanctuaire. Selon ses courtisans, Zheng était l'homme le plus puissant de la terre. En sa présence, des prodiges se produisaient. Par exemple, le brouillard se colorait en rouge.

 

Les femmes chinoises tissaient de somptueuses étoffes en soie. Le fil était tiré des cocons de « vers à soie », c'est-à-dire des chenilles de certains papillons, les bombyx du mûrier. Les cocons étaient déroulés à la main et teints avec des colorants naturels. Zheng s'efforçait de contrôler tout ce qui arrivait à la cour. Il décida même quelle couleur de vêtements devait y être portée : ce serait le noir.

 

X – LES CANAUX

 

Zheng et le Grand Conseiller Li étudiaient ensemble comment ils pourraient, jusque dans les moindres détails, tenir la totalité de l'empire sous leur contrôle. Ils construisirent de nouvelles routes, divisèrent les territoires conquis en régions administratives, réorganisèrent les tri­bunaux et le système de collecte des impôts, établirent une nouvelle monnaie et fixèrent les caractères de l'écriture. Rien n'échappait à leur attention.

 

L'empereur avait compris qu'il était essentiel que les récoltes soient suffisantes pour que le peuple mange à sa faim. Si ses sujets étaient bien nourris, ils seraient satisfaits et capables de combattre les ennemis de l'empire.

 

Grâce aux travaux d'un ingénieur de génie, Cheng Kuo, la riche terre de Qin fut arrosée par un réseau de canaux d'irrigation , qui évita au pays la sécheresse et les famines qui dévastaient les autres États.

L'idée de ces canaux avait été suggérée à Zheng par l'un de ses rivaux, le roi de Han, quand Zheng n'était encore qu'un adolescent inexpé­rimenté. Le roi s'imaginait que les colossales dépenses qu'exigeraient ces travaux conduiraient le royaume de Zheng à la ruine et l'affaibliraient à un tel point qu'il ne pourrait plus attaquer ses voisins.

 

Mais ce plan échoua complètement. Les nou­veaux canaux furent une réussite puisqu'ils permirent d'abondantes récoltes qui enrichirent Qin. Et Zheng étendit encore ce réseau de canaux dès qu'il devint empereur. Comme le dit Cheng Kuo : « J'ai réalisé un projet qui maintiendra Qin pour dix mille générations. » Certains des canaux d'irrigation creusés sur l'ordre de Zheng sont encore utilisés plus de 2 000 ans plus tard.

 

La nouvelle monnaie de métal introduite par Zheng demeura inchangée jusqu'au XX siècle. La sapèque (petite monnaie d'Extrême-Orient) de cuivre était ronde avec un trou central carré, peut-être pour être enfilée sur une cordelette.

Sur une mesure en terre cuite se trouvait l'inscription suivante : « dès qu'il fut proclamé empereur, le souverain ordonna d'unifier... les poids et mesures... Maintenant dans la 26e année de son règne, l'empire est unifié et le peuple aux cheveux noirs goûte une ère de paix. »

 

Comme les États utilisaient des mesures de longueur différentes, Zheng promulgua des lois pour limiter l'écartement des essieux des véhicules à 6 chih (environ 1,60 m ). Les véhicules pouvaient ainsi se déplacer plus facilement en utilisant les ornières tracées par les voyageurs précédents.

 

XI – LA COUR IMPÉRIALE

 

Maître de l'empire tout entier, Zheng était fabuleusement riche. Son argent servait à l'en­tretien de son armée et à payer les serviteurs et les fonctionnaires de l'État, mais il en consacra une grande partie à édifier une nouvelle capitale à Xianyang (= Shianyang).

Des récits anciens rapportent la beauté et la somptuosité de ses nombreux palais, et, d'après les objets de cette époque qui sont parvenus jusqu'à nous, on peut avoir une idée de l'habileté des artisans dans le travail du bronze, du fer, de la terre cuite, du bois et de la pierre.

 

Les robes de cérémonie de Zheng étaient coupées dans une soie précieuse et teintes dans des couleurs rutilantes. Les attelages de six chevaux qui tiraient ses chars devaient être les meilleurs du pays. Il mangeait les mets les plus raffinés et buvait des vins choisis. Lorsqu'il voyageait, il se faisait accompagner par ses femmes favorites, ses conseillers, ses gardes du corps et des centaines de courtisans et de serviteurs, dont des fonctionnaires, des scribes, des médecins, des musiciens, des astrologues, des cuisiniers, des porteurs et des palefreniers (valets d'écurie).

 

Zheng fit bâtir plus de 270 palais et jardins dans sa nouvelle capitale. Ils étaient reliés par des chemins couverts, afin qu'aucun de ses sujets ne puisse savoir dans quel palais il se trouvait. L'empereur voyageait beaucoup et ses palais préférés devaient toujours être en état de l'accueillir. Dans ses palais, Zheng savait qu'il trouverait de la nourriture, des vêtements, du combustible et du fourrage pour ses chevaux, en permanence.

 

Devenu empereur, Zheng accomplit des tour­nées d'inspection à travers l'empire à la fois pour voir comment ses réformes étaient appli­quées et pour rechercher un élixir d'immortalité. Vers la fin de son règne, et surtout après les trois attentats commis contre lui, l'idée de mourir le terrifia et il se montra incapable de rester longtemps au même endroit. Il alla de palais en palais, espérant ainsi semer les ennemis qui lui tendraient une embuscade. L'homme qui était depuis si longtemps haï et craint de ses sujets connaissait la peur à son tour. Zheng avait tellement peur d'être assassiné dans son sommeil qu'il informait le moins de gens possible de l'endroit où il comptait passer la nuit. Les personnes qui trahissaient ce secret étaient mises à mort.

 

 

 

Lorsqu'il était jeune, Zheng avait entendu de nombreuses légendes sur un ancien souverain plein de sagesse, appelé « l'Empereur jaune », qui était devenu immortel après avoir apporté l'ordre et la paix sur la terre de Qin. Zheng espérait qu'il vivrait lui aussi éternellement grâce aux lois rigoureuses qu'il avait introduites dans son empire.

 

XII – LES GENS DU PEUPLE

 

Qin devint un État puissant grâce à sa richesse.

 

La terre était fertile et facile à cultiver, et le système d'irrigation permettait des récoltes abondantes, sans qu'il soit nécessaire d'utiliser des engrais. Zheng offrait à ses sujets des terres supplémentaires en échange de leur main­-d'œuvre pour ses grands travaux de construc­tion.

 

Ce procédé fit augmenter les récoltes et l'aida à affaiblir le pouvoir des grandes familles de la noblesse terrienne, comme il le souhaitait.

 

À Qin, on cultivait principalement le millet et le soja. Les paysans pratiquaient aussi l'élevage des porcs et pêchaient dans les rivières et les canaux. Dans les États du Sud, on cultivait le riz. Partout, on produisait du thé et du vin. Les vêtements étaient en soie, en lin, en coton et en cuir. Les riches pouvaient se procurer des objets en métal : des armes, des cuirasses, de la vaisselle pour la maison et pour les sacrifices aux ancêtres. Tout le monde se servait de récipients en terre cuite. Les maisons étaient groupées en villages et en villes, protégés par une solide muraille en terre battue. Les édifices, en terre et en bois, étaient coiffés d'un toit de chaume ou de tuiles. Les Chinois aimaient la vie de famille, bien que Zheng l'ait considérée comme une menace contre son pouvoir.

 

La famille idéale regroupait quatre générations sous le même toit. Les ancêtres faisaient partie de la famille et un autel leur était toujours consacré dans la maison.

Chaque État de l'empire avait ses propres coutumes et traditions, qui s'étaient maintenues après la conquête, mais tous se sentaient « Chinois ».

 

Par son gouvernement fort, ses lois sévères, ses réformes de la monnaie et de l'écriture, ses grands travaux publics et la présence de ses innombrables fonctionnaires, Zheng avait fondé un empire qui allait se maintenir pendant des siècles.

 

 

1. Différentes pièces de monnaie de Zhao, Lu, Yan et Qin, d'avant la réforme.

2. Après 221 av. J.-C., la monnaie de Qin resta seule en circulation. Le trou au centre des pièces permettait de les enfiler sur une cordelette.

 

 

3. Vase Qin en terre cuite.

4. Mesure standard. Sous l'empereur Zheng, les poids et mesures furent unifiés strictement.

 

 

 

5. Tronçon d'un tuyau d'eau à cinq côtés, orné d'un motif de cordes.

 

7. Un des chars en bronze sorti du tumulus funéraire en 1980.

 

8. Plan de la fosse 3, la seule salle complètement explorée. Elle mesure environ 1/7e de la surface de la fosse 1.

 

11. Marque du fabricant sur une brique du sol de la fosse 1. Les fabricants étaient personnellement responsables de la qualité de leur production.

 

XIII – LA RECHERCHE DE L'IMMORTALITÉ

Les travaux du tombeau de l'empereur se poursuivaient. Des centaines et des centaines de guerriers en terre cuite s'alignaient en rang pour monter la garde dans la salle funéraire où reposerait Zheng. Des modèles réduits de chars, des chevaux grandeur nature, des armes, des vêtements et des meubles s'accumulaient. Aucun souverain n'avait fait tant de préparatifs pour sa sépulture.

 

Mais Zheng ne voulait pas mourir.

 

Pendant des années, il envoya des émissaires dans toutes les régions du pays et jusque sur les plus hautes montagnes pour consulter des savants, des ermites, des magiciens et des oracles, dans l'espoir de découvrir le secret de l'immortalité. Certains de ses sujets croyaient qu'il était doté de pouvoirs surnaturels. Pour eux, seul un surhomme pouvait conquérir la Chine tout entière. Zheng devait donc être l'un de ces dieux, descendu sur terre et, comme les dieux, il devait être immortel.

 

Zheng écoutait toutes ces rumeurs avec plaisir. Il invita des astrologues à venir vivre à sa cour, à Xianyang (= Shianyang), pour qu'ils interprètent pour lui les signes des étoiles… À une certaine période, ils n'étaient pas moins de 300.

 

En 219 av. J.-C., il mit sur pied une grande expédition, qui se lança sur les eaux inconnues de la mer jaune . Trois mille jeunes gens et jeunes filles, des serviteurs et des ouvriers prirent la mer sur deux embarcations fragiles mais bien pourvues en vivres. Ils espéraient tous trouver les îles légendaires où résident les Immortels, dont Zheng avait entendu parler par les magiciens qu'il avait consultés. Ces « îles des Immortels » étaient probablement le Japon. Des légendes japonaises, en effet, prétendent que les Chinois fondèrent une colonie en ces lieux. Mais hélas, l'expédition ne revint jamais.

 

En 211 av. J.-C., on découvrit une grosse météorite dans un champ. Quelqu'un y avait écrit « Après la mort de Qin Shi Huangdi, le pays sera divisé. » Informé, Zheng fut si effrayé et si furieux qu'il fit mettre à mort tous les habitants du lieu et ordonna de réduire en morceaux la météorite.

 

En 210, suivant des instructions qu'il avait reçues en rêve, Zheng quitta la capitale pour aller combattre un monstre marin, pro­bablement une baleine, aperçu au large de la côte orientale. C'est au cours du voyage de retour qu'il devait mourir de maladie. C'était une fin inattendue pour le « Tigre de Qin ».

 

XIV – LE ROYAUME DES MORTS

 

Durant les deux dernières années de son règne, Zheng s'éloigna de plus en plus de ses sujets.

 

Il parlait à peu de gens et négligeait beaucoup de ses devoirs royaux. Ceux-ci étaient confiés à ses fidèles conseillers, Li Si et Zhao Gao. Quand Zheng mourut, les deux hommes étaient auprès de lui. Ils savaient que lorsqu'ils ne bénéficieraient plus de la protection de l'em­pereur, leurs nombreux ennemis les mettraient à mort. Ils décidèrent donc de tenir secrète la mort de Zheng.

 

Pour le voyage de retour vers la capitale, Li Si et Zhao Gao placèrent le corps de Zheng dans un chariot transportant du poisson salé, afin d'essayer de dissimuler l'odeur du cadavre en décomposition.

 

Zheng avait vingt-quatre fils mais ce fut le dix-huitième, Hu Hai, qui forgeât avec l'aide de Li Si et Zhao Gao un faux testament et qui se proclama empereur. Dans son testament original, Zheng avait précisé que son fils aîné devait lui succéder… mais ce fut en vain.

 

Le faux testament ordonnait en effet au fils aîné de se suicider. Le pouvoir de Zheng était tel que l'héritier condamné s'exécuta sans discuter.

 

Mais le complot fut très vite découvert. Li Si fut trahi par Zhao Gao et condamné à mort.

 

On enterra Zheng dans son mausolée inachevé . Les témoignages de l'époque le décrivent comme une reconstitution de l'empire en miniature.

 

Le cercueil fut transporté sur le dos d'un gigan­tesque dragon en bois sculpté, au milieu de collines et de vallées parcourues par un fleuve de mercure, qui se jetait dans un océan. Tout autour se dressaient des forts et des palais en modèles réduits et, dans la chambre funéraire, étaient disposés des vêtements, des bijoux et des armes de grand prix. Le premier empereur voulait que chacun sache quel haut personnage il était jusque dans le royaume des morts.

 

L'empire en miniature du tombeau de Zheng était gardé par des arbalètes à déclenchement automatique qui transperceraient quiconque oserait pénétrer dans la sépulture.

 

Le successeur de Zheng craignit que tous ceux qui avaient travaillé au tombeau de l'empereur ne révèlent son secret. Il les fit donc emmurer vivants à l'intérieur même de la tombe, aussitôt après les funérailles.

 

Dès que la nouvelle de la mort de Zheng se répandit, ses nombreux sujets, un peu partout dans l'empire, décidèrent de refuser un gouvernement si cruel. En 206 av. J.-C., des armées rebelles marchèrent sur le palais impérial, assassinèrent les membres de la famille de Zheng et incendièrent la capitale, qui fut complètement détruite.

 

Les guerres reprirent ainsi de plus belle… Zheng avait unifié la Chine mais sa dynastie qui devait durer dix mille générations s'écroula dans les trente-six mois qui suivirent le décès du premier empereur.

 

Une nouvelle dynastie vint au pouvoir, originaire du royaume de Han.

 

Au fil des siècles, la puissance de Zheng s'est estompée. La montagne fabriquée de mains d'hommes pour protéger sa tombe devint la proie de mauvaises herbes. D'autres empereurs et d'autres tombes ne tarderaient pas à envahir le paysage chinois. Les secrets entourant l'enterrement grandiose de Zheng sombrèrent dans le mythe, la légende et la poussière…

 

Il aura fallu vingt-deux siècles pour que ces secrets émergent enfin de l'ombre…

 

Les fabuleuses découvertes, en 1974, des soldats de Zheng ont attiré une foule d'historiens, de restaurateurs et d'archivistes qui consacreront leurs forces à l'armée de l'empereur pour plusieurs années à venir…

 

Bien qu'il soit mort depuis longtemps cet archer et le savant qui l'étudie vivent une étrange promiscuité. Ils participent ensemble à une même mission… Malgré le passage des siècles, ils se retrouvent tous les deux au service du grand empereur, réunis en ce lieu de mémoire afin que le Prince du Ciel vive à jamais… Après tout, son empire s'étendra peut-être sur dix mille générations… Le dernier à s'en étonner serait sûrement Zheng Qin Shi Huangdi, le premier empereur de Chine …

 

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