AU TEMPS DE LA ROME ANTIQUE

ÉLÉMENTS DE CIVILISATION

 

CARTE DE L’EMPIRE ROMAIN À SON APOGÉE VERS L’AN 120 APRÈS J.-C.

I - À LA CONQUÊTE DU MONDE

Rome, c'est un Empire. La petite ville du Latium, dont l'histoire commence vraiment au VIe siècle avant Jésus-Christ, est devenue, en 500 ans, la seule grande puissance du monde méditerranéen. Elle domine d'abord toute l'Italie, puis l'Espagne, la Grèce, le Proche-Orient, la Gaule, l'Afrique du Nord, l'Égypte. Et naturellement, les îles : Sicile, Sardaigne, Corse, Crète, Cyclades, Chypre, Rhodes...

Cet Empire ne s'est pas construit en un jour. Rome est à l'origine une monarchie puis, à partir de 509 avant J.-C., une République gouvernée par des magistrats élus, dont les citoyens-soldats assurent la défense et les premières conquêtes. Ainsi, les légionnaires qui combattent Carthage au cours des guerres puniques (IIIe et IIe siècles av. J.-C.) ne sont pas des mercenaires, mais des mobilisés. Cent ans plus tard, les troupes de Jules César en Gaule se composent toujours essentiellement de citoyens, même si le général en chef engage déjà, en les payant, des « auxiliaires » étrangers.

A - DES RICHES, DES PAUVRES ET DES ESCLAVES

Des soldats, des paysans, tels sont les premiers Romains. Petits propriétaires, ils peinent pour cultiver leur terre, semant le blé, récoltant les olives comme tous les autres agriculteurs de l'Antiquité. Contrairement aux Phéniciens ou aux Grecs, ils n'ont pas le pied marin.

Les conquêtes militaires vont radicalement transformer la vie de ces paysans-guerriers. Bientôt, par exemple, Rome s'approprie les plaines fertiles de la région de Naples et du sud de l'Italie.

Quant aux prisonniers de guerre, vendus et revendus, on les affecte aux travaux agricoles, aux mines, au service des grandes maisons patriciennes.

Ces esclaves dispensent désormais les Romains les plus fortunés de travailler la terre, de fourbir les armes, de creuser les puits... Mais l'esclave est un capital qu'il faut nourrir et entretenir. Comment prendre en charge une famille entière de serviteurs, quand on ne possède qu'un lopin de terre ? C'est ainsi que les maîtres les plus puissants rachètent à bas prix les exploitations des petits propriétaires. Peu à peu, il n'y a plus en Italie, sur les sols les plus fertiles, que de très vastes domaines. Les petits agriculteurs partent pour Rome ou pour les grandes villes. Là, ils constituent la « plèbe » des citoyens pauvres, vivant des secours distribués par les notables (les « patriciens ») et bientôt par l'État lui-même.

B - LA SOIF DES CONQUÊTES

Jules César, dictateur (101-44 av. J.-C.), sonne le glas de la République. Son successeur, Auguste (63 av. J.-C. 14 ap. J.-C.), devient le premier empereur. Lui seul dispose, comme autrefois le général en chef, du « pouvoir de commandement » : en latin, Imperium. Au cours des deux premiers siècles après J.-C., l'Empire prend son extension maximum : la Bretagne est conquise (aujourd'hui : Grande-Bretagne), ainsi que la Frise (Hollande), les pays du Rhin, les Alpes du Nord, y compris leur versant germanique, les pays du Danube jusqu'à la Roumanie (Dacie), et toute l'Asie Mineure... Les frontières romaines de Syrie et de Judée sont étendues au désert d'Arabie. Rome domine l'ensemble du monde occidental connu.

Des légionnaires savent bien qu'il existe une autre Afrique, au-delà du Sahara, vers les sources du Nil. Mais il aurait fallu traverser, pour la connaître, un désert vaste comme un océan. On ignore, en revanche, qu'à l'ouest de la Gaule se trouvent d'autres continents. Le « Finistère », voilà vraiment pour les hommes d'Occident la « fin des terres » (finis terrarum : la fin de la terre), à la pointe du Raz. L'Atlantique garde son mystère... Les Romains savent aussi que, par-delà le Rhin et le Danube, s'offrent d'immenses territoires parcourus par des tribus nomades. Mais ils n'ont pas envie d'affronter ces « Barbares » de langue germanique. Il leur suffit de les contenir sur l'autre rive des fleuves.

C - UN EMPEREUR À L'ÉGAL DES DIEUX

Dans ce monde fermé, héritier de toutes les richesses de l'Antiquité, l'Empire de Rome donne au premier personnage de l'État une puissance colossale. Rien ne peut balancer le pouvoir de l'empereur Chef de l'armée et premier magistrat de la ville, il dirige l'administration et la justice. Dans toutes les provinces, on élève des temples et des autels « à Rome et Auguste » et on brûle de l'encens sur l'autel de l'empereur.

S'il est vrai que les Romains imposent leurs dieux, ils accueillent aussi volontiers ceux des autres peuples : leur Jupiter est le Zeus des Grecs, et leur Neptune, Poséidon. Ils adorent des divinités égyptiennes (Isis), perses (Mithra), et même gauloises ou germaniques. Ainsi, Rome rassemble les croyances en associant, en mariant les dieux, en les confondant. Seul le peuple juif oppose aux Romains, dans le domaine religieux, une résistance farouche parce qu'il révère un seul Dieu et rejette en vrac tous les autres, à commencer par l'empereur. Il faudra plusieurs campagnes militaires pour réduire la Judée deux fois révoltée.

D - LA GRANDE « PAIX ROMAINE » (« PAX ROMANA »)

De son immense Empire, Rome tire des richesses considérables qui permettent à l'économie de bien fonctionner. L'unité des monnaies, des mesures, des pesées, et la « paix romaine » garantissent à peu près la libre circulation des marchandises. Quant aux villes, aux capitales, aux grands ports, ils représentent autant de marchés importants.

Avec une population qui, au IIe siècle ap. J.-C., compte 1 200 000 habitants, Rome devient un formidable centre d'échanges commerciaux. La Tunisie, l'Égypte expédient massivement leur blé vers les greniers de la ville. De vastes entrepôts emmagasinent l'huile, le vin, le sel et tous les produits nécessaires à l'alimentation.

L'industrie et l'artisanat relancent sans cesse l'activité minière. On va chercher l'étain jusqu'en Bretagne, et l'or, en Dacie. On exploite intensive ment les nombreuses mines espagnoles et les gisements des îles de la mer Égée.

Peu à peu, l'Empire unifie, d'un bout à l'autre de la Méditerranée, certains aspects de la civilisation matérielle. Les habitants de toutes les villes de l'Empire connaissent les poteries gauloises, les étoffes syriennes ou les vins grecs. Les armes viennent d'Espagne, et les charrues de fer sont forgées en Gaule. Les citoyens de l'Empire s'habillent de la même manière et les femmes achètent les mêmes parures. La mode créée à Rome est suivie à Alexandrie, en Égypte, comme aux portes de la mer Noire.

L'administration de l'empereur est universelle et rend dans chaque pays la justice en latin ou en grec.

E - QUAND LE LATIN ÉTAIT UNE LANGUE VIVANTE

Car la langue latine s'impose avec force. Les peuples dominés et colonisés ne peuvent s'en passer pour les transactions, les actes officiels, les procès, la législation. Les écoles enseignent le latin. Le dialecte de la petite bourgade paysanne du Latium est devenu langue universelle ! Elle aura ses grammairiens, ses professeurs de littérature, ses dictionnaires. C'est un instrument très efficace d'unification. Les paysans de Bretagne ou d'Espagne ignorent le latin ? Soit. Mais leurs maîtres, eux, sont en contact étroit avec l'administration romaine, envoient leurs enfants à l'école et parlent la langue des riches, des occupants, des seigneurs.

La force du pouvoir romain est qu'il sait s'ouvrir largement aux élites fortunées des provinces conquises. On verra bientôt au Sénat de Rome des sénateurs gaulois et grecs. Il y aura des empereurs espagnols ou dalmates. Rome accorde de plus en plus largement son droit de cité. Les nouveaux citoyens votent, briguent les magistratures, participent à la vie politique et administrative de l'Empire.

F - LE GÉNIE ROMAIN

La formidable puissance d'assimilation de Rome tient certes à sa langue. Mais que dire de sa triomphante technologie ! 90 000 kilomètres de voies courent à travers les provinces ; le trafic y est intense même si les voitures les plus rapides ne peuvent franchir guère plus de 45 kilomètres par jour. Ces routes droites, protégées, balisées de bornes milliaires, bien entretenues, ponctuées d'auberges pour dormir et changer les chevaux, ces routes sont l'instrument essentiel du pouvoir dominateur de Rome.

Cependant, les échanges importants se font par mer. Dans les ports bien aménagés, souvent signalés par des phares, les bateaux lents à voile latine (triangulaire) ou grecque (carrée) chargent le blé et les amphores d'huile d'olive. Deux mois et demi sont parfois nécessaires pour revenir d'Égypte ; il faut aussi du courage pour affronter la Manche. Mais avec le temps, les Romains apprennent à ne plus craindre la mer. Ils voyagent même par plaisir, pour assister aux spectacles des grandes villes de l'Empire, qui imitent Rome dans son goût de la fête et de la cérémonie.

En Gaule, on organise des courses et des jeux de gladiateurs dans les amphithéâtres de Nîmes et d'Arles comme à Byzance ou en Afrique. Le théâtre romain ne se joue pas qu'à Rome, mais aussi dans les grands centres urbains de Gaule, d'Afrique ou d'Espagne. Le commerce actif des bêtes fauves venues du continent africain permet de donner les jeux du cirque jusqu'au nord du Rhin. Les Romains exportent le latin et le mortier, mais aussi les courses de char. Ils communiquent aux foules urbaines leur goût terrifiant du sang et de la mort. Rien ne distingue plus, en apparence, une ville romaine d'Afrique d'une ville romaine de Gaule. Les civilisations de la Méditerranée se sont en partie fondues, grâce à Rome, dans un moule commun.

G - QUELQUES DATES CLEFS DE L’HISTOIRE ROMAINE

- UNE PETITE MONARCHIE

vers - 550 : Fondation de Rome

vers - 509 : Rome devient une République

 

- LA REPUBLIQUE s'affirme et Rome entreprend peu à peu ses guerres de conquête, en Italie et au-delà.

entre - 300 et 218 : Rome conquiert l'Italie

entre - 73 et 71 : Spartacus et la grande révolte des esclaves

- 44 Jules César, qui a conquis la Gaule, est assassiné.

 

- LE HAUT-EMPIRE. Rome domine le monde méditerranéen et occidental

- 23 Naissance du régime impérial. Octave, avec le titre d'Auguste, devient empereur.

54 à 68 : Règne de Néron

de 98 à 180 : L e « siècle d'or »

212 : Tous les hommes de l'empire deviennent citoyens de Rome

 

- LE BAS-EMPIRE, lente décadence de Rome

258 : Premières grandes invasions germaniques

410 : Rome est prise par Alaric 1er, roi des Wisigoths

476 : Fin de l'Empire romain d'Occident

Ce cours décrit surtout la vie quotidienne pendant le dernier siècle de la République et les deux premiers de l'Empire.

II - 300 000 HOMMES DANS LES LÉGIONS

Les effectifs de l'armée romaine :

Elle comporte 300 000 hommes répartis en 50 légions.

IL faut ajouter à ce chiffre les troupes auxiliaires et la cavalerie :

- chaque légion, depuis Auguste, comprend en effet 4 escadrons de cavalerie ou turmes, soit 120 hommes ;

- les auxiliaires sont soit des cavaliers, soit des frondeurs, soit des archers. Une cohorte d'auxiliaires comprend de 500 à l 000 hommes enrôlés dans 5 à 10 centuries.

Rome possède une armée de fantassins, appelés légionnaires parce qu'ils sont groupés en légions. Celles-ci sont des unités de combat de 6 000 hommes, divisées en 10 cohortes de 600 hommes. Chaque cohorte comprend 3 manipules, unités tactiques de 200 légionnaires, elles-mêmes divisées en deux centuries. L'officier de base, le centurion, doit son nom au fait qu'il commande à 100 hommes.

Les officiers supérieurs, d'abord élus, sont nommés par l'empereur. Ces tribuns militaires, et surtout le légat de la légion, véritable chef de l'unité, dépendent directement de Rome. Quand les légions surveillent les frontières, on crée, pour les commander, des officiers appelés « préfets du camp ».

Au début de l'histoire romaine, les légions étaient constituées de citoyens effectuant un service militaire obligatoire. De 17 à 60 ans, chaque Romain pouvait être appelé, et devait s'équiper à ses frais.

Les recrues donnaient leur nom de famille, qui était inscrit sur un registre. Ils passaient une visite médicale et pouvaient être exemptés pour maladie ou défaut physique. Aux débuts de la République, ceux qui ne répondaient pas à l'appel étaient parfois vendus comme esclaves.

Très vite, l'État, pour recruter les légions, va payer une solde aux mobilisés. Quand Rome est à la tête d'un Empire, il lui faut avoir en permanence 300 000 hommes en armes. Auguste paie bien ses légionnaires. Les vétérans, vieux légionnaires qui ont accompli quinze ou vingt ans de service, sont remerciés par l'Empereur qui leur distribue des récompenses : médailles, couronnes, sommes d'argent (3 000 deniers) ou un petit domaine à cultiver. D'une armée de citoyens, Rome fait une armée de métier.

Le légionnaire de l'empereur est entièrement pris en charge, logé, nourri, vêtu et soigné. L'État assure la nourriture de ses soldats. Chaque légionnaire a droit à quatre boisseaux de blé par mois (soit 900 grammes par jour) que doivent lui verser les entrepôts militaires. Quand ceux-ci sont vides, les légionnaires réquisitionnent le blé... ou le moissonnent eux-mêmes ! En échange, le soldat jure fidélité au général et se plie strictement à la dure discipline de l'armée. Il sera puni, en cas de faute, de bastonnade ou de mort.

Les légionnaires ne restent pas oisifs. En arrivant, ils apprennent le maniement des armes et font des manœuvres en rase campagne, couchant sous la tente, marchant de jour et de nuit. En marche forcée, les soldats portent sur eux leur équipement complet, c'est-à-dire de quoi dormir et manger. En territoire ennemi, ils volent et pillent parfois. Le casque suspendu à leur cou, ils parcourent jusqu'à 50 kilomètres à pied par jour.

On leur enseigne aussi la natation et le saut. Mais ils se font encore terrassiers, bûcherons, charpentiers, pontonniers et maçons. La plupart des voies romaines ont ainsi été construites par les légions. Il est vrai que les soldats utilisent sur place une main-d'œuvre locale pour effectuer les gros travaux, qu'ils se contentent de surveiller...

III - LA MEILLEURE ARMÉE DU MONDE

Les légions montent la garde en permanence aux frontières de l'Empire, qui sont celles du monde connu. Les Romains dominent alors toutes les rives de la Méditerranée, s'avancent assez loin en Asie centrale, en Afrique du Nord jusqu'au désert, en Europe jusqu'au Rhin et au Danube. Un nombre relativement faible de légions assure l'ordre : par exemple, l'Égypte n'est tenue que par deux légions, soit 12 000 hommes !

Il faut dire que les Romains ont engagé massivement des barbares, d'abord dans la cavalerie, comme en Gaule, puis dans les légions elles-mêmes. La ligne Rhin-Danube, en Europe, contient les tribus germaniques par une série continue de fortifications, avec fossés et tours de guet.

Les légions se groupent en armées lorsqu'une campagne s'avère nécessaire. Pour châtier les Numides d'Afrique du Nord (peuple berbère nomade qui a donné son nom à la Numidie, entre la Mauritanie et le pays de Carthage. Affaiblis par des querelles dynastiques, ils furent progressivement soumis par Rome : victoires de Marius en 105, de César en 46, et leur royaume devint une province romaine) ou les Germains d'Outre-Rhin, l'empereur envoie un général avec deux ou trois légions. A marches forcées, par les rapides voies romaines, les soldats se rendent au point de départ de la campagne. Quand ils avancent en pays ennemi, ils se font précéder d'éclaireurs, et construisent le soir un camp fortifié pour s'abriter.

La bataille se livre selon un ordre défini : les cavaliers aux ailes, l'infanterie au centre. Les hommes se groupent derrière leurs enseignes, qu'ils défendront jusqu'à la mort. Sur la défensive, ils se rangent sur trois lignes, se protégeant de leurs boucliers. A l'attaque, ils chargent en rang et combattent à l'épée après que les lanceurs de javelots ont décoché leurs traits. Entraînés par leurs chefs, les centurions, les légionnaires s'élancent à l'assaut en s'abritant derrière leurs grands boucliers. Après le lancer des javelots vient l'attaque au corps à corps. Les glaives romains sont plus courts que les longues épées des Celtes ou des Germains. Mais les casques et les cuirasses protègent bien les hommes, qui sont rompus à la manœuvre de groupe.

Les Romains ne sont pas tendres pour leurs vaincus. Ils obligent les prisonniers de marque à marcher jusqu'à Rome, enchaînés et la corde au cou. Les captifs figurent alors au triomphe du général.

S'il a été assez heureux pour remporter la victoire, le général a mérité le triomphe : César, vainqueur de Vercingétorix, a défilé ainsi dans les rues richement décorées de Rome, du Champ-de-Mars au Capitole. Des musiciens rythment les pas du cortège, formé de tous les sénateurs et magistrats de la ville. Le général, debout sur son char, est couronné de lauriers. Il est précédé par les chefs ennemis captifs.

A partir d'Auguste, seul l'empereur aura droit à la cérémonie du triomphe.

« Jetez le corbeau ! » hurle le capitaine de la galère romaine qui cherche l'abordage. Une passerelle très spéciale, de huit mètres de long, est munie à une extrémité d'une longue pointe appelée « corbeau ». Celui-ci va se ficher sur le navire ennemi. Les soldats se précipitent alors à l'abordage.

IV - BÉLIERS, CATAPULTES, TOURS D’ASSAUT…

Les Romains font une guerre savante : une guerre de techniciens, d'architectes et d'ingénieurs. Leurs villes sont défendues par de hautes fortifications. Dès qu'un pays est soumis, ils entreprennent de construire des routes solides, linéaires, empierrées, les célèbres voies romaines. Les fleuves, on les franchit sur des ponts de pierre ou de bois. Ainsi un jour, on doit franchir le Rhin sur 400 mètres de large. Mais les soldats romains doivent passer ! On a enfoncé, à la masse, des pieux dans le lit du fleuve, construit ainsi 50 piliers reliés par des poutres. Après quelques jours, la légion a pu défiler sur le pont en bois, large de 4 mètres.

Ainsi, les secours peuvent parvenir rapidement d'un bout à l'autre de l'Empire. Les généraux romains ont développé la science du siège, profitant des connaissances accumulées par les Grecs. César, en Gaule, n'assiège pas les places-fortes de Vercingétorix, pourtant grossièrement construites, sans les entourer de retranchements, de fosses hérissées de pieux, de points d'appui et de réserves. La ville assiégée est ainsi coupée du monde. Ses défenseurs, pour tenter une sortie, doivent à leur tour faire le siège des fortifications romaines !

Les Romains savent l'art de prendre les villes. Leurs machines de jet lancent des pierres contre les murailles, des projectiles enflammés contre les portes en bois, des flèches sur les défenseurs. Leurs machines de choc, tel le bélier, permettent de forcer les défenses tout en restant à l'abri des traits de l'ennemi. Mais l'engin le plus efficace qu'ils possèdent, c'est la haute tour de bois, montée sur roues, que l'on rapproche progressivement jusqu'à la placer tout contre la muraille ennemie : une sorte de pont-levis se déploie alors, donnant passage aux assaillants qui chargent directement sur le sommet des murs de défense. Les parois et le haut de la tour sont protégés des flèches en flammées par des peaux de bêtes fraîchement écorchées.

Les Romains construisent leurs machines de guerre sur place. La catapulte est une cuiller géante qui se détend brusquement, grâce à un contrepoids très lourd. Elle peut lancer 80 kilos à 500 ou 1 000 mètres. Le bras de la catapulte - ou onagre - est tendu avec un treuil.

Le scorpion est une machine de guerre destinée à incendier les défenses en bois des villes, ou les toits de chaume. Les flèches tirées par ce grand arc ont la pointe recouverte de chiffons trempés dans la poix et enflammés. On tend l'arc avec un treuil.

Le bélier en chêne massif, suspendu à un balancier, va défoncer les portes de la ville. Les hommes le tirent en arrière avec des cordes, puis le lâchent. Après avoir frappé l'obstacle, le bélier revient tout seul en position d'attaque. Une toiture de peaux tendues protège les légionnaires.

La catapulte

Le scorpion

 

La tortue

Les sapeurs ont démantelé les remparts ennemis. La légion s'est groupée en tortue : les hommes sont serrés corps à corps, le bouclier au-dessus de la tête. Ceux des flancs placent leur bouclier en hauteur. La colonne d'assaut est invulnérable: un mur de fer.

Les ressources de la technologie romaine permettent d'empêcher les assiégés de sortir, mais non point toujours de forcer les remparts ennemis quand ils sont solides et bien construits. Aussi les sièges durent-ils parfois très longtemps. Il faut attendre, pour l'emporter, que les assiégés, réduits à la famine, tentent une sortie désespérée.

V - LES ENSEIGNES ET LES ARMES

Le casque du légionnaire romain a peu changé d'une époque à l'autre. Il s'agit d'une calotte métallique avec un rebord plat, très étroit sur le front, qui s'élargit au niveau des oreilles pour former un protège-nuque assez vaste. Les protège-oreilles sont aussi développés. Les casques sont surmontés de panaches de couleur.

De gauche à droite : 1 - casque des légions de Tibère (1er siècle après J.-C.) ; 2 - casque de légionnaire de la XXe légion au temps de Néron ; 3 - casque du début du IIe siècle de notre ère ; 4 - casque de légionnaire de la première moitié du 1er siècle av. J.-C.

Casques, javelots, épées, dague, boucliers, fronde et balles en plomb

Les javelots mesurent de 2 à 2,10 mètres, avec une hampe (le manche en bois) de 7 cm d'épaisseur et de 1,40 mètre de longueur. Celui de gauche (5) date de la seconde moitié du 1er siècle ap. J.-C., celui du centre (6) de la fin du 1er siècle av. J.C., celui de droite (7) du début du IIe siècle ap. J.-C.

Les épées ont également varié en taille : elles se sont constamment allongées, de 50 à 84 cm. De gauche à droite, on peut voir une série d'épées dans leurs étuis (8, 9, 10, 11), qui datent toutes du 1er siècle ap. J.-C. La petite dague dans son fourreau (12) remonte à la même période.

Les boucliers sont ovales ou rectangulaires. Le lourd bouclier rectangulaire (13) appartient aux légionnaires de Trajan. Le bouclier ovale (14), plus léger, date de l'époque de Tibère. La fronde (15) projette à toute vitesse des balles de plomb très meurtrières (16).

Les enseignes permettent à la troupe, pendant la bataille, de reconnaître son unité. Les aigles sont l'insigne de la légion tout entière (A et B). C : enseigne de corps d'auxiliaires. Les enseignes de manipules (les compagnies d’infanterie) comprennent des couronnes et des animaux (D). Le drapeau de cavalerie (E) est appelé vexillum. Le cornicine est chargé de diriger, par ses sonneries, les mouvements de la légion (F : corne des légions de Trajan).

VI - L’OLIVIER, LE BLÉ ET LA VIGNE

« Marches-tu sur les mains ? » s'écrie un riche habitant de Rome à un paysan qui lui montre ses paumes calleuses. Sous l'Empire, les citoyens romains, qu'ils soient pauvres ou riches, ne mettent guère le nez à la campagne... même si leurs ancêtres étaient à l'origine des paysans. Ils méprisent les travaux et la vie des champs. D'ailleurs, Rome importe pratiquement tout ce dont elle a besoin pour son alimentation.

A quoi bon produire, quand le blé égyptien coûte moins cher, livré sur le marché de Rome, que celui de Naples ? A quoi bon travailler, quand l'Empereur nourrit gratuitement la plèbe ? Heureusement pour les Romains, les grands domaines d'Afrique du Nord (la Medjerda tunisienne surtout) et de Gaule (la Narbonnaise) sont riches en moissons de toutes sortes.

Les grandes exploitations agricoles appartiennent à des familles opulentes qui font cultiver la terre par des esclaves très spécialisés. Outre les laboureurs, les vignerons, les gardiens de troupeaux, il y a tous les serviteurs nécessaires au domaine. Quand on ne peut se procurer facilement de nouveaux esclaves, à la fin des grandes guerres de conquête par exemple, il faut morceler les exploitations et les donner à des cultivateurs libres ou à des esclaves affranchis. On loue désormais la terre contre un revenu en nature ou en argent.

L'agriculture la plus savante, celle qui utilise déjà des engrais comme le nitre (salpêtre), se pratique dans les grands domaines. Le maître fait diriger les travaux par un intendant appelé procurator.

La Gaule est, avec l'Afrique du Nord, la Sicile et l'Égypte, le « grenier à blé » de Rome. Les Trévires, peuple installé sur les bords de la Moselle, ont inventé la première moissonneuse. Des dents en fer arrachent les épis du blé, du seigle ou de l'avoine, qui tombent dans une caisse en bois.

Les plus gros revenus sont fournis par l'élevage du petit bétail à proximité des villes (chèvres et moutons), ou par celui des chevaux.

Les Romains consomment presque uniquement le lait de brebis et de chèvres. Pour favoriser la lactation de celles-ci, on a coutume de cultiver dans les champs un arbuste, le cytise. Quant aux vaches, on n'en voit que sur les terres humides de Gaule ou d'Espagne du Nord.

Le raisin se foule pieds nus. Les hommes, pour égayer ce travail pénible, dansent au son de la flûte. Les vins les plus appréciés viennent de Grèce, de Chypre, de Syrie ou de Falerne, en Italie du Sud. Ce dernier se conserve vingt ans. La Gaule, au temps de César, n'a guère de vin qu'à Bordeaux. L'Égypte produit d'excellents crus.

Les Romains n'utilisent pas de beurre. Ils savent le fabriquer, mais n'en consomment pas. La cuisine se fait à l'huile d'olive dont on commercialise d'énormes quantités. Les oliviers ne produisent des fruits qu'une année sur deux.

Les travaux des champs demandent une main-d'œuvre très nombreuse pour un rendement relativement faible : il faut en moyenne 47 travailleurs pour mettre 100 hectares en valeur. Seuls les maîtres fortunés peuvent se permettre d'entretenir un aussi grand nombre de serviteurs. Il est vrai que, sur certains domaines, on compte parfois trois ou quatre milles esclaves !

VII - DES MINES À L’INDUSTRIE

Les mines des Romains sont des bagnes, où l'on envoie d'abord les esclaves, puis des condamnés, particulièrement les chrétiens. Les conditions de travail sont infernales. Les hommes succombent par centaines dans les galeries humides, ou sous le soleil torride des carrières à ciel ouvert.

On va chercher très loin les minerais rares. Des expéditions sont montées bien avant les Romains pour aller chercher l'étain en Grande-Bretagne. Si César y débarque ses légions, c'est sans doute pour s'assurer le contrôle des mines. On fait la guerre, parfois pour posséder des gisements. La Gaule, riche en fer, est un objet de convoitise jusqu'à l'heure de sa conquête. Un empereur, Trajan, fait la guerre aux Daces (les Roumains d'aujourd'hui) pour s'emparer de leurs mines d'or. La domination de l’Espagne, conquise très tôt par les Romains, s'explique par l'importance de ses ressources minières : on y trouve du plomb, du cuivre, de l'étain, du fer et du mercure !

Les mines sont, la plupart du temps, souterraines. On y accède par des puits beaucoup moins profonds qu'aujourd'hui, mais très mal éclairés et aérés. Les galeries où travaillent les forçats sont rarement étayées par des poteaux. Elles sont basses : un mètre à peine ! Les mineurs doivent travailler accroupis ou couchés.

Leurs outils sont rudimentaires : le marteau, pour briser les roches, le pic, la pelle, les coins. Le minerai, il faut le transporter à dos d'homme, dans des paniers. Quelquefois, on l'évacue avec des jets d'eau, dans les mines d'or par exemple. Des machines à roues munies de godets vidangent les eaux de ruissellement. Les paniers de minerai sont hissés à la surface par des poulies et des palans.

Le travail n'est pas moins dur dans les carrières de pierre à ciel ouvert. On taille les roches en gradins. Dans les carrières de marbre ou de calcaire, on détache les énormes blocs nécessaires à la construction des temples et des monuments en enfonçant des coins de bois dans des trous creusés au préalable. Arrosés d'eau, les bouts de bois gonflent et font éclater la roche. Les blocs sont dégrossis sur place, puis enlevés. De puissants engins de levage les chargent sur les bateaux ou les charrettes qui les transportent vers les chantiers de construction. Le transport est, en fait, beaucoup plus long et coûteux que l'extraction elle-même.

On tire de grands profits, à Ostie et ailleurs, de l'exploitation des marais salants. Ceux-ci appartiennent à l'État, mais sont exploités par des sociétés privées. Le sel est beaucoup plus utilisé qu'aujourd'hui, notamment pour la salaison et la conservation des viandes et des poissons.

Les Romains utilisent deux sortes de tuiles conjointement: les plates et les demi-rondes, que l'on peut voir encore aujourd'hui sur les toits du Midi de la France. Dans une fosse, un ouvrier épure l'argile. Les tuiles sont ensuite façonnées dans des moules, et portées au four. Elles sèchent en plein air.

Après la tonte des moutons, la laine brute est bouillie dans l'eau et la graisse de porc. Elle est ensuite battue, épluchée à la main, puis cardée avec un peigne aux dents recourbées. Le tissage se fait dans les ateliers des manufactures impériales.

VIII - AQUEDUCS, FORTERESSES ET TEMPLES

Les Romains ont été les premiers maçons du monde occidental. Ils ont construit des monuments incroyablement solides, dont certains sont encore intacts aujourd'hui. Car ils ne sont pas seulement maçons, mais architectes, géomètres, ingénieurs.

Un curieux ciment permet aux Romains, en utilisant la technique du « blocage » (maçonnerie formée de matériaux divers, irréguliers, jetés dans un mortier, pour remplir l'espace entre les deux parements d'un mur), de faire une sorte de béton - très différent du nôtre, mais non moins solide. Pour dresser un mur, on entoure d'abord les fondations de planches ; on place alors, sur une couche de mortier (mélange constitué de sable, d'eau, d'un liant : chaux ou ciment), des cailloux que l'on pilonne. Puis le mur se monte, alternant lits de mortier et moellons (pierres de petites dimensions grossièrement taillées). Il est ensuite enduit d'une couche de ciment rougeâtre, ou décoré de fresques peintes sur le stuc (enduit imitant le marbre), de bas-reliefs, ou de riches revêtements de marbre.

Un aqueduc en construction.

En haut : Schéma du passage de l'eau en tunnel et en siphon.

 

Pour construire leurs monuments, les Romains utilisent souvent la brique, mais aussi le matériau qu'ils trouvent sur place : le tuf (roche poreuse formée par des cendres volcaniques ou par des dépôts calcaires) des collines de Rome, le travertin de la région de Tibur (roche dure et jaunâtre qui va permettre de construire à Rome le Colisée), le calcaire, en Afrique, etc. Ils disposent de nombreuses machines de levage pour mettre en place les blocs et construire des murailles de pierres de taille scellées les unes aux autres. Toutefois, la construction courante des maisons romaines associe le mortier au bois et à la brique : ces bâtiments ressemblent ainsi aux demeures Louis XIII ou aux fermes anglo-normandes.

C'est aux grands édifices publics que l'on réserve la pierre de taille : aux dix-neuf aqueducs qui alimentent Rome en eau potable, par exemple. Ces monuments, les Romains les ont construits à proximité de toutes les grandes villes. En Gaule, l'aqueduc dit « Pont du Gard » est encore célèbre : ses trois rangées d'arcades atteignent une hauteur de 48 mètres ; l'étage supérieur mesure 273 mètres de long. Il faisait partie d'un ensemble qui conduisait vers Nîmes de l'eau recueillie à plus de 20 kilomètres de la ville. Son débit était de 20 000 m3 par jour, c’est-à-dire qu'il apportait quotidiennement à chacun des 50 000 habitants de Nîmes une moyenne de 400 litres d'eau.

L'eau des aqueducs est distribuée dans les villes par un système de siphons utilisant des conduites en plomb d'une large section : on a trouvé, à Lyon notamment, des conduites de 20 cm de diamètre. L'ensemble de la tuyauterie mesurait 26 kilomètres et pesait 2 000 tonnes !

 

Cet énorme appareil de levage décharge avec précision blocs de pierre et fûts de colonnes destinés à la construction d'un temple. La flèche de cette « grue » est retenue par des filins. Les matériaux sont levés par un système de treuil et de poulies, qui permet de travailler des charges importantes.

 

IX - DES MILLIERS D’ATELIERS

Les forgerons de Gaule n'ont pas de leçons à recevoir des Romains : depuis des générations, ils uti-lisent le charbon de bois pour fondre le minerai de fer dans des fours rustiques, dont le feu est attisé par un soufflet. Le fer est utilisé partout en Gaule. On le travaille depuis quatre ou cinq siècles quand César et ses légions pénètrent en sol gaulois.

 

Avec le fer, on cercle les tonneaux, on forge les épées et si l'on ne sait pas encore ferrer les chevaux, on fabrique déjà les charrues à deux roues et à soc de métal. L'antique charrue romaine, héritée des Grecs, ne peut labourer, avec son « groin » de bois, les terres lourdes du nord de la Gaule, pourtant si riches en blé.

La terre elle-même sert de matière première pour les artisans : les potiers italiens ou gaulois ne sont pas moins habiles que les forgerons. A la Graufesenque, dans le Massif central, à Lezoux, dans l'Allier, on connaît au moins cent fabriques de poteries. En Rhénanie (région d'Allemagne, sur le Rhin, de la frontière française à la frontière néerlandaise) et en Belgique, des ateliers ont été fondés par des potiers du Massif central. On emploie les poteries pour le transport des vins et des grains (les amphores) et pour la consommation courante. On façonne aussi des lampes à huile en terre cuite, des vases, des statuettes finement décorées. Tous ces objets de la vie quotidienne des Romains, faits pour la plupart en bonne glaise gauloise, on les retrouve dans les échoppes.

Il y a cent et un métiers dans les grandes villes : petits commerces, marchands de vin ou de bière, de soieries et d'étoffes, teinturiers et brodeurs, artisans ivoiriers, orfèvres...

Toutes les marchandises, dans les ruelles de Rome, se transportent à dos d'homme. Une armée de colporteurs, de commissionnaires, de débardeurs créent des embarras invraisemblables. Les cochers ne peuvent y engager leurs lourdes voitures et les convoyeurs de mulets ont bien du mal à se faufiler dans la foule avec leurs caravanes. Les rives du Tibre, pleines d'entrepôts, sont livrées à une multitude de dockers et les Romains qui veulent circuler à la tombée du jour se font accompagner par les gens de leur maison : sinon, gare aux voleurs !

Près de l'Aventin, à Rome, le long du libre, s'étend le quai au vin. On entrepose là, en permanence, deux ou trois mille amphores importées de tout le Bassin méditerranéen. Les marchands de vin installés aux alentours font aussi taverne. Une loi romaine interdit aux femmes d'y boire de l'alcool.

Les Romains portent essentiellement des vêtements de laine que l'on se procure chez les drapiers. Le drap de laine est plus ou moins fin, plus ou moins colorié. Les femmes, elles, recherchent les tissus de lin. Les gens riches acquièrent déjà, à prix d'or, des soieries venues d'Extrême-Orient.

On sait déjà fabriquer des bottes, pour les cavaliers, et il existe toutes sortes de sandales. Mais beaucoup de gens vont pieds nus.

X - PEINTRES, SCULPTEURS, MOSAÏSTES…

Les Romains raffolent des bas-reliefs (sculptures adhérant à un fond, dont elles se détachent avec une faible saillie). Ils ont appris cette technique des Grecs et l'artiste sait représenter sur la pierre toutes les scènes de la vie quotidienne. Il travaille à la demande, et celle-ci ne manque pas.

D'abord l'empereur, et les milieux officiels. On veut représenter, sur les colonnes ou les arcs de triomphe, les victoires militaires. Ainsi l'arc de Titus, à Rome, porte des scènes de la guerre menée par cet empereur contre les juifs. La colonne Trajane, elle, raconte les campagnes de Trajan contre les Daces, peuple qui occupait l'actuelle Roumanie. Les artistes s'efforcent de reproduire aussi fidèlement que possible la réalité : ils montrent les légionnaires agrippés aux échelles qu'ils jettent sur les remparts des villes dont ils font l'assaut. Ils représentent les navires de guerre, les cavaliers à la charge, les prisonniers enchaînés, etc.

Ils travaillent aussi, à la demande des particuliers, pour fixer des scènes de la vie courante : un cordonnier d'Auxerre désire être sculpté avec ses outils ; les marins du Tibre veulent avoir leur bateau transportant du blé ; un père de famille demande, pour son tombeau, qu'on le représente à côté de sa femme. Par milliers, les œuvres d'art circulent dans l'Empire.

Les peintres sont moins occupés que les sculpteurs. Mais une mode se répand : on se met à décorer les murs des maisons de vastes fresques qui représentent des scènes mythologiques, des motifs géométriques, des natures mortes, etc. Dans un mortier, l'aide du peintre broie les pigments pour fabriquer les couleurs. II y a quatre couleurs fondamentales : le blanc, le jaune, le rouge et le noir. Il faut longuement mélanger les couleurs pour obtenir les teintes désirées par le peintre.

A l'école des Grecs, les Romains sont devenus de remarquables mosaïstes. L'artiste prépare un dessin original de son œuvre, découpé ensuite en carrés. Sur chacun d'eux, il place de petits cubes de marbre. Les cubes sont liés entre eux par un ciment spécial mêlé de résine, de gomme ou de bitume.

Mais les artistes romains ont bien d'autres spécialités. Ils sont passés maîtres dans l'art des camées, ces pierres gravées qui représentent d'innombrables sujets (portraits, scènes mythologiques ou militaires, etc.). Les riches Romains, qui aiment les festins, commandent aussi des vaisselles d'une très grande qualité (un service de vaisselle en argent de 102 pièces a été découvert en 1894 au fond d'un puits à Pompéi). On sait également fabriquer des verreries fines et des céramiques d'art. Les Romains ont hérité des Grecs le goût du raffinement dans les objets de la vie quotidienne.

Les Romains excellent ainsi dans les arts mineurs, qui agrémentent la vie quotidienne. Vous voyez ci-dessous, de gauche à droite, un camée (1), une carafe en verre fin (2), un gobelet en argent ciselé (5), une bague façonnée par un joaillier romain (3), un bracelet en or et une lampe en bronze (4 et 6). Mais ces quelques exemples ne peuvent, à eux seuls, donner une idée exacte de l'extraordinaire richesse de la production romaine dans ce domaine. Ici, l'art rivalise avec la technique et l'imagination. C'est là le signe d'une haute civilisation, profondément raffinée.

XI - VIVRE À ROME

Pour loger 1 200 000 habitants sur les sept collines de la vieille ville de Rome, les architectes ont eu fort à faire : l'absence de moyens de communication rapides oblige à construire dans le centre. Seuls les pauvres se résignent à habiter hors des murs. La plèbe s'entasse dans les maisons insalubres des quartiers populaires.

Il a fallu construire en hauteur. Si les plus riches ont leurs palais, leurs hôtels particuliers avec jardins, piscine, cours intérieures et galeries à arcades, les pauvres habitent les insulae, blocs d'immeubles à étages qui rappellent nos grands ensembles. Ils sont disposés en quadrilatères autour d'une cour intérieure. Auguste en a fait limiter la hauteur à 20 mètres, mais la nécessité de loger les Romains est plus forte que la loi : on a construit de véritables gratte-ciel, comme l'immeuble Felicles, qui excite la curiosité des étrangers.

Les 45 000 immeubles de Rome manquent de confort. On se chauffe à l'aide de braseros. L'eau des aqueducs ne parvient qu'au rez-de-chaussée des immeubles, des porteurs d'eau approvisionnent donc les locataires en étages. Les maisons, construites parfois au flanc des collines, se prêtent à des incidents étranges : un jour un bœuf, échappé d'un marché, s'engouffre dans l'un de ces immeubles, à hauteur du troisième étage, et tombe par une fenêtre dans la rue en contrebas, sur l'autre façade !

Le feu est la terreur des Romains. Et les incendies, dans ces constructions surpeuplées, sont tragiques. Rome possède un corps de pompiers, et même des pompes à incendie mais les pompiers ne peuvent avancer rapidement à travers les ruelles encombrées. Ils n'ont pas assez d'eau pour éteindre un feu important. Sous le règne d'Antonin le Pieux (IIe siècle ap. J.-C.), on a vu, en un jour, brûler 340 maisons. L'incendie de 64 après J.-C. sera effroyable : des milliers de Romains y trouveront la mort. L'incendiaire est puni du bûcher et ceux qui ont provoqué un incendie par imprudence sont battus publiquement.

Il faut parcourir 85 kilomètres pour explorer la totalité des rues et ruelles de Rome. Seules les routes qui traversent la ville (voie Sacrée, voie d'Ostie, voie Latine) sont empierrées, propres, entretenues. Les ruelles sont sales, gluantes, mal éclairées ; on y déverse les immondices. Les trottoirs, quand ils existent, sont encombrés d'étalages et de boutiques de fortune.

On trouve sur les marchés de Rome les mêmes produits que sur les actuels marchés du Midi, mais il n'y a ni pommes de terre, ni tomates. On achète des légumes verts ou secs, des fruits de la campagne voisine, des viandes crues ou séchées, des poissons salés et du gibier.

Dans les cabarets, les Romains boivent en jouant aux dés, en discutant de la politique ou des faits divers du jour. Le travail se termine longtemps avant le coucher du soleil et, d'ailleurs, la ville de Rome compte beaucoup d'oisifs. Le patron de la taverne coupe d'eau ses vins.

Le Colisée tire son nom de la statue géante de Néron que les Romains appellent le « Colosse ». Cet énorme bronze doré représente le Soleil, à qui l'on a donné les traits de l'empereur. En face de cette immense statue on devait par la suite construire le grand amphithéâtre.

XII - AU CŒUR DE LA MAISON

Mariage à la romaine ! L'épouse pénètre dans sa nouvelle maison pour la première fois. Trois amis du marié l'accompagnent : le garçon d'honneur brandit la torche nuptiale, en aubépine, les deux autres portent la jeune femme et lui font franchir le seuil sans que ses pieds touchent terre. Des tentures de lin blanc recouvrent les murs. Des feuilles de lierre, signe de force et de santé, décorent les colonnes, ainsi que des feuilles de laurier. Trois amies de la mariée la suivent immédiatement : l'une porte la quenouille (tige dont une extrémité est entourée de soie, de lin, etc., pour filer), l'autre le fuseau (instrument de bois allongé et renflé au milieu, qui sert à tordre et enrouler le fil). La troisième, la demoiselle d'honneur, va la conduire vers le lit nuptial. Mais où est donc passé le marié ?

Il attend ! Il est dehors, à la porte. Les invités de la noce attendent aussi. Le marié jette des noix aux enfants. Il entre le dernier. Il se dirige alors vers sa femme et lui offre l'eau et le feu.

L'homme est le maître absolu du ménage. Dans les débuts de la République, le père de famille avait droit de vie ou de mort sur ses enfants. Il pouvait refuser de les reconnaître ou les vendre comme esclaves. Mais, peu à peu, la loi protégea les enfants, et aussi les femmes, contre les excès de la toute-puissance paternelle. Quant aux femmes, elles revendiquent parfois avec violence l'égalité des sexes. On en voit, habillées en hommes, aux courses de char. Certaines osent se battre à l'épée et s'exercer à la lutte, même s'il leur est interdit de se produire dans les amphithéâtres. Rome a ses femmes savantes : des avocates, des politiques, des littéraires. Si le mari n'est pas d'accord, la femme peut quand même, dans certains cas, divorcer, et demander à ses parents de la rappeler à eux. Si son mari la répudie, elle a le droit d'exiger sa dot.

Les enfants sont élevés en bas âge par la mère ou la nourrice, mais ils passent très vite entre les mains des esclaves, des affranchis ou des pédagogues. Du moins dans les familles aisées. Les enfants de pauvres, eux, s'élèvent dans la rue.

Les premiers habitants des villages situés sur les collines de Rome construisaient des cabanes légèrement ovales. Ces cabanes primitives ont été progressivement améliorées par l'emploi de la pierre sous l'influence des Étrusques.

La maison adopte alors un plan rectangulaire et s'organise intérieurement autour d'une cour centrale : l'atrium. C'est la seule source d'air et de lumière, car les maisons ont très peu de fenêtres. L'atrium est orné de bustes représentant le propriétaire et abrite le coffre aux trésors. On peut rapprocher le mot atrium de ater, atra, atrum qui signifie noir, sombre car il est très peu éclairé et on suppose que ses murs sont noircis par la fumée des braseros.

L'atrium est couvert d'un toit à double pente, ouvert en son milieu en carré (le compluvium). Sur le sol, juste sous cette ouverture, l'impluvium est un bassin destiné à recevoir les eaux de pluie. Centre de la vie familiale, on y reçoit les amis. L'été, pour se protéger du soleil, on masque par un rideau (velum) l'ouverture de l'atrium.

De chaque côté de l'atrium, se trouvent deux salles, les ailes (ala), ouvertes directement sur celui-ci. A l'origine, elles renferment des images des ancêtres. Plus tard, elles ont des utilisations plus diverses, elles servent souvent à fournir de la lumière grâce aux fenêtres donnant sur l'extérieur.

 

La pièce d’entrée de la domus (maison), le vestibulum, est sur la rue, au milieu de la façade. On y accueille le visiteur par un message de bienvenue, tel le "Have" de la maison du Faune, ou par une mise en garde sévère contre les intrusions extérieures : "Cave Canem" (prends garde au chien). Un chien en mosaïque garde symboliquement l'entrée.

Il faut aussi tout de suite attirer la chance sur la maison. Ainsi, dans le vestibule de la maison des Vettii à Pompéi, une fresque représente Priape, dieu protecteur des jardins et de la vigne, qui protège la maison contre le mauvais oeil et assure la prospérité. Son sexe démesuré est pesé sur le plateau d'une balance et s'équilibre avec une bourse pleine de pièces de monnaie, prix de sa protection. Au sol, un panier rempli de raisins et d'autres fruits évoque la fertilité de la terre.

Le tablinum se trouve au fond de l'atrium, dans l'axe du vestibule. Il n'a pas de mur de façade. Un simple rideau ou une cloison de bois le sépare de l'atrium. Avant l'apparition de la salle à manger, le maître et la maîtresse de maison déjeunent et dînent dans cette pièce. Cette pièce sert aussi de chambre, de salle de réception, de bureau pour le maître.

A l'arrière de la maison, le jardin, hortus, était un péristyle à la manière grecque. A l'origine, on cultive un petit jardin potager. Par la suite, ce jardin devient décoratif. Souvent, pour donner l'illusion d'un espace plus grand, on peint sur le mur du fond une scène horticole.

Chaque maison possède son laraire (lararium) : c'est une petite chapelle domestique, un autel familial, consacré aux dieux lares. Ils sont représentés par des figurines. Le culte aux dieux lares (dieux protecteur du foyer domestique) est rendu par le maître de maison. La famille récite des prières et fait des offrandes. Ce laraire est situé dans la maison des Vettii à Pompéi. Il se présente comme un petit temple entouré de deux colonnes, surmontées d'un fronton triangulaire. Au centre, l'ancêtre de la famille, vêtu d'une toge, fait une libation, entouré des dieux Lares qui dansent en tenant en main un rhyton (corne d'abondance). En bas, un serpent, qui représente le génie du propriétaire, est signe de force et de fécondité.

Les chambres (cubiculum) sont souvent décorées de riches peintures et le sol est orné de mosaïques. Dans ces pièces qui sont très petites, les Romains s'allongent sur des lits (cubile) pour dormir et non pas pour manger comme dans le triclinium.

A l'origine, les maisons n'ont pas toujours de salle à manger. On se restaure dans le tablinum ou l'atrium assis sur des fauteuils ou des tabourets. Puis les riches Romains adoptent l'usage du triclinium, où l'on s'allonge sur des banquettes. La pièce généralement petite en contient trois, disposées en U. Trois personnes peuvent s'installer sur une banquette. Le mot triclinium vient de "acclinis,-e" qui signifie "qui penche sur, qui est appuyé à".

Dans les premiers temps, les Romains n'ont pas de pièce spécialisée pour la cuisine : on installe un brasero là où l'on trouve un petit espace libre. Ensuite apparaît la culina (cuisine), pièce équipée d'un four en brique et d'un évier.

Donnant sur la rue, on trouve les tabernae, boutiques louées à des artisans.

Les autres demeures romaines étaient l'insula (immeuble en ville, très proche des nôtres), la villa rustica (ferme avec toutes ses dépendances), et la villa urbana (demeure luxueuse de grandes dimensions et de plan assez libre).

XIII - PETITS REPAS ET GRANDS BANQUETS

Des farines, des féculents, peu de légumes verts, de viande fraîche et de matières grasses : dans l'ensemble, le peuple des villes se nourrit mal. Les enfants souffrent certainement de cette alimentation incomplète. La plupart des gens se contentent d'un verre d'eau et de pain frotté d'ail le matin, d'un repas froid et frugal à midi (prandium) même chez les riches. Du fromage, des fruits, du pain trempé dans du vin suffisent à calmer l'appétit jusqu'au dîner (cena). On mange parfois des plats chauds, mais plus souvent les restes de la veille. Ils mangent mieux le soir.

Les riches et les gourmands soignent particulièrement ce grand repas de fin de journée (cena) où la famille, et souvent les amis, se réunissent. Dans les palais romains, la cuisine est une pièce immense, où une armée d'esclaves prépare d'interminables festins. L'été, les grands repas se terminent en général avant la tombée du jour. Mais ils se prolongent parfois toute la nuit. Les convives se couchent sur des lits à deux ou trois places disposés autour d'une table. Ils utilisent des cuillères pour se servir, des couteaux pour couper les viandes, et des cure-dents. En revanche, ils ignorent la fourchette et mangent avec leurs doigts. Certains textes précisent qu'ils essuient parfois leurs mains dans les cheveux longs des esclaves.

Les menus comptent au moins sept services. Après le hors-d'œuvre, trois entrées, deux rôtis, et le dessert. Les entrées sont substantielles : des volailles, des rognons, des tétines de truie (un plat dont les Romains raffolent), des lièvres ou des poissons. Les rôtis sont des marcassins ou des veaux bouillis.

Les invités boivent du vin miellé au début du repas, et goûtent à tous les mets en mangeant de petits pains chauds. Les amphores de vins sont bouchées avec du liège ou de l'argile. Après avoir versé le vin dans des cratères, on ajoute l'eau et on sert les convives en puisant avec leurs coupes. Il s'agit là de repas exceptionnels. La plupart des soupers sont modestes, mais consistants : une entrée, avec des olives, du thon ou des anchois ; un plat unique, qui pouvait être du chevreau ou des côtelettes grillées ; puis un dessert. Tel est le menu ordinaire de la table des riches, quand ils ne sont pas des gloutons ou des gourmets comme Lucullus, Vilellius ou Héliogabale.

Le repas des gens simples comprend surtout des fèves, des pois chiches, de la soupe aux choux, avec du lard. Le pain est grossier. On filtre le vin avant de le boire ; on le coupe largement d'eau. Pour toute la famille, un plat unique, que l'on tient au chaud sur une sorte de brasero.

Le boulanger chauffe son four avec du bois en fagots. Il moud lui-même le grain, avec une lourde meule en pierre actionnée par des esclaves. Les boulangers achètent le grain aux magasins de l'État et fournissent à ce dernier le pain qu'ils distribuent gratuitement à la plèbe.

XIV - DE L’ALPHABET À L’ÉLOQUENCE

Le compte est faux sur l'abaque (la table à calcul ou boulier compteur) : le petit écolier n'a pas calculé juste. Il est puni par les verges. A l'école primaire romaine, les châtiments corporels sont la règle. Les maîtres, pauvres, mal payés et peu instruits, ont trop d'élèves, et des locaux misérables. Pour vivre, ils acceptent souvent des travaux de copistes. Les enfants entre sept et quinze ans (garçons, filles et même esclaves) apprennent à lire, à écrire et à compter dans l'inconfort le plus complet. L'école, ouverte aux bruits de la rue, devient parfois glaciale l'hiver. La classe peut d'ailleurs se faire au bord d'un chemin ou sur une place publique.

Les Romains se soucient peu d'alphabétiser les pays conquis. Il leur suffit que les riches, les notables, envoient leurs enfants dans les écoles supérieures, où l'on enseigne le latin et le grec. Les enfants de riches apprennent à lire avec un précepteur payé par leur famille avant de suivre, dans une grande ville de province, les leçons du grammairien et du rhéteur (celui qui enseignait l'art de bien parler). Le public de cet enseignement est très restreint. Les professeurs viennent d'Athènes, de Pergame ou de Rhodes, où l'enseignement existe depuis longtemps. Ils viennent aussi d'Alexandrie, en Égypte. A 13 ou 15 ans, l'enfant suit les leçons de ces grammairiens qui leur apprennent la littérature grecque et latine, l'histoire et la géographie, la musique, la mythologie, plus que les mathématiques. Puis le rhéteur dispense un enseignement supérieur, qui se résume essentiellement à l'art de faire des discours et de rédiger des lettres en bon latin. Les fils de sénateurs, les futurs fonctionnaires de l'administration impériale suivent ainsi les leçons du rhéteur. Ils apprennent par cœur et récitent les discours des grands orateurs romains.

Les Romains, bons techniciens des mines, de la construction, n'ont pourtant pas créé un véritable enseignement technique ou scientifique. Le savoir se transmet souvent dans le cadre des familles, des métiers. On est apprenti géomètre comme on est apprenti maçon. Les seules matières enseignées officiellement sont celles qui, comme le droit, conduisent aux carrières administratives, les seules qui intéressent les riches.

Les Romains travaillent sur des manuscrits minutieusement transcrits sur des volumes de papyrus par des esclaves copistes. On apprécie beaucoup, dans les écoles romaines, les écrits des savants grecs, des philosophes, des médecins. Mais on recopie aussi les textes des auteurs latins.

Les grandes familles ont les moyens de confier leurs enfants à de bons pédagogues. Ainsi, on rapporte que Hérode Atticus, un Athénien très riche, demanda au précepteur de son fils de faire défiler devant lui d'immenses panneaux de bois où étaient peintes les 24 lettres de l'alphabet. L'enfant recopiait ces lettres, portées par des esclaves, sur une tablette de cire avec un roseau taillé. On raconte également que Hérode Atticus fit fabriquer par des pâtissiers des gâteaux ayant la forme des lettres et par des artisans un alphabet en ivoire.

Les enfants jouent aux osselets, comme les adultes ; mais ces derniers intéressent souvent la partie avec de l'argent. Filles et garçons font rouler leurs cerceaux et connaissent d'innombrables jeux de balles. Celles-ci peuvent être des pommes, ou des noix, ou des peaux cousues et remplies de son. Ils poussent ces boules avec des cannes, comme s'ils jouaient au croquet. Les enfants riches ont des jeux plus rares, plus recherchés. Ils possèdent parfois des animaux savants, des instruments de musique, etc. Enfin, il existait aussi des jouets.

XV - LES BAINS, LA TOILETTE ET LA MÉDECINE

Le tepidarium des Thermes

de Dioclétien à Rome.

Les Romains pratiquent très tôt le sauna, dans leurs thermes (du grec thermos : chaud) publics, construits par l'État ou par les villes, et dont l'entrée est gratuite. Ils s'y rendent en masse, à des heures déterminées : les hommes et les femmes ne peuvent se baigner ensemble.

La seule ville de Rome compte plusieurs centaines de thermes. Les plus vastes sont ceux de Caracalla (ils couvrent 118 000 m2) et ceux de Dioclétien (140 000m2 = 14 hectares) : 3 000 personnes pouvaient se baigner en même temps ! Autour des bains, on trouve des portiques, des stades pour jouer à la balle, au ballon, à la pelote ou pour faire de la gymnastique ; et même des bibliothèques !

 

Les romains vont donner une preuve de leur avance technique en faisant circuler l’air chaud en dessous du sol ce qui permettait de chauffer les salles à des températures désirées. Le sol était composé des plaques tenues par des hypocaustes (systèmes de chauffage à air chaud, constitués d'une sorte de fourneau installé dans le sous-sol, avec lequel les Romains chauffaient les thermes.). L’air pouvait aussi circuler au long des murs dans les tubulare.

Les thermes romains incluent les mêmes éléments que ceux des Gymnases grecs, mais vont subir une transformation au niveau des dimensions et les bains vont prendre une partie plus importante.

Les principaux éléments des thermes romains sont :

- le tepidarium : la température était agréable (salle tiède) et c’est la salle plus grande et luxueuse dans les thermes.

- le caldarium : la salle la plus chaude.

- le laconium ou sudatorium : salle très chaude et de petite dimension.

- l’apodyterium : se situent normalement à côté des entrées et fonctionnent comme vestiaires.

- le frigidarium : le petit bassin d’eau froide utilisée par les Grecs se transforme ici en une énorme piscine extérieure.

- le terrain de sport : comme la palaestra (palestre) des grecs, les romains ont maintenu un espace pour la pratique du sport, mais ses dimensions ont augmenté énormément.

- la librairie : l’exedra est aussi maintenue comme endroit pour discuter. Elle est à l’extérieur pour que l’on puisse parler en toute tranquillité.

 

Plan des Thermes de Caracalla à Rome avec une superficie de 12 hectares en carré de 350 mètres de côté.

Les thermes étaient destinés à une utilisation quotidienne, le Romain s’y rend avant la Cena (repas du soir) ; son processus était :

D’abord les exercices physiques dans la palaestra (la palestre : partie du gymnase grec et des thermes romains où se pratiquaient les exercices physiques, en particulier la lutte) pour stimuler la circulation sanguine.

Ensuite les bains. La fonction principale du tepidarium est la relaxation, après le sport un repos d’une demi-heure est fait dans cette ambiance de luxe pour aller ensuite au très chaud caldarium en finissant par un bref passage au laconicum ou sudatorium, une salle d’atmosphère très sèche et chaude qui atteint 70°c.

Après ce passage, enfin, le nettoyage et les massages, pour plonger dans la grande piscine d’eau froide du frigidarium qui ferme ce procès de régénération corporelle.

Les Thermes ont un rôle plus large que de permettre les exercices du corps. Ils permettent également de se distraire et de se cultiver, souvent ils comportent des bibliothèques, des salles d'exposition, etc., avec en plus des espaces ouverts et des jardins pourvus de fontaines.

Les vespasiennes publiques permettent aux Romains de satisfaire aux besoins naturels. A Dougga, en Tunisie, on a trouvé des latrines pouvant accueillir jusqu'à 26 personnes. L'eau coulait en permanence, par une rigole, en dessous du lieu public, entraînant les déchets dans un égout.

Les Romains prennent ainsi l'habitude de l'hygiène et de la propreté. A Rome, un service d'État s'occupe des eaux et de l'entretien des aqueducs. Les édiles (magistrats romains chargés de l'organisation des jeux, de l'approvisionnement, des édifices) se soucient tout spécialement des égouts. On raconte que l'un d'eux, du nom d'Agrippa, a fait nettoyer à ses frais tous ceux de la ville de Rome.

La toilette d'une riche Romaine prend du temps. Son esclave la coiffe savamment. Les fers à friser restent toujours chauds sur le brasero. On fixe les boucles avec des épingles. On arrache les cheveux qui blanchissent. Quand ils deviennent rares, on achète des perruques.

Les Romains accordent également la plus grande importance à leur santé. Ils pratiquent les cures thermales, mais font aussi la fortune des innombrables charlatans qui leur proposent des remèdes miracles et se disent spécialistes de telle ou telle maladie. « La seule différence, disait le médecin grec Claude Galien (v. 131 - v. 201), entre les brigands et les médecins de Rome, c'est que les médecins tuent dans la ville et les brigands dans la campagne. » Il existe pourtant des médecins sérieux, notamment les disciples de Galien. Les médecins peuvent être d'anciens esclaves ou des affranchis. Ils se déplacent de ville en ville, soignant leurs malades dans les foires et marchés.

Les chirurgiens sont capables d'entreprendre des opérations délicates : réductions de fractures, amputations, mise en place de prothèses (jambes artificielles), césariennes, extraction des pierres dans la vessie, et même ouverture du crâne (trépanation). Mais ces chirurgiens sont de très grands spécialistes, que l'on se dispute à prix d'or.

Quelques instruments du médecin et du chirurgien romains. 1 - Spéculum (destiné à dilater l'entrée de certaines cavités du corps). 2 - Pince. 3 - Clystère (entonnoir ou poire à lavement). 4 - Ventouse. 5 et 5b - Scalpels (instruments tranchants pour inciser, disséquer). 6 - Crochet pour écarter les lèvres d'une plaie. 7 - Piston à ponctions (prélèvements ayant pour but d'extraire un liquide du corps). 8 - Daviers (pinces pour arracher les dents et les fragments osseux). 9 - Agrafe. 10 - Forceps (instrument de chirurgie en forme de pinces, permettant de saisir la tête d'un enfant pour faciliter l'accouchement). 11 - Scie. 12 - Levier pour soulever un os cassé.

Les enfants sont souvent les victimes innocentes des grandes épidémies, comme le typhus. Ils souffrent parfois de malnutrition. Le peuple pauvre des campagnes consulte rarement les médecins des villes. Il a ses guérisseurs et ses remèdes de bonne femme.

Pour préparer des potions, les Romains utilisent surtout des plantes. Plus de 500 espèces connues sont ainsi employées : l'ellébore, la verveine, la digitale, le tilleul sont les plus fréquentes. Mais on prépare aussi des potions rares, avec du venin de vipère ou le foie bouilli des cerfs.

Le barbier fait souvent fonction de médecin et même de chirurgien. Ses recettes permettent de fabriquer des emplâtres qui guérissent les blessures. Il peut, par exemple, raser le crâne de son client, puis répandre sur la blessure une pâte de sa composition, avec une spatule et une cuillère à baume.

XVI - DES DISTRACTIONS POUR TOUS

Si l'homme de la rue se précipite à l'amphithéâtre ou à l'hippodrome, un public plus exigeant fréquente le théâtre, où l'on donne des spectacles très populaires. Mais peut-on comparer les 60 000 places offertes aux Romains par les théâtres de la ville aux 250 000 places qui attendent, dans le Grand Cirque (le circus maximus), les fanatiques des courses de chars ? Le théâtre est moins fréquenté que les autres formes de spectacle, certes ; mais il faut rappeler que Bercy, la plus grande salle de spectacle de Paris n'offre aujourd'hui que 10 700 places !

Dans l'immense espace de la scène, on ne peut jouer de drames intimes. Le spectacle romain est grandiose, avec des décors très élaborés, des comédiens qui sont des ténors d'opéra, des mimes et même des pantomimes. Ils chantent, dansent, récitent des vers, accompagnés par des cithares ou des flûtes. Dans le théâtre romain, le spectateur reconnaît le personnage au masque que porte le comédien. L'acteur jouera successivement le rôle d'une jeune fille, d'un vieillard et d'un esclave. Les masques sont en chiffon recouvert de plâtre. Ils sont peints de couleurs vives. Au fil du temps le théâtre se transformera peu à peu en un spectacle de masse, où le texte joue un rôle de plus en plus réduit. On y demandera des chanteurs, des acrobates.

 

D'ailleurs, pour les Romains, mais sans doute aussi pour les Lyonnais ou pour les habitants de Constantinople, le spectacle se tient d'abord dans la rue. Les villes entretiennent des plèbes oisives qui flânent. Les rues sont animées par des musiciens ambulants, qui viennent parfois de fort loin donner des concerts permanents. Ils ne peuvent jouer de la trompette ou du cor : ces instruments sont réservés à l'armée ou aux cultes. Ils ont des cymbales en cuivre, des flûtes doubles, des flûtes de Pan ou des tambourins.

Les hommes jouent aussi à tous les jeux de hasard : les dés, les osselets, etc. Le soir, les citadins vont dans les cabarets, dans les tavernes. Les grandes villes ont une intense vie nocturne.

Les distractions de l'élite, la danse, la musique raffinée, la récitation de poésies ou de pièces de théâtre, ont lieu en privé, dans les palais des notables. Les artistes sont entièrement entretenus par les riches et logent souvent dans leurs maisons où ils donnent des concerts. La cithare, au premier plan, a une table d'harmonie en carapace de tortue. Derrière, on aperçoit le joueur d'orgue hydraulique : l'eau, animée par une pompe, chasse l'air dans les tuyaux. Cet instrument apparaît à la fin du IIIe siècle av. J.-C.

Les virtuoses, harpistes ou citharistes, très recherchés, vivent comme des princes et demandent des cachets fabuleux : 200 000 sesterces sont payés par l'empereur Vespasien pour une seule audition de cithare. Mais ces privilégiés sont rarissimes. Le grand art est affaire de professionnels. Il n'est pas à la portée de l'homme de la rue.

XVII - LES COMBATS DE GLADIATEURS

Les combats de gladiateurs (gladius, en latin, signifie « glaive ») venus d'Étrurie (l'Étrurie était le territoire des Étrusques, il correspond en gros à l'actuelle Toscane) nous plongent dans un contexte de foule bruyante, massée sur les gradins où la passion s'empare du public. À Rome, le plus ancien combat de gladiateurs mentionné dans les textes se déroula en 264 avant J.-C., sur le Forum Boarium (le marché aux bœufs), espace à caractère utilitaire et sans prestige situé près de l'extrémité nord du Circus Maximus. Ce combat fut rapidement suivi par de nombreux autres. Ainsi en 105 avant J.-C., les jeux devinrent publics. Ils seront interdits au IVe siècle par l'empereur Constantin, mesure sans effet réel avant la fin du IVe siècle.

« Ave Caesar, morituri te salutant ! » « Salut, César, ceux qui vont mourir te saluent ! » César d'abord, puis Auguste et ses successeurs vont faire des combats de gladiateurs une sorte d'institution. Une loi oblige les villes à les organiser dans leurs amphithéâtres. L'Empire se peuple d'arènes à l'image du Colisée de Rome, qui peut contenir 50 000 spectateurs.

A Rome, c'est l'empereur lui-même qui, avec ses fonctionnaires, organise entièrement les spectacles. Mais dans les villes des provinces, les municipalités s'adressent à des entrepreneurs spécialisés. Ceux-ci achètent les gladiateurs sur les marchés d'esclaves ou les recrutent parmi les malheureux, les vagabonds, les fils de famille déchus. Les candidats à la mort subissent un entraînement implacable dans des écoles spécialisées. L'empereur loge ses propres combattants dans des casernes. Il les recrute chez les condamnés à mort ou les prisonniers de guerre. Il y a parfois des volontaires, alléchés par les primes. Quant aux animaux sauvages qui participent, eux aussi, aux combats, ils viennent de partout.

Les combats d'animaux ouvrent le spectacle : le rhinocéros attaque l'éléphant ; on lâche les ours contre les buffles ; à côté, un taureau furieux frappe un éléphant de ses cornes, au ventre ; le taureau est attaché à un anneau géant, pour qu'il ne puisse se dérober à la charge de l'énorme pachyderme, guidé par un cornac. Le public romain raffole de ces duels d'animaux sauvages et le sable de l'arène se macule de sang.

On assiste aussi à des chasses, dangereuses, mais pas toujours meurtrières pour les hommes. On traîne hors du cirque, certains jours, plus de 5 000 carcasses d'animaux tués, 10 000 à l’occasion de l’ouverture du Colisée en l’an 80 de notre ère !

Mais le plat de résistance du spectacle, c'est le combat de gladiateurs, série de duels qui divertissent fort la foule. La veille, un banquet public réunit les malheureux qui défileront, au jour du combat, comme une troupe de soldats, suivis de serviteurs, devant la loge de l'empereur. A l'occasion de grandes fêtes, ils sont 1 000, 4 000, jusqu'à 10 000 ! On tire les adversaires au sort, et les combats commencent, impitoyables. Le public prend des paris sur les champions et suit les luttes avec une passion malsaine. Quand un homme gît à terre, le vainqueur demande à l'empereur s'il doit ou non l'achever. Si ce dernier lève le pouce, on fait grâce au blessé. S'il le baisse, il est mis à mort.

Voici les gladiateurs ! A gauche, le rétiaire (1), sans casque ni cuirasse, armé d'un trident, d'un poignard et d'un filet pour prendre l'adversaire. Puis le thrace (2), casqué, armé du glaive ; le mirmillon (3), avec le bouclier gaulois et l'épée recourbée. Enfin, le samnite (4), au grand bouclier romain.

 

Ces condamnés à mort sont livrés, nus, attachés à des poteaux, aux crocs des fauves affamés. Beaucoup de chrétiens ont péri ainsi, lors des grandes persécutions. Le peuple romain aime ces distractions féroces, assimilées aux jeux du cirque. La mort, pour la plèbe oisive, est un spectacle.

Bien sûr, les Romains n’étaient pas tous assoiffés de sang. Sénèque, par exemple, s’est élevé contre ces combats, disant que c’était du « meurtre pur et simple ».

L’influence grandissante du christianisme et son adoption comme religion officielle de l’Empire finit par entraîner la fermeture des écoles de gladiateurs, et les combats prirent fin au début du Ve siècle.

XVIII - LES JEUX CRUELS DU CIRQUE

« Panem et circenses » « Du pain et des jeux ». C'est ainsi que les empereurs tiennent le peuple inoccupé de Rome à qui l'on distribue, tous les mois, des rations de farine. Des centaines de milliers d'oisifs attendent les spectacles du forum, du théâtre et des amphithéâtres. Ils sont toujours disponibles pour la fête.

Près de 200 jours de fête par an ! Sans compter les fêtes champêtres et les fêtes de quartiers. Fêtes en l'honneur des dieux, des empereurs, des généraux vainqueurs, fêtes cruelles comme celle du « cheval d'octobre » : on organise une course équestre, le 15 de ce mois. Le cheval vainqueur sera immolé au dieu Mars, et sa tête exposée sur la voie Sacrée. Cette cruauté se retrouve dans les jeux du cirque. Des dizaines de milliers de spectateurs envahissent les gradins pour assister aux terribles courses de chars.

Sur un parcours de 1 200 mètres, qui est couvert sept fois, soit quelque 8 400 mètres, les attelages s'affrontent. Et dans une même journée, on compte parfois cent courses !

Les quatre chevaux du quadrige partent à un train d'enfer, au signal donné par un magistrat qui jette un mouchoir blanc. Les attelages, sur lesquels les parieurs ont misé des fortunes, sont conduits par des auriges casqués, aux jambes ceintes de bandes molletières. Les roues des chars soulèvent des nuages de poussière. Il faut, à chaque extrémité du cirque, contourner la borne sans la heurter. Les accidents sont parfois mortels. Les chevaux de course coûtent très cher.

Souvent les employés du cirque se précipitent pour jeter de l'eau froide sur les roues. Le char roule si vite que la chaleur de la jante de fer risque d'incendier la roue en bois. Le conducteur du char porte une tunique aux couleurs de son écurie. II a enroulé ses rênes autour de son torse.

Les auriges vainqueurs deviennent les idoles du peuple. Ils gagnent rapidement des millions de sesterces. L'un d'eux, Aurelius Mollicius, compte à vingt ans plus de cent victoires. Ceux qui ont, par chance, évité la mort sur la piste, totalisent, en fin de carrière, 1 000 et jusqu'à 3 000 succès.

Mais bien peu profitent de leur fortune. La course de chars est bien plus dangereuse que nos modernes courses automobiles.

Quant au peuple romain, à l'innombrable foule des miseurs, il est, à la fin des courses, invité par l'empereur qui distribue des récompenses et donne un gigantesque banquet.

La naumachie est un combat naval orga-nisé très exception-nellement pour la distraction des foules. Elle a lieu dans un amphithéâtre, inondé pour la circonstance. A l'occasion de la première naumachie organisée à Rome, César a fait creuser, dans le champ de Mars, un bassin alimenté par l'eau du Tibre. Les flottes qui s'affrontent opposent 2000 combattants, tous prisonniers de guerre ou condamnés à mort. Plus tard, Auguste donnera une naumachie représentant la célèbre bataille de Salamine, que les Grecs avaient remportée sur les Perses en 480 av. J.-C. !

On a reconstitué dans l'amphithéâtre un paysage naturel. Les arbres ruissellent d'or. Il y a des jets d'eau parfumée. Les fauves sont lâchés. Les chasseurs attaquent. Ils peuvent trouver refuge, en cas de danger, dans les tourniquets des cloisons ou dans des paniers ronds garnis de pointes. Les arènes du Colisée sont pleines à craquer. Voici des lions, des panthères, des éléphants et même des crocodiles. On voit des colosses assommer les ours à coups de poing, aveugler les lions dans leur manteau. Le jour de l'inauguration du Colisée, rappelons-le, par Titus (79-81 ap. J.-C.), on tuera 5 000 bêtes.

XIX - AU NOM DU SÉNAT ET DU PEUPLE ROMAIN

Ces personnages assis dans une assemblée solennelle ne sont pas des Romains anonymes : ils comptent parmi les citoyens les plus riches de l'Empire, ceux que l'empereur a jugés dignes d'être sénateurs. Ils jouent un rôle très important dans l'État, attaquant parfois la politique officielle, recommandant la guerre ou la paix, approuvant ou critiquant les lois. Et les sénateurs sont loin d'être tous du même avis. Quand ils ne sont pas d'accord avec l'orateur, ils se couvrent la tête avec un pan de leur toge.

Mais, depuis Auguste, l'empereur est bien le maître : même s'il fait semblant d'écouter le Sénat, même si les formules officielles portent toujours la mention : Senatus Populus Que Romanus (signifiant Au nom du Sénat et du peuple romain), souvent abrégé en S.P.Q.R., emblème de la République romaine, et également de l'Empire romain.

D'ailleurs, les sénateurs n'interviennent pas dans la désignation de l’empereur, qui adopte souvent, de son vivant, son successeur. Quand les soldats des légions ne sont pas satisfaits de cette désignation, ils la font eux-mêmes, et ne demandent jamais l'avis de qui que ce soit. Le Sénat n'est consulté quand il l'est - que pour confirmer l'élection.

L'empereur a multiplié les bureaux de son administration. Les fonctionnaires, qu'il nomme et révoque à volonté, décident, agissent, rédigent les règlements qui ont force de loi. Le Sénat n'est consulté que pour la forme. Être sénateur est une dignité, un honneur, progressivement ouvert aux riches provinciaux ; ce n'est plus, comme sous la République, une véritable fonction.

Car les magistrats de Rome, les consuls, les tribuns, les préteurs, les édiles et les questeurs, s'ils sont bien élus par le Sénat, le sont sur une liste de candidats proposés par l'empereur. Les sénateurs eux-mêmes ne sont pas élus, mais désignés parmi les membres d'un ordre sénatorial qui se compose des citoyens les plus riches, ceux qui possèdent au moins un million de sesterces.

Couverts d'honneurs et d'argent, les sénateurs se partagent les dignités et les magistratures honorifiques. L'empereur les laisse parler entre eux, pourvu qu'ils obéissent. Rome a oublié la République. Depuis César, elle a pris l'habitude de se donner un maître.

Pour voter, les citoyens franchissent une passerelle de bois mobile pour accéder aux urnes. Ils ne peuvent avancer que un par un. Pour exprimer leur vote, ils déposent dans l'urne une plaquette en bois. Lorsqu'il s'agit d'une loi, elle porte un A (Antiquo : je rejette) ou les lettres UR (Uti rogas : j'accepte).

Les notables romains ont une clientèle politique de citoyens pauvres, pourvus du droit de vote. Ils ne travaillent pas, mais sont les agents électoraux de leur patron, qu'ils défendent en toute circonstance. En échange, le patron les paie et leur distribue un panier de vivres tous les matins.

 

Les droits du citoyen romain :

- Jus suffragii : le droit de vote

- Jus militiae : le droit d'être soldat dans la légion romaine

- Jus honorum : le droit d'être élu magistrat

- Jus provocationis : le droit de faire appel au peuple contre une décision de justice qu'on estime mauvaise

- Jus census : le droit de propriété.

- le droit de cité est, à l'origine, réservé aux citoyens de Rome. A partir de 89 avant J.-C., il sera reconnu à tout citoyen d'Italie. L’édit de Caracalla, en 212 après J.-C., l'accorde enfin à tous les hommes libres de l'Empire.

Les magistrats de Rome parlent au peuple sur le forum. Ils montent à la tribune que l'on appelle les Rostres : elle est en effet ornée, à ses deux extrémités, de plusieurs éperons de navire, ou rostres. Tous les citoyens peuvent, en principe, demander la parole.

Les Rostres

XX - ON INTERROGE LES DIEUX

Les trompettes sonnent. La cérémonie de purification commence. Devant le temple, les prêtres vont sacrifier un porc, un bélier, un taureau. Les animaux ont été parés pour la procession. Ils sont gras, luisants, propres, ornés de guirlandes et de bandelettes. Ils font trois fois le tour du temple. Les fidèles portent des couronnes de laurier. Quand les aruspices, ces prêtres romains qui consultaient les entrailles des victimes pour en tirer des présages, auront fini d'examiner les viscères des victimes, on offrira au dieu, sur l'autel, les meilleurs morceaux des animaux immolés. Le reste sera distribué aux fidèles.

Ici le taureau a été soigneusement lavé, étrillé, peigné. Les serviteurs du sacrifice (les victimarii) le maintiennent en force pour qu'il offre son cou au sacrificateur. Celui-ci brandit la hache rituelle, en cuivre. II porte à la ceinture un couteau pour achever l'animal. Le sang du taureau doit honorer l'autel.

Les instruments de culte utilisés pour les sacrifices ou les offrandes sont fabriqués en suivant scrupuleusement la tradition. Le bâton surmonté d'une crosse est le signe de la fonction d'augure. Le couteau permet de découper les victimes des sacrifices.

Les Romains croient à la vie éternelle. Mais ils ont besoin des dieux pour franchir les épreuves de la vie terrestre. Les cités et l'État rendent un culte officiel, minutieusement réglé, à tous les dieux du Panthéon, et en particulier à Jupiter, Junon et Minerve.

Les Romains veulent mettre toutes les chances et tous les dieux de leur côté, n'hésitant pas à adopter des divinités étrangères. Mais, en revanche, ils imposent aux pays qu'ils occupent le culte de leur État.

La religion des Romains est une suite de rites et de pratiques. On offre des sacrifices aux dieux pour se les concilier. Des prêtres organisent dans les temples et dans les sanctuaires un culte permanent. On immole des quantités de victimes, quand les dieux sont en colère. Pour prévenir ce courroux, et interpréter les volontés divines, on a recours aux vieilles techniques du peuple étrusque. On interroge le ciel, les éclairs, les étoiles. On scrute les entrailles des victimes des sacrifices sanglants. On observe les objets jetés dans l'eau, la combustion du bois dans les foyers. On interprète les songes, etc.

Ce personnage est un augure. Il est chargé par l'État de rechercher les signes qui expriment la volonté des dieux. Celui-ci a lâché les poulets sacrés. Il les observe. S'ils mangent avec avidité, en laissant tomber des bribes de nourriture de leur bec, c'est un bon signe.

A la campagne, on offre aux dieux, sur des autels de fortune, des sacrifices non sanglants. On leur demande des récoltes abondantes. On prie pour qu'ils envoient la pluie, en période de sécheresse. Ils ont droit aux prémices des récoltes : la première grappe de raisin, la première gerbe de blé, etc.

Ces rites accompagnent tous les actes de la vie publique. Ils rythment aussi la vie quotidienne. La crainte des dieux s'exprime d'ailleurs constamment dans la conversation : on jure par Hercule, on supplie par l'Olympe, on menace par Jupiter... Et si les dieux sont hostiles, on apprend à respecter le destin, en subissant avec sérénité les épreuves, y compris la mort.

XXI - SUR LES ROUTES EN PIERRE

De la ville de Rome aux provinces les plus éloignées, les distances sont calculées en milles, le long des voies romaines qui sont construites à partir du IIe siècle avant Jésus-Christ.

Les routes sont souvent étroites, mal empierrées, faites de pierres concassées. Seules les routes d'État, les célèbres voies romaines, sont rectilignes et constamment entretenues. Larges d'au moins 4,15 mètres, elles permettent le passage de trois chars de front. Aux portes de Rome, elles peuvent atteindre 10 à 12 mètres de largeur.

 

Les voies romaines sont, de fait, très robustes. On commence par creuser deux fossés parallèles pour l'écoulement des eaux. Le fond de la future route est ensuite déblayé jusqu'à la roche, que l'on recouvre de sable et de mortier. Quatre couches successives de maçonnerie seront entassées sur 1,50 mètre d'épaisseur. En surface, des pierres plates de roches dures. La chaussée doit être bombée au centre, pour permettre l'écoulement des eaux de pluie. Des routes aussi solides devaient braver les siècles : on en retrouve encore aujourd'hui des tronçons intacts, après deux mille ans !

Ces routes droites sont de véritables œuvres d'art. On rencontre, en Italie, des tunnels d’un kilomètre de long, éclairés par des puits. La voie Appienne qui va de Rome à Brindisi enjambe par un viaduc une vallée de 197 mètres de large. Parfois, il a fallu remblayer la chaussée sur plusieurs mètres de hauteur. Autant dire que l'entretien des routes et des travaux d'art exige une main-d'œuvre abondante.

Un mille, c'est mille pas (des pas de Romains), soit 1481,50 mètres. Le milliaire doré de Rome, situé en plein forum, sert de point de départ pour calculer les distances le long de toutes les routes. Des bornes, à chaque mille, sont ainsi plantées dans tout l'Empire, de l'Angleterre à la Syrie, du Danube au Sahara !

Les voies romaines sont les artères vitales de l'Empire. Il faut que les courriers de l'empereur circulent vite. Il faut que les légions puissent accourir, à marches forcées, quand un danger menace la paix.

Les postes impériales, mais aussi les particuliers, utilisent des voitures rapides tirées par deux chevaux. Certaines sont aménagées par les riches qui peuvent y lire, jouer aux dés, boire. On dit même qu'un empereur s'est fait installer dans sa voiture un siège tournant, pour mieux voir le paysage !

Le long des voies romaines, des auberges servent de relais aux messagers et aux voyageurs, qui trouvent là un gîte et des chevaux. Elles sont construites aux frais de l'État, des municipalités ou des particuliers ; on peut également y faire réparer les voitures et acheter des vivres.

Les voyages par chariots sont si lents qu'on préfère, pour les transports à longue distance, passer par la mer ou les cours d'eau. D'ailleurs, les célèbres voies romaines servent beaucoup plus au passage des troupes qu'à celui des convois de marchandises.

XXII - QUE DE CONVOIS VERS ROME !

1 200 000 Romains à nourrir tous les jours, alors que les campagnes italiennes sont de moins en moins cultivées : c'est un rude problème pour l'État. Tout le ravitaillement de la ville de Rome vient par mer et se débarque à Ostie (Ostia Antica), le plus grand port de l'Empire. Le célèbre historien romain Tacite écrira que « tous les jours, la vie du peuple romain est le jouet des flots et des tempêtes. »

 

Claude et Trajan ont fait creuser les deux bassins d'Ostie, qui font plus de cent hectares. Deux jetées de maçonnerie les protègent. On a installé un phare sur un îlot artificiel, et pour construire celui-ci, on a coulé en mer un bateau rempli de roches.

Les Romains ont construit partout des ports où se ravitaille leur flotte commerciale. Arles, sur le Rhône, devient un véritable entrepôt des Gaules. La laine, le bois, le blé, venus des régions du Nord, s'y concentrent avant d'être réexportés sur Rome. En Égypte, Alexandrie joue le même rôle.

En effet, l’Égypte est un des greniers du monde antique. Ici, le scribe, employé d’un riche propriétaire foncier compte les sacs de grain, chargés par les esclaves. Ils seront livrés par les marins dans le grand port d'Alexandrie et partiront ensuite à destination de Rome. L'Italie importe l'essentiel de sa consommation en blé et en céréales. D'Égypte, toujours via Alexandrie, arrivent beaucoup d'autres produits : soieries ou épices d'Orient, parfums d'Arabie, etc.

Par le Nil aussi, les commerçants romains se procurent les défenses d'éléphant achetées en Afrique noire : l'ivoire se vend très cher à Rome. Les marchands achètent aussi des cornes de rhinocéros qui, une fois pilées, trouvent un usage notamment en pharmacie.

Les traversées demeurent longues et difficiles, et les armateurs, qui prennent de grands risques, assurent leurs cargaisons.

A l'arrivée, les négociants revendent leurs marchandises aux détaillants et aux industriels. D'immenses entrepôts - ils couvrent dix hectares à Ostie, mais bien plus encore à Rome - stockent tous les produits du monde antique : chandelles, torches, cahiers de parchemin et rouleaux de papyrus, poivre et épices, blé par quintaux, amphores de vin et jarres d'huile, vêtements, matériaux de construction ; tout ce qui est nécessaire à la vie de la plus grande cité du monde occidental.

Sans Ostie, Rome mourrait d'asphyxie...

Les flottes romaines sont aussi présentes dans la mer Noire (où elles vont chercher le blé de Scythie (au nord de la Mer Noire, dans l’actuelle Ukraine) et le bois) et dans la mer du Nord, où le trafic de la laine et du minerai est actif.

Les navires sont en pin, en chêne ou en cèdre. La coque, calfatée à la filasse, est recouverte de goudron, de cire, de peinture. Les clous sont en bronze. Les plus gros navires, comme les Corbita, ronds et massifs, voguent à la voile. Seuls les navires légers sont mus à la rame.

Les tonneaux, en bois de chêne, cerclés de fer : une invention gauloise. Pour naviguer sur les fleuves, à bord de lourdes barques, le tonneau est beaucoup plus maniable que les fragiles amphores romaines. Tous les fleuves navigables sont ainsi utilisés par des corporations de mariniers.

XXIII - LES VILLES NOUVELLES SE MULTIPLIENT

A la ville comme à la campagne, les créations de routes, de places publiques, de grands domaines, sont d'abord confiées à des arpenteurs : ils ont la mission d'aménager le paysage.

Un ingénieur utilise la groma pour établir le tracé d'un aqueduc. La groma est un instrument d'arpentage composé de 4 branches et pourvu d'un fil à plomb qui permettait de tracer des lignes perpendiculaires à partir d'un point central. Il servait à tracer les axes des routes et à implanter le cadastre général.

Les pays conquis par Rome connaissaient déjà une civilisation urbaine, mais aucune ville n'avait les dimensions gigantesques de Rome.

Les Romains construisent des temples, des thermes et des théâtres tout autour de la Méditerranée. Dans l'Europe du Nord-Ouest, ils transforment profondément le vieil habitat gaulois. Les capitales du pays, les oppida (singulier oppidum), étaient des places fortes aux remparts grossiers, situées le plus souvent sur une hauteur. Dans les environs, les Romains bâtissent de vraies villes, avec des monuments en pierre, des portes imposantes, des remparts et de belles maisons.

Les notables désertent les campagnes, où ils possèdent pourtant d'immenses domaines, pour habiter ces cités toutes neuves où la vie sociale devient brillante. Elles sont en même temps des entrepôts actifs, où convergent les produits de la province, souvent exportés vers Rome.

Depuis Auguste, des villes sont créées de toutes pièces dans les campagnes (Autun en Gaule, Turin en Italie ou chez nous, Cemenelum (Cimiez) datent de cette époque), pour les vétérans des légions : deux ou trois mille hommes constituent, avec leur famille, le peuplement d'origine. On leur donne des terres, on les aide à construire leurs habitations, on installe les infrastructures indispensables. Les villes nouvelles se multiplient aussi en Afrique. Timgad, par exemple, fondée par Trajan en Algérie, pouvait accueillir 125 blocs d'habitations.

Villes de garnison, vieilles métropoles ou ports maritimes, les villes de la paix romaine abritent une société calquée sur celle de Rome. Les riches tiennent les municipalités. Ils dominent la vie économique et procurent du travail à une main d'œuvre qui vient souvent des campagnes.

Le soir, sur le Forum, la plèbe de Volubilis (au Maroc, près de Mekhnès) ou d'Éphèse (dans l’actuelle Turquie sur la mer Égée), de Lyon ou de Leptis Magna (près de Tripoli en Libye), rappelle, à s'y méprendre, celle de Rome : oisive, affamée, colorée et avide de distractions.

Les théâtres se multiplient dans toutes les grandes villes de l'Empire. Les représentations exigent une longue préparation : il faut construire les décors, répéter la pièce, etc. Pour protéger les spectateurs du soleil, on tend un gigantesque velum. Ce travail est souvent confié à des marins.

Des villes gauloises portent le nom de l'empereur Auguste : le sceau de l'empereur marque à son effigie les villes des provinces lointaines. Telles sont, en Gaule :

- Augusta Ausciorum : Auch

- Aquae Augustae : Dax

- Augustodunum : Autun

- Augustoritum : Limoges

- Augustonemetum : Clermont.

 

C'est l'hiver sur le Rhin, le long du limes (prononcé limesse), construit par les Romains.

Le limes est le nom du système de fortification établi tout au long des frontières de l'Empire entre ce dernier et le monde barbare. (Rappel : Les barbares sont des peuples ne parlant ni grec, ni latin). Il a deux buts : défensif et douanier. Des limes plus ou moins élaborés ont ainsi été établis sur la plupart des frontières de l'Empire. Les plus célèbres sont ceux construits dans le nord de la province de Bretagne (actuelle île de Grande-Bretagne) : les murs d'Hadrien, d'Antonin et de Septime Sévère. Le plus grand était établi le long du Rhin et du Danube, par une succession de tours de guet, de castella (fortins), de places fortes reliées par un réseau très dense de voies romaines. Un limes de ce type, mais moins profond et moins dense, était aussi construit en Afrique du Nord.

Les légionnaires ont bâti de véritables villes de garnison, avec des maisons tout en bois, appelés cannabae. Ils ne viennent pas d'Italie, car l'armée recrute de plus en plus sur place ; en Gaule et même en Germanie.

XXIV - TOGES, TUNIQUES ET SANDALES

Les Romains ne connaissent pas les vêtements de dessous tels que nous les concevons : slip, caleçons, chaussettes, tee-shirt, soutiens-gorge... Le seul vêtement de dessous porté par les deux sexes est une tunique qui descend au-dessous du genou pour les hommes, sur les chevilles pour les femmes. A une époque ancienne, sous la République, les hommes ne portaient qu'un pagne sous la toge.

La toge, qui semble être d'origine étrusque, a été le seul vêtement des anciens Romains. Celle des magistrats et celle des enfants sont bordées d'une bande pourpre. Cette robe blanche, dite prétexte, est portée par les adolescents jusqu'à seize ans, après quoi ils prennent la toge virile, toute blanche. Sous l'Empire, elle est de plus en plus abandonnée pour ne plus être revêtue qu'au cours de certaines cérémonies ou au Sénat. On met alors, au-dessus de la tunique, un manteau plus léger, drapé, le pallium.

La tunique elle-même devient le vêtement de dessus qu'on enfile sur une autre tunique d'intérieur dont l'un des noms est camisia, d'où vient notre mot « chemise » (et aussi « camisole »). La tunique peut être pourvue de manches cousues. Avec les influences étrangères, et en particulier gauloises, on adopte aussi des pantalons étroits, les braies, un épais manteau de pluie à capuchon, la paenula, ou un autre genre de manteau, la caracalla.

Les femmes portent aussi la tunique longue au-dessus d'une robe serrée à la taille, la stola. Elles mettent, pour sortir, une sorte de manteau drapé, la palla.

Ci-contre, drapé de la toge : bras droit libre, bras gauche couvert

Les Romains ne portent guère de chapeaux, mais les femmes utilisent un éventail en forme de pique et parfois l'ombrelle.

Comment se draper avec une toge ? Tout d'abord simple couverture, la toge s'agrandit jusqu'à atteindre un diamètre de 6 mètres : elle ne peut être alors drapée qu'avec l'aide de quelqu'un.

Comment se draper avec une toge ?

Coiffures, vêtements et chaussures

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