LES MYTHOLOGIES GRECQUE ET LATINE

 

La mythologie grecque présente plusieurs aspects : système d'explication du monde, elle fait intervenir l'épopée, où les héros, intermédiaires entre les dieux et les hommes, doivent sans cesse affirmer leur valeur ; liée à l'Histoire, elle permet aux Grecs d'expliquer l'origine de leurs cités. La mythologie romaine, elle, emprunte ses conceptions religieuses et culturelles à tous les pays du Bassin méditerranéen, et unit son destin à celui de l'État.

Les grandes religions contemporaines prétendent à l'universalité, valables pour des peuples de cultures différentes. En Grèce au contraire, comme chez de nombreux peuples antiques et polythéistes, la religion est liée à l'histoire et consubstantielle à la culture.

Pour les Grecs de l'Antiquité, religion et mythologie étaient intimement liées. C'est d'ailleurs surtout par les mythes, tels que nous les rapportent Homère et les auteurs classiques, que la religion grecque nous est connue. Les dieux du panthéon grec, empruntés pour la plupart aux cultures des peuples conquis par les Grecs, ont une forme humaine et des personnalités très marquées, mais beaucoup nous sont mieux connus aujourd’hui sous le nom que leur ont donné les Romains : Jupiter et Zeus, par exemple, ou Mars et Arès, Vénus et Aphrodite. Entre le moment de ses origines, en dehors de la Grèce, et jusqu'à la rencontre avec le christianisme, l'histoire de la religion grecque couvre une période d'environ deux mille ans.

 

I – LA MYTHOLOGIE GRECQUE

Les textes qui nous en rapportent les récits, souvent mal raccordés, comportent un grand nombre de variantes, exprimant parfois des vérités différentes, assimilant des éléments populaires, folkloriques ou géographiques. Les sources sont très diverses, des poèmes d’Homère aux œuvres d'Hésiode (VIIIe siècle av. J.-C.) et de Pindare (Ve siècle av. J.-C.). Les tragédies d'Eschyle, de Sophocle et d'Euripide les reprennent, suivies par les dialogues de Platon, qui met en scène Socrate tentant de convaincre ses disciples en invoquant les mythes. Les historiens ne seront pas en reste, comme en témoignent, entre autres, Hérodote, Strabon, Plutarque ou Pausanias.

 

1°) Cosmogonie et théogonie 

C'est dans le poème d'Hésiode la Théogonie que les origines de l'Univers sont évoquées d'une manière qui devait devenir la tradition la plus courante.

 

2°) Du Chaos à la naissance de Zeus 

Au commencement est le Chaos, une crevasse ténébreuse, vide, indescriptible, d'où émergent Gaia, la Terre, et Éros, l'Amour, « le plus beau des dieux immortels, lui qui affaiblit les membres, dompte en tout dieu et en tout homme l'intelligence et la volonté prudente ». Du Chaos naissent aussi la Nuit d'en haut et Érèbe, l'obscurité des Enfers. Puis Érèbe et la Nuit, s'unissant l'un à l'autre, engendrent le Jour, qui éclaire les mortels, et Éther, la lumière. Quant à Gaia, la Terre, elle enfante Ouranos, le Ciel étoilé, puis les montagnes et Pontos, le flot marin, créature masculine. Elle s'unit ensuite à Ouranos pour donner le jour à douze Titans (six mâles et six femelles, ces dernières étant appelées aussi Titanides), personnages gigantesques, êtres divins mais surtout forces élémentaires, dont Cronos et Rhéa, parents des futurs Olympiens, sont les plus célèbres. Parmi les autres Titans figure Océan, qui entoure le Monde sur lequel flotte la Terre, plate comme un disque. Océan est aussi le père de tous les fleuves. Gaia et Ouranos engendrent encore les Cyclopes, bâtisseurs de murs colossaux, dont les noms évoquent la lueur de l'éclair, le choc de la foudre et le fracas du tonnerre. Enfin, ils mettent au monde les Hécatonchires, monstres aux cent bras et aux cinquante têtes. Mais Ouranos, craignant que l'un de ses fils ne veuille prendre sa place, les contraint tous à demeurer dans les profondeurs de la Terre. Celle-ci, de plus en plus pesante, implore ses enfants de la délivrer et de se venger de leur père. Elle crée une faucille d'acier dont seul Cronos accepte de s'emparer. Et, au moment où le Ciel enveloppe la Terre, il tranche d'un coup les testicules de son père. Le sang de la blessure tombant sur la Terre va engendrer de nouveaux monstres, les Érinyes, déesses ailées aux cheveux entremêlés de serpents, les Géants et les Méliades, nymphes des frênes. Du sperme d’Ouranos, répandu sur les flots en forme d’écume, va naître Aphrodite, déesse de l’amour et de la séduction.

Cronos reste seul à régner sur le monde, car il s'est empressé de plonger ses frères et sœurs dans l'Enfer. Quant aux enfants que lui donne sa femme Rhéa, il les dévore dès leur naissance : ainsi d'Hestia, de Déméter, d'Héra, puis d'Hadès et de Poséidon. Lorsque Zeus est sur le point de naître, Rhéa s'enfuit secrètement vers la Crète, où elle met l'enfant au monde. Et, donnant à une pierre l'aspect d'un nouveau-né, elle la présente à Cronos qui l'avale sans difficulté. Le petit Zeus grandit en buvant le lait de la chèvre Amalthée.

 

3°) Zeus, maître de l'Olympe 

Parvenu à l'âge adulte, Zeus fait absorber à Cronos une drogue émétique[1] qui lui fait restituer ses enfants. Puis il délivre les Cyclopes et les Hécatonchires du Tartare – l'Enfer –, et tous s'unissent dans une guerre sans merci, « la Titanomachie », contre Cronos. Cronos et les Titans sont à leur tour jetés dans le Tartare. Mais Gaia, mécontente du sort réservé aux Titans, ses enfants, fait appel aux Géants qui se mettent à brandir des arbres enflammés et d'énormes rochers. Les Olympiens interviennent alors avec leurs propres armes : Zeus saisit la foudre, Athéna l'égide[2] et la lance, Dionysos brandit le thyrse[3]. Héraclès lance ses flèches, et tous concourent à une seconde victoire.

Gaia fait alors une dernière tentative, et, s'unissant au Tartare, met au monde Typhon, un monstre plus imposant que les Géants, dont la tête touche les étoiles et qui possède à la place des doigts cent têtes de dragon. Les épisodes du combat se déroulent dans le monde entier jusqu'au moment où Zeus, à l'aide du tonnerre et de la foudre, écrase son adversaire sous l'Etna, en Sicile. Désormais, l'autorité de Zeus est assurée et les Olympiens peuvent se partager le pouvoir.

 

4°) La création des hommes 

Selon les deux versions les plus courantes, la création de l'homme est attribuée soit aux dieux, soit à Prométhée, un des fils du Titan Japet, qui, avec de l'argile, façonne la race humaine

 

5°) Prométhée

La légende de Prométhée nous est rapportée par Hésiode dans Les Travaux et les jours et dans La Théogonie. Elle inspira à Eschyle une trilogie, Prométhée enchaîné, La Délivrance de Prométhée, et Prométhée porte feu. Seule la première pièce nous est parvenue en entier.

Prométhée - étymologiquement celui qui réfléchit à l'avance, le prévoyant - est le fils du Titan Japet et le frère d'Epiméthée (celui qui comprend après coup).

Prométhée, le rusé, entreprend à deux reprises de tromper les dieux. Afin de décider quelle sera la nourriture des dieux et celle des hommes, il sacrifie un bœuf qu'il partage en deux parts inégales : d'un côté, il place la chair et les entrailles, cachées sous la peau peu appétissante de l'animal, de l'autre, les os, recouverts d'une épaisse couche de graisse de belle apparence. Puis il demande à son cousin Zeus de choisir sa part. Celui-ci se laisse tenter par la graisse blanche, mais quand il s'aperçoit qu'elle ne recouvre que des os, il est pris d'une fureur terrible contre Prométhée et les mortels. Pour les punir, il leur refuse le feu leur permettant de cuire la chair savoureuse qui leur a été attribuée. Prométhée monte alors au ciel et dérobe aux dieux des semences de feu qu'il cache dans une tige de fenouil. Cette fois, la vengeance de Zeus sera à la mesure de la faute commise : Prométhée sera enchaîné au sommet du Caucase où chaque jour un aigle viendra lui dévorer le foie, toujours renaissant. Le supplice aurait été sans fin si Héraclès n'avait abattu l'aigle et délivré Prométhée de ses liens. Zeus, heureux de l'exploit de son fils, laissa Prométhée en liberté à condition qu'il porte une bague composée d'un bout de ses chaînes et d'un morceau du rocher sur lequel il était enchaîné afin de lui rappeler sa punition. Puis, le centaure Chiron qui avait été blessé par Héraclès et qui souffrait sans pouvoir guérir, donna son immortalité à Prométhée afin de pouvoir mourir et mettre fin à ses propres souffrances.

Par son nom, « le prévoyant », Prométhée désigne le technicien, celui qui sait anticiper les effets attendus d'une action artificielle sur un phénomène naturel, grâce à sa connaissance du fonctionnement de la nature. Prométhée révèle aux hommes le secret du feu, mais aussi l'art de travailler le bois et le métal, l'écriture, la domestication des animaux, etc., des secrets qu'il a volés aux dieux. Il représente dans la mythologie grecque le bienfaiteur qui donne aux hommes un nouveau pouvoir sur la nature, mais qui s'en trouve puni. Il libère les hommes de leur ignorance en leur révélant les secrets divins, mais il provoque la colère de Zeus. Il incarne la lutte de l'intelligence et de la ruse contre la force et la violence.

 

6°) Pandore

Puis Zeus entreprend d'inventer un « beau mal [...], terrible fléau installé au milieu des hommes mortels », selon Hésiode. Il demande à Héphaïstos de créer un être inconnu, une femme – la première –, que les dieux orneront chacun d'une qualité (sauf Hermès qui lui fait présent du mensonge), et qui reçoit pour nom Pandore, « don de tous les dieux ». Zeus l'offre à Épiméthée, frère de Prométhée, à qui celui-ci a demandé de n'accepter aucun cadeau de Zeus. Mais Épiméthée, dont le nom signifie « qui a réfléchi trop tard », ne peut résister à l'attrait de Pandore. Celle-ci, dévorée de curiosité pour une jarre mystérieuse qui doit rester fermée, soulève le couvercle, laissant échapper tous les maux dont souffre depuis l'humanité. Ne demeure au fond de la jarre que l'espérance, la seule consolation (illusoire ?) accordée aux humains. 

 

7°) Un déluge de neuf jours et neuf nuits 

Une génération plus tard, la Terre est peuplée d'hommes, race de bronze, qui délaissent les dieux et pratiquent la guerre. Zeus décide alors de les exterminer et déchaîne un déluge, qui épargnera seulement deux justes, Deucalion, fils de Prométhée, et Pyrrha, fille d'Épiméthée et de Pandore. Il pleut pendant neuf jours et neuf nuits : de la Terre noyée n'émerge que le mont Parnasse. Lorsque Zeus ordonne aux eaux de se retirer, Deucalion et Pyrrha sont seuls dans leur barque sur la terre déserte. Une voix se manifeste, leur ordonnant de jeter par-dessus leurs épaules les os de leurs mères. D'abord effrayés par une telle impiété, ils comprennent qu'il s'agit de pierres, les os de la Terre, mère universelle. Les pierres que lance Deucalion deviennent des hommes, celles jetées par Pyrrha des femmes. La Terre est ainsi repeuplée par les ancêtres des peuples grecs, les races dorienne et éolienne, les Achéens et les Ioniens, la mythologie rejoignant l'histoire. Les Olympiens peuvent enfin régner sur le monde.

 

8°) Le cycle des Olympiens 

Lorsque les Olympiens succèdent aux Titans, trois d'entre eux se partagent l'univers après tirage au sort. Zeus obtient le ciel, Poséidon la mer, et Hadès le monde souterrain. Ils séjournent sur l'Olympe, gardé par les Saisons, où ils connaissent une félicité parfaite, alternant banquets et assemblées, se gorgeant de nectar et d'ambroisie au son de la lyre d'Apollon.

 

9°) Zeus

Dans l'Olympe, Zeus est le dieu souverain, « Père des dieux et des hommes ». Dans son nom, on retrouve une racine indo-européenne signifiant « le jour ». Son domaine de compétence est le ciel et le temps, d'où il tire son arme particulière, la foudre. Doté de pouvoirs magiques, il préside aux manifestations célestes, provoque la pluie, lance la foudre et les éclairs, mais ses fonctions s'étendent aussi à l'ensemble des domaines de la vie humaine : il maintient l'ordre et la justice dans le monde, et garantit les serments. Cette dimension éthique est très apparente dans les pièces d'Eschyle. Introduit par les envahisseurs grecs, Zeus a absorbé aussi la divinité masculine minoenne. Les mythes de son enfance se rapportent à des rituels crétois et minoens.

Zeus a pour épouse sa sœur Héra, déesse du mariage et des femmes, et dont l'évolution à partir de la déesse de la terre minoenne apparaît clairement dans le mariage sacré que décrit l'Iliade (livre XIV, vers 346-351). Mais la mythologie lui attribue de nombreuses autres unions[4], au cours desquelles il adopte souvent des formes animales ; la manière impie dont ces unions adultérines sont traitées dans la littérature grecque ne retire rien à son autorité ni à sa dignité fondamentale.

 

10°) Poséidon, Hadès et Hestia

- Poséidon est un dieu grec chthonien[5], sans doute originellement lié à la fertilité de la terre, dont la nature change avec l'établissement des Grecs à proximité de la mer. Dès lors, il devient le dieu de l'océan et règne sur les eaux. Dieu de la mer, il reste cependant celui des tremblements de terre, il commande les tempêtes, mais il ébranle les rochers et fait jaillir les sources. Il peut aussi susciter des monstres marins qui émergent des eaux. Il est également associé aux chevaux. Il s'est trouvé impliqué dans une querelle avec Athéna pour la possession d'Athènes : d'un coup de son trident, il avait fait jaillir une source mais celle-ci était salée, et c'est donc Athéna, qui avait planté un olivier, qui l'emporta. De rage, Poséidon avait inondé la plaine voisine.

- Hadès, pour sa part, en tant que dieu du monde souterrain, conserve un caractère essentiellement chthonien : il est le maître du royaume des morts, mais aussi des richesses du sous-sol. Son nom signifie « l'Invisible », et aucun autel ne lui est dédié. C'est un maître impitoyable qui ne permet à aucun de ses sujets de revenir parmi les vivants. On le désigne par l'euphémisme « Pluton », c’est-à-dire « le Riche », car les Grecs craignent, en prononçant son vrai nom « Hadès », d'exciter sa colère et cette appellation souligne aussi l'aspect bienfaisant du dieu souterrain, duquel dépendait la richesse agricole. Cette double préoccupation de la religion chthonienne grecque pour les morts et pour la fécondité de la terre, est illustrée par le mythe de Déméter, dont la fille, Korê (« la Jeune Fille »), est enlevée par Hadès et conduite dans le monde souterrain, où elle devient la reine des morts sous le nom de Perséphone. Elle est toutefois libérée au printemps pour les deux tiers de l'année ; Déméter, heureuse de la retrouver, envoie alors d'abondantes récoltes.

- Hestia, la dernière des six enfants de Cronos, est d'origine grecque, comme le montre la place que lui accordent les Mycéniens dans le mégaron (grande salle) de leurs palais. Peu personnalisée, elle est souvent remplacée par Dionysos parmi les douze divinités olympiennes. Elle est la déesse du foyer, devant lequel tout enfant nouveau-né doit être déposé avant d'être admis dans sa famille.

 

11°) Héra

Épouse légitime de Zeus, le souverain des dieux, elle est la protectrice des femmes mariées. Jalouse, violente et vindicative[6], elle s'en prend aux femmes que Zeus courtise, allant jusqu'à poursuivre de sa haine les enfants nés de ces unions ; Héraclès, fils de Zeus et d'Alcmène, la femme d'Amphitryon, notamment, sera l'objet de son courroux : dans son berceau, il étouffa deux serpents qu'Héra avait chargés de le dévorer. 

 

12°) Athéna, Artémis et Hermès

Citons aussi les dieux « anciens » - Athéna, Artémis et Hermès -, qui remontent à la religion minoenne, et le groupe des « jeunes » - Arès, Aphrodite, Héphaïstos, Apollon et Dionysos -, issus des régions non grecques du nord et de l'est.

- Athéna, qui fut une déesse-serpent crétoise, devient une déesse guerrière mycénienne. Protectrice de héros comme Ulysse, elle est également patronne des villes. Chez Homère, elle habite le palais d'Érechthée, dieu d'Athènes. Plus tard, sa principale fonction sera celle d'Athéna Polias, protectrice de la cité. Née sur les bords du lac Tritonis, en Libye, fille de Métis (la Sagesse) et sortie toute armée de la tête de son père Zeus, Athéna préside en outre aux arts et à la littérature, à la paix et à la raison.

- Artémis, la déesse homérique des animaux sauvages et de la chasse, renvoie à la maîtresse des animaux minoenne, mais, dans la mythologie classique, elle est vierge, comme Athéna, alors que la déesse minoenne avait un époux. L'Artémis d'Éphèse possédait plusieurs mamelles, mais les Grecs transforment cette figure ancienne et grotesque en une « reine et chasseresse, chaste et belle », qui connaîtra un grand succès dans l'art et la littérature occidentale. Elle est associée à la vie des femmes, et en particulier à la naissance, ainsi qu'à la lune. Fille de Zeus et de Léto, sœur jumelle – ou aînée -  d'Apollon, elle se plaît seulement à la chasse, poursuivant de ses flèches les animaux, sans oublier les humains, auxquels elle inflige une mort douce.

- Fils de Zeus et de Maïa, Hermès naît en Arcadie, où il était connu avant l'arrivée des Grecs. Son nom vient probablement du grec herma (« tas de pierres »), qui indique une origine minoenne. Faisant preuve d'une grande précocité, il débute comme dieu des Voleurs, le jour de sa naissance, en dérobant à son frère Apollon les troupeaux dont celui-ci avait la garde. Zeus lui ordonne de les rendre, mais Apollon les abandonne à Hermès en échange de la lyre qu'il vient de fabriquer avec la carapace d'une tortue et les intestins d'un bœuf en guise de cordes. Messager des dieux, Hermès porte des sandales ailées qui lui permettent de se déplacer dans les airs. Compagnon et guide des voyageurs en ce bas monde, il reçoit aussi de Zeus la mission d'accompagner aux Enfers les âmes des morts ; il veille aussi sur les marchands et (sous son aspect immoral) sur les menteurs.

 

13°) Apollon

Apollon - vénéré notamment dans les centres panhelléniques de Delphes et de Délos - est le plus hellénique des dieux, même si son nom n'est pas grec et que les mythes qui l'entourent renvoient à l'Asie Mineure et, avant cela, au nord de l'Asie. Fils de Zeus et de Léto, il naît sur l'île de Délos. Des cygnes sacrés l'emmènent dans le pays des Hyperboréens, où le soleil ne se couche jamais et où le bonheur règne. Puis il se rend à Delphes, où il vient à bout du protecteur d'un vieil oracle, le serpent Python, qui ravage la région. Apollon s'empare de l'oracle et installe dans son antre la Pythie, qui transmet les réponses du dieu aux hommes. Apollon a des pouvoirs divinatoires, et les hommes d'État grecs consultent son oracle à Delphes avant de prendre des décisions importantes. Le caractère extatique des prophéties rendues par la Pythie, le révèle sous un aspect non rationnel, non grec. Son arrivée tardive parmi les Grecs est illustrée en outre par le fait qu'il est le quatrième oracle à prendre possession de Delphes. En dehors de ses fonctions de devin, Apollon purifie les homicides, comme le montre le mythe d'Oreste[7], traité notamment par Eschyle dans les Euménides. Enfin, la légende de Hyacinthe[8], à Amyclées, montre clairement qu'Apollon a supplanté un dieu plus ancien : Hyacinthe, en effet (en grec Huakinthos la terminaison en -nthos est pré-grecque), était un dieu local de la fertilité qui est devenu l'amant (et la victime accidentelle) du nouveau dieu.

Illustrant aussi l'idéal grec de la modération - le temple de Delphes portait la devise médên agan (« rien de trop ») - Apollon veille sur ces activités civilisées que sont la musique et la poésie, et dirige le chœur des Muses. En tant que Phoibos (« celui qui brille »), il est associé au soleil. Dieu de la Lumière, il est aussi celui de la Vérité. C'est enfin une divinité guérisseuse, puisqu'il a été le premier à apprendre aux hommes l'art de la médecine.

L'art le représente sous la forme d'un jeune homme dans sa prime jeunesse, incarnant l'idéal masculin, soit sous ses aspects virils et forts, comme à Olympie (470 av. J.-C.), soit sous un aspect plus sentimentalisé, comme dans la sculpture du IVe  siècle.

 

14°) Arès

Dieu de la Guerre, Arès est d'origine thrace. Il est le fils de Zeus et d'Héra, qui tous deux, d'après Homère, le détestaient. Le poète le dépeint sous un jour peu sympathique : meurtrier, assoiffé du sang des mortels, mais lâche cependant, et trompé parfois par d'autres dieux ou des héros. Il fait l'objet de peu de mythes, et son culte est beaucoup moins répandu que celui de son équivalent romain, le dieu Mars.

 

15°) Aphrodite

Aphrodite est à l'origine une déesse-mère asiatique. Le culte qui lui est voué à Paphos (Chypre) n'est pas grec au départ et, dans son mythe, l'épisode d'Adonis est une version de la légende syrienne de Tammouz. D'après Hésiode, elle est née de la semence immortelle d'Ouranos, dont les organes sexuels tranchés par Cronos sont tombés dans la mer (le terme grec aphros signifie « écume ») ; chez Homère, elle est la fille de Zeus et de Dioné. Portée par Zéphyr à Cythère puis à Chypre, elle est parée et couronnée d'or par les Heures, qui la transportent ensuite sur l'Olympe. Déesse de la beauté aux amours multiples (elle trompe son mari Héphaïstos, notamment avec Arès), elle personnifie la beauté radieuse et la séduction irrésistible. Elle joua aussi un rôle majeur dans la guerre de Troie, puisqu'elle promit à Pâris, qui la désigna comme la plus belle des trois déesses présentes, l'amour d'Hélène. Les légendes qui l'associent à l'amour romantique et, en particulier, à Éros (ici l'équivalent de Cupidon) sont tardives et obscurcissent sa nature primitive.

 

16°) Héphaïstos

Héphaïstos, dieu du feu auquel il commande sous ses aspects créatifs, est un dieu qui vient d'Asie Mineure. Le centre de son culte était l'île volcanique de Lemnos. Dieu très populaire, maître des arts de la forge et du travail des métaux, les volcans sont ses ateliers. C'est l'artisan divin par excellence, toujours prêt à réaliser quelque commande extraordinaire, bouclier, arme, chaîne… Dans la mythologie, il est le mari boiteux d'Aphrodite. Il doit son infirmité à une dispute entre Zeus et Héra, au cours de laquelle il avait pris le parti de sa mère ; pour le punir, son père l'avait précipité du haut de l'Olympe. 

 

17°) Déméter

Déesse de la Terre cultivée, elle est étroitement associée à sa fille Perséphone, conçue avec Zeus et enlevée par Hadès, qui l'a entraînée aux Enfers. Déméter, à la recherche de sa fille, empêche les arbres de pousser, rendant peu à peu la terre stérile. Zeus décide d'envoyer Hermès aux Enfers chercher Perséphone, mais celle-ci a goûté la nourriture des morts : elle est donc liée définitivement au monde infernal. Un compromis est finalement trouvé : Perséphone partagera son temps entre Déméter et les Enfers, d'où elle remontera à l'arrivée du printemps. Des mystères étaient consacrés à Déméter, notamment à Éleusis

 

18°) Dionysos

Fils de Zeus et de Sémélé, Dionysos est le dernier des dieux à être entré dans l'Olympe. Sa mère Sémélé, une princesse thébaine (mais, à l'origine, une déesse phrygienne de la terre), traîtreusement inspirée par Héra, dévorée de jalousie, a demandé à Zeus de se révéler à elle dans toute sa splendeur. Zeus sait qu'aucun mortel ne peut supporter l'éclat de sa divinité, mais il est prisonnier du serment qu'il a fait à Sémélé. Celle-ci meurt foudroyée. Mais Zeus a le temps de lui arracher son enfant près de naître. Il le porte dans sa cuisse jusqu'à sa naissance. Dans sa petite enfance, Dionysos sera, comme Zeus, recueilli par des nourrices. Euripide, dont les Bacchantes constitue notre principale source de renseignement sur le mythe et les rituels dionysiaques, situe l'enfance du dieu en Crète, et fait danser autour de lui les jeunes gens. L'élément « Dio- » de son nom correspond au nom phrygien de Zeus ; il n'est donc pas étonnant que Dionysos ait été identifié au Zeus des Crétois.

À l'âge adulte, découvrant la vigne et le vin, Dionysos est frappé de folie par Héra et se met à errer de part le monde, de la Perse à l'Asie, en passant par la Phrygie. Délivré de sa folie par Cybèle, il aborde en Thrace, d'où son culte mystique, souvent accompagné d'orgies, se propage rapidement à travers toute la Grèce.

Dionysos est surtout associé aux cultes extatiques et orgiastiques, et aux manifestations de la folie. Venu du nord, il est pourtant le dieu de la vigne et du vin, et son culte entraîne les fidèles à perdre leurs esprits dans la nature même du dieu. La « démence » qui le caractérise souvent ressort clairement chaque fois que l'on cherche à s'opposer à lui, comme dans le mythe de Penthée[9] et d'Agavé, où la possession divine conduit une mère à tuer son fils. Cependant, les Grecs vont rationaliser et apprivoiser Dionysos, au point de l'associer à Apollon à Delphes, tandis qu'à Athènes, de grands festivals de théâtre se tiennent en son honneur dans le cadre des Grandes Dionysies. Les Dionysies rurales, plus primitives, l'honorent sous la forme d'un dieu de la fertilité.

Les mythes de Dionysos montrent la nature débridée de son culte, avec ses cortèges de fidèles (notamment des femmes, appelées Bacchantes ou Ménades), qui dansent jusqu'à atteindre l'extase mystique. Les attributs du dieu sont le thyrse (bâton entouré de lierre et de pampre) et la nébride (peau de faon), et les satyres qui l'accompagnent, mi-hommes mi-animaux, rappellent les danseurs minoens vêtus de peaux. L'extase et l'union avec le dieu offraient certainement un espoir d'immortalité, mais ce caractère n'apparaît pas chez Homère ni chez Euripide, car, à cette époque encore, la ligne de démarcation entre les dieux et les mortels était nettement établie. Cependant, le culte dionysiaque est bien d'ordre mystique, car il conduit à « l'enthousiasme », c’est-à-dire à la possession par le dieu. Dionysos sera associé plus tard aux doctrines de l'orphisme. 

 

19°) Les divinités mineures 

Le panthéon des grands dieux de la Grèce classique comprend quatorze divinités. Les douze divinités de l'Olympe[10] constituent la famille des dieux homériques ; Hadès n'y figure pas à l’origine, et Dionysos y remplace souvent Hestia. Mais il existe un grand nombre de dieux mineurs et d'autres divinités auxquels des cultes sont rendus, parmi lesquels Pan[11], le dieu pastoral mi-animal de l'Arcadie, et des divinités étrangères comme Cybèle[12], la Grande Mère asiatique.

Les héros locaux ont leurs légendes et leurs cultes ; parmi eux les plus célèbres sont peut-être Héraclès et Asclépios. Le premier est le seul être de la mythologie grecque à passer de l'état de mortel à celui d'immortel. Homère, qui y voit un paradoxe, place le fantôme d'Héraclès dans le monde souterrain, tandis qu'Héraclès lui-même festoie au milieu des dieux immortels ; Pindare l'appelle le dieu-héros. Asclépios[13], dieu de la médecine et fils d'Apollon, était vénéré à Épidaure, mais son association avec le serpent (son emblème), l'épisode de sa mort et la localisation de son culte révèlent sa véritable nature chthonienne.

Certaines divinités de groupe correspondent essentiellement à des concepts abstraits : c'est le cas des trois Moires : les trois sœurs, Clotho, Lachésis et Atropos, qui président à la naissance, à la vie et à la mort des humains (les Parques des Romains), des trois Érinyes[14] (les Furies romaines), les déesses de la Vengeance : Alecto, Tisiphoné et Mégère qui châtiaient sans pitié toute transgression des lois morales et des neuf Muses[15]. D'autres sont plus concrètes, telles les nymphes : belles jeunes femmes divines mais pas toujours immortelles, elles sont dotées de pouvoirs surhumains et, dans les légendes, elles sont les épouses d'innombrables dieux et héros. Souvent associées à des éléments naturels, elles sont omniprésentes, comme la nature elle-même. Elles se distribuaient en plusieurs catégories : les nymphes des bois et plus précisément des frênes (Méliades), des sources et des cours d'eau (Naïades), de la mer calme (Néréides), des montagnes (Oréades), etc. Elles interviennent souvent dans la religion des humbles paysans.

 

20°) L'univers identique des dieux et des hommes 

Homère organise les dieux en une société où, comme le font les rois chez les hommes, Zeus se targue de son droit d'aînesse, mais aussi de sa force, pour dominer l'Olympe. À la fin du VIIIe siècle, Hésiode explique dans la Théogonie comment tous ces dieux naquirent de Gaia, la Terre, par générations successives. Ils ne sont pas extérieurs au monde qu'ils ont créé, mais constituent les forces mêmes de leur Univers et à leur mise au monde correspond la naissance des choses visibles.

La conquête du pouvoir par Zeus accompagne ainsi l'avènement de l'ordre au sein des forces jusque-là chaotiques de la nature.

Les Grecs ont donc les mêmes dieux, et nombre de leurs sanctuaires sont dits panhelléniques puisque, quelle que soit leur origine, ils s'y réunissent pour des fêtes ou des « jeux » (Délos, Olympie, Delphes, Némée) ou autour d'un oracle (Delphes, Dodone).

 

21°) Une multitude de dieux 

Il serait faux, pourtant, d'en conclure à une uniformisation de la religion : l'Apollon de Delphes et celui de Délos sont très différents l'un de l'autre, et l'Artémis « aux nombreuses mamelles » d'Éphèse (en Ionie, sur l’actuelle côte turque de l’Ancienne Asie Mineure) cède la place, en Grèce propre, à la « Maîtresse des animaux » et à la divinité qui veille jalousement sur les jeunes des deux sexes. Artémis Eileithyia, quant à elle, se spécialise dans la protection des femmes en couches, et il existe bien d'autres versions locales de cette divinité particulièrement efficace. Chaque dieu peut, comme elle, changer de visage et surtout de fonction.

La religion grecque manifeste une étonnante disposition à l'accueil. Après les grandes divinités orientales qu'Homère, déjà, intégrait à la famille olympienne (telle Aphrodite, transposition de l'Astarté des Phéniciens), c'est Hécate[16], une autre grande « mère » asiatique, et la Phrygienne Cybèle qui sont adoptées dès la religion archaïque. Plus tard s'installeront, à travers une religion de plus en plus syncrétiste[17], Adonis[18], Attis[19] et Sabazios[20], la Bendis[21] thrace et Isis[22], sans parler de tous les dieux étrangers qui afflueront avec la conquête de l'Orient par Alexandre.

Cette religion polythéiste puissamment anthropomorphisée nourrit l'imaginaire grec de mythes dans lesquels les dieux, comme les hommes, se querellent ou festoient, s'aiment ou se font la guerre. Ces mythes aident les Grecs à se situer dans l'univers.

 

22°) Sacré et profane  

Sacré et profane semblent se confondre : nombre de prêtrises sont des fonctions civiques, comme le sont les autres magistratures, lesquelles, en revanche, comportent des aspects religieux ; toute réunion de l'assemblée ou du conseil s'ouvre par un sacrifice. À Athènes, les représentations théâtrales organisées par la cité sont aussi des célébrations religieuses.

Processions, danses, concours gymniques, musicaux ou poétiques, le culte prend des formes variées et les fêtes sont nombreuses tout au long de l'année.

Tout cérémonie comprend le sacrifice sanglant[23], moyen par excellence de rétablir – ainsi l'explique Hésiode – la commensalité[24] avec les dieux, rompue par la double faute de Prométhée : le partage inégal du bœuf et le vol du feu.

 

23°) Communication entre hommes et dieux 

Les dieux et les hommes se nourrissent à la même source : fumées des graisses et des os brûlant sur l'autel pour les uns, chairs partagées et mangées en commun lors du banquet sacrificiel pour les autres. Cuisine ritualisée (le même terme de mageiros désigne le boucher et le sacrificateur), imbrication étroite, une fois de plus, du religieux et des pratiques alimentaires. Telles sont les normes de la vie en cité que rejettent, il est vrai, tant les pythagoriciens, qui refusent tout régime carné, que les sectes dionysiaques, qui avec leurs orgies et leurs scènes d'omophagie (où l'on mange la chair crue) se situent du côté du monde sauvage ignorant de la cuisson des aliments.

 

24°) Les cycles héroïques 

Si les légendes concernant les divinités sont dans l'ensemble assez décousues, il n'en est pas de même pour les cycles héroïques, qui présentent une certaine cohérence. Quatre cycles majeurs ont inspiré poètes et artistes : ceux de Jason, d’Ulysse, d’Héraclès et de Thésée. Ils se rattachent à la civilisation mycénienne, et leur localisation, qui couvre tout le monde grec antique, correspond à des sites archéologiques datés de cette époque : mythologie et histoire sont là étroitement liées

 

25°) Jason et la conquête de la Toison d'or 

Le héros thessalien[25] est le premier à entreprendre un long voyage par mer, précédant Ulysse d'une génération. Son père Aeson a été détrôné par son demi-frère Pélias et a dû s'exiler. Élevé par le centaure Chiron, Jason revient à la cour, chaussé d'une seule sandale. Pélias se souvient alors d'un oracle qui lui recommandait de se tenir à l'écart d'un homme ainsi chaussé. Il déclare à Jason qu'il lui rendra le trône à condition que le jeune homme lui rapporte la Toison d'or, celle d'un bélier ailé sacrifié à Zeus en Colchide. Le voyage s'annonçant très périlleux, Pélias est persuadé que Jason ne reviendra jamais.

Celui-ci rassemble un grand nombre de compagnons et fait construire un navire magique, l'Argo, dont la proue est un chêne de Dodone, doué du pouvoir de prophétiser. Arrivé, après de multiples péripéties, chez le roi Aiétês, en Colchide, Jason lui réclame la Toison d'or. Celui-ci impose alors au héros une série d'épreuves : dompter deux taureaux de bronze, d'une férocité extrême, labourer avec eux un champ et y semer les dents d'un dragon qui feront surgir du sol des guerriers armés. Aidé par la fille d'Aiétês, la magicienne Médée, qui lui a donné un baume le rendant invulnérable, Jason s'acquitte avec succès de ces épreuves et s'empare de la Toison d'or, puis réembarque à bord de l'Argo accompagné de Médée, qu'il abandonnera plus tard.

 

26°) Les aventures d'Ulysse 

L'un des héros les plus connus est Ulysse (en grec Odusseus), dont le retour de Troie a été relaté par Homère dans l'Odyssée. Séparé du reste de la flotte par la tempête, Ulysse arrive en Thrace, au pays des Lotophages, où les habitants se nourrissent d'un fruit qui annihile toute volonté, puis en Sicile, patrie des Cyclopes. Il s'en échappera par la ruse (en crevant l'œil du Cyclope Polyphème), mais il se verra constamment détourné de sa route vers Ithaque par des vents défavorables, suscités par Poséidon, le père du Cyclope. Il atteint ainsi le royaume de la magicienne Circé, qui a pour habitude de transformer en animaux tous les étrangers qui se présentent à sa vue. Une herbe magique fournie par Hermès permet à Ulysse de délivrer ses compagnons du sortilège, mais ils resteront un an chez Circé. Échappant de peu aux chants envoûtants des Sirènes, Ulysse parvient seul chez la nymphe Calypso, qui, à la demande des dieux, le laisse repartir. Il aborde dans l'île des Phéaciens, où le roi lui procure le moyen de retourner à Ithaque. Là, déguisé en mendiant et avec l'aide de son fils, Télémaque, il massacre les prétendants qui convoitaient sa femme, Pénélope, et retrouve son trône.

 

27°) Les exploits d'Héraclès 

Héraclès, le héros plus populaire de toute la mythologie classique, incarne la force physique ; au berceau déjà il est capable d’étouffer deux énormes serpents. Il accomplit des exploits démontrant à la fois sa virilité (en 50 jours il s’unit aux 50 filles du roi Thespios) et sa cruauté : lors d’un accès de folie dont l'avait frappé la jalouse Héra (Zeus son mari avait en effet conçu Héraclès avec Alcmène, femme d'Amphitryon), il tua ses propres enfants en les jetant dans le feu. Pour expier ce meurtre, Héra lui imposa pour maître Eurysthée, qui exigea de lui douze travaux.

La plupart de ces travaux se déroulent dans le Péloponnèse, où il étouffe le lion de Némée, réputé invulnérable (1er travail), coupe les têtes de l'hydre de Lerne, monstre à cent têtes, dont chacune repousse dès qu’on la coupe (2e), ramène vivant le monstrueux sanglier du mont Érymanthe en l'épuisant à courir dans la neige (3e), s'empare de la biche géante de Cérynie qu’il poursuit à la course pendant toute une année (4e), abat les oiseaux du lac Stymphale (5e) et détourne deux fleuves pour nettoyer les écuries d'Augias (6e). Puis le héros voyage : il capture en Crète un taureau de Minos qui avait enlevé Europe et qui ravageait l'île (7e), offre en pâture à des juments cannibales leur propriétaire, le roi Diomède (8e), obtient de la reine des Amazones Hippolyté la ceinture magique qu'elle porte et qui est le symbole de son pouvoir royal (9e), tue Géryon, le géant à trois corps qui régnait sur l'île d'Érythie et ramène son troupeau de bœufs, gardé par Orthros, un chien monstrueux, à Tyrinthe (10e), maîtrise le chien Cerbère, gardien des Enfers (11e) et doit aller cueillir les pommes d'or des Hespérides dans le jardin d’Héra surveillé par un dragon à cent têtes et trois nymphes (12e travail).

Mais les douze travaux ne constituent qu'un des aspects de la légende d'Héraclès, qui comprend nombre d'autres exploits et expéditions : il participe à l'expédition des Argonautes, descend aux Enfers pour rendre Alceste à son mari Admète, délivre Prométhée en tuant l’aigle qui lui rongeait le foie, soutient le ciel sur ses épaules pour soulager Atlas...

Après ces exploits, Héraclès tua le centaure Nessos qui avait tenté de violer sa femme Déjanire. Nessos avait eu le temps d'expliquer à Déjanire qu'elle pourrait confectionner un philtre d'amour avec son sang. Voulant inspirer de l'amour à Héraclès, elle tissa une tunique imprégnée du sang de Nessos. Lorsqu'Héraclès mit ce vêtement, le philtre se transforma en poison ardent. Torturé par les brûlures, il dressa un grand bûcher, s'y jeta et disparut.

Incarnant un idéal de virilité et de ténacité, il reçut l'immortalité que les dieux accordent aux héros

Les travaux d'Héraclès représentent la lutte de l'humanité contre l'animalité, pour venir à bout d'animaux monstrueux, par la force et l'intelligence ; la force n'est un pouvoir que si elle est contrôlée, sinon elle conduit à la folie, la folie du meurtre, la folie de la révolte contre les dieux. Les douze travaux représentent le parcours initiatique d'un homme qui doit apprendre la maîtrise de soi, c'est-à-dire la soumission de sa force physique à la sagesse.

 

28°) Thésée, héros d'Athènes 

Contemporain, selon certaines traditions, d'Héraclès, Thésée représente le héros de l'Attique[26] par excellence. Il appartient à la famille royale d'Athènes et passe ses jeunes années à Trézène, en Argolide, pour échapper aux traîtrises possibles de ses cousins, prétendants au trône. À l'âge de seize ans, il doit prouver sa force en déplaçant un rocher sous lequel se trouvent une épée et des sandales dissimulées par son grand-père Pitthée. Il prend alors la route pour Athènes, infestée de brigands, dont il vient à bout sans difficulté.

Quand il se présente devant son père, Égée, celui-ci, qui est sous la domination de la magicienne Médée, se laisse persuader de tuer ce jeune homme inconnu. Il ne reconnaît son fils, juste à temps, qu'à l'épée qu'il porte. Médée est exilée, et ses cousins, les Pallantides, sont massacrés jusqu'au dernier. Thésée part alors en Crète délivrer l'île du Minotaure, monstre mi-homme mi-taureau enfermé dans le Labyrinthe. Mais au retour, il oublie de hisser la voile blanche qui devait annoncer de loin sa victoire à son père. Égée, de désespoir, se jette dans la mer qui depuis porte son nom, et Thésée devient roi d'Athènes. 

 

29°) Orphée

Le mythe d'Orphée est très ancien et a suscité de multiples variantes. Chargé de symboles complexes, il a inspiré une abondante littérature ésotérique (Virgile, Géorgiques, L. IV). Fils d'Oeagre et de la muse Calliope, Orphée était chanteur, musicien et poète ; il jouait de la lyre et de la cithare. Ses chants étaient si doux qu'ils séduisaient les bêtes fauves, les plantes, les hommes sauvages. Orphée avait pour femme la nymphe Eurydice. Celle-ci marcha un jour sur un serpent qui la piqua, et elle mourut. Inconsolable, Orphée descendit aux Enfers pour y chercher sa femme en séduisant par les accents de sa lyre les monstres et les dieux infernaux.

Hadès et Perséphone consentirent à lui rendre Eurydice à condition qu'en remontant au jour, il ne se retourne pas pour la voir avant d'avoir quitté le royaume des morts. Orphée accepta, mais arrivé tout près de la sortie, il eut un doute, craignant d'avoir été trompé par Perséphone ; pour vérifier qu'Eurydice le suivait bien, il se retourna, mais aussitôt, celle-ci s'évanouit et mourut une seconde fois.

Orphée essaya alors de la reprendre, mais, malgré toutes ses tentatives, il ne réussit plus à plier la volonté des dieux infernaux. Les femmes thraces, jalouses de son amour, le tuèrent, le dépecèrent, et jetèrent son cadavre dans un fleuve qui l'emporta jusqu'à la mer. Les habitants de Lesbos lui construisirent un tombeau. Sa lyre fut emportée au ciel où elle devint une constellation.

Le mythe d'Orphée inspira une spéculation ésotérique, une théologie et un culte des morts dans les mystères d'Eleusis. On peut y voir le rêve impossible du séjour d'un vivant chez les morts. On peut y voir la symbolisation de l'amour plus fort que la mort, qui inspire les poètes et émeut même les dieux. On peut y voir aussi la représentation de la condition humaine entre deux morts : la "petite mort" de l'acte d'amour d'où renaît la vie et la seconde mort, la mort réelle, d'où l'on ne revient plus et par laquelle on disparaît définitivement.

 

30°) Les Atrides

Le récit se trouve dans l'Iliade et l'Odyssée d'Homère. Atrée était fils de Pélops et petit-fils de Tantale. Déjà Tantale, roi de Lydie, avait transgressé les lois en volant aux dieux le nectar et l'ambroisie, et en leur faisant manger la chair de son propre fils Pélops. Ce dernier, ressuscité par les dieux, eut deux fils, Atrée et Thyeste, qui se détestaient et se disputèrent le trône de Mycènes. Atrée, devenu roi par la faveur des dieux, feignit de se réconcilier avec son frère en lui offrant un ragoût, composé en réalité de la chair de trois de ses propres enfants. Son frère Thyeste fut chassé de Mycènes, puis viola sa propre fille Pélopia dont il eut un fils, Egisthe.

Agamemnon était fils d'Atrée et roi d'Argos. Il était marié à Clytemnestre, la sœur d'Hélène. Ils eurent trois filles dont Iphigénie. Lorsque Pâris eut enlevé Hélène, son mari Ménélas vint demander son aide à Agamemnon. Celui-ci rassembla une coalition de chefs grecs et prit la tête des armées contre Troie afin de reprendre Hélène. Pour obtenir des dieux les vents favorables au départ de la flotte, il accepta de sacrifier sa fille Iphigénie. Pendant la guerre qui dura dix ans, Egisthe devint l'amant de sa femme Clytemnestre. Lorsque, de retour de Troie, Agamemnon revint chez lui, Egisthe et Clytemnestre lui tendirent un piège et l'assassinèrent. Oreste, fils d'Agamemnon, vengea son père en tuant à son tour Egisthe et sa propre mère. Il dut se réfugier à Athènes, où, grâce à l'intervention d'Apollon et d'Athéna, il fut acquitté par le tribunal de l'Aréopage.

Comme on le voit par la répétition des mêmes crimes de génération en génération, le mythe des Atrides pose le problème de la violence et de la loi. Habités par la fureur et la démesure (hubris), les héros sont les prisonniers de l'engrenage de la violence qui bouleverse l'ordre naturel des liens familiaux. Eschyle, dans sa trilogie consacrée aux Atrides (Agamemnon, les Choéphores, les Euménides), montre la solution : seule l'intervention des dieux permet de restaurer la loi de la Cité et la mesure.

 

31°) Œdipe

Le récit se trouve notamment chez Sophocle (Œdipe-roi , Œdipe à Colone) : l'oracle de Delphes avait prédit à Laïos et à Jocaste que leur fils Œdipe tuerait son père et épouserait sa mère. Pour éviter ce destin, ils confièrent Œdipe, dès sa naissance, à un serviteur afin qu'il le tue, mais celui­-ci n'en eut pas le courage et se contenta de le remettre à des bergers.

Recueilli par Polybos, le roi de Corinthe, Œdipe grandit sans rien savoir de ses origines. Quand il fut averti à son tour par l'oracle, il s'enfuit de Corinthe pour éviter de tuer celui qu'il croyait être son père. Sur son chemin, il rencontra un homme monté sur un char qui lui refusait le passage. Œdipe le tua, ignorant que c'était son vrai père Laïos.

Arrivé aux portes de Thèbes, il dut affronter le Sphinx qui dévorait ceux qui ne pouvaient résoudre son énigme : « Quel est l'animal qui marche sur quatre pattes le matin, sur deux pattes à midi, et sur trois pattes le soir ? ». « C'est l'homme », répondit Œdipe. Le monstre vaincu se précipita alors du haut d'un rocher. Considéré comme un libérateur par les thébains, Œdipe fut choisi pour être le nouveau roi et épousa Jocaste dont il eut quatre enfants : Etéocle, Polynice, Antigone et Ismène.

Plus tard, la peste ravagea la ville. L'oracle interrogé sur ce qu'il fallait faire annonça qu'on devait venger le meurtre de Laïos. Œdipe s'engagea à mener l'enquête. Lorsque la vérité fut révélée, Jocaste se pendit et Œdipe se creva les yeux. Chassé par ses fils, il finit sa vie dans l'errance, guidé par Antigone, et meurt à Colone, en Attique.

Le mythe d'Œdipe fut commenté d'innombrables fois. Il présente la condition tragique de l'homme (« c'est l'homme », répondit Œdipe...) : sachant qu'un destin l'attend, mais ignorant tout de son accomplissement, il cherche désespérément à percer le secret de son histoire. Par une ruse cruelle, le destin s'accomplit dans le mouvement même de son évitement : pour échapper à la malédiction, le héros fuit la ville, prenant ainsi le chemin qui le conduit au crime. Freud y voit le prototype du conflit par lequel passe tout individu, partagé entre le désir d'inceste et la loi qui l'interdit. Ce conflit est la voie nécessaire pour conduire l'être humain à chercher un objet d'amour hors de la famille.

 

32°) Antigone et Créon

Le récit est rapporté dans les deux tragédies de Sophocle, Antigone et Œdipe à Colone. Antigone était la fille d'Œdipe et de Jocaste, et donc la sœur d'Ismène, de Polynice et d'Etéocle. Créon était son oncle maternel. Après le départ d'Œdipe, ses frères Etéocle et Polynice, restés seuls maîtres à Thèbes, décidèrent de se partager le pouvoir. Ils devaient régner alternativement chacun une année sur la ville. Etéocle régna le premier, mais au bout d'un an, il refusa de céder le pouvoir à son frère. Polynice, chassé de sa patrie, partit en Argos où il épousa la fille du roi Adraste ; celui-ci lui promit de l'aider à recouvrer son royaume. Lors des combats qui eurent lieu devant les portes de la ville, Etéocle et Polynice se battirent au corps à corps et s'entretuèrent. Polynice, ayant fait appel à des étrangers pour reconquérir le trône, fut considéré comme un traître par Créon ; il interdit qu'on lui accordât une sépulture, ce qui signifiait une errance sans fin pour son âme. Antigone ne supporta pas cette punition et, malgré les suppliques d'Ismène, elle transgressa l'interdit de Créon en jetant un peu de poussière sur le corps de son frère. Créon la condamna à être emmurée vive dans le tombeau familial. Elle se pendit dans sa prison et Haemon son fiancé, fils de Créon, se tua sur son cadavre. La femme de Créon, désespérée, se suicida également.

Le conflit entre Antigone et Créon symbolise l'opposition entre deux sortes de lois, les lois écrites de l'Etat posées par Créon et les lois non écrites du sang défendues par Antigone : « (...) ta loi qui n'est pas celle des dieux, ni celle de la justice. Les lois non écrites qui nous viennent des dieux ne sont ni pour hier ni pour demain mais de tous les temps ». On peut être sensible aux liens d'affection qui motivent Antigone. Mais si Créon avait donné raison aux sentiments, plus aucun ordre social n'aurait été possible. Hegel a commenté cette tragédie dans sa Phénoménologie de l'esprit pour exposer les deux logiques : celle de l'éthique familiale qui invoque la loi divine et celle de la justice civile qui invoque les lois humaines. Il donne raison à Créon car, pour parvenir à l'universalité de l'Etat et constituer le droit, il faut que l'individu s'oppose à la piété familiale.

 

II – LA MYTHOLOGIE ROMAINE

La mythologie romaine emprunte au fil des siècles des conceptions religieuses et culturelles aux pays du Bassin méditerranéen, en premier lieu à la Grèce, ainsi qu'à l'Égypte, la Phrygie ou la Syrie. Mais elle ne présente pas la richesse intellectuelle et poétique de la mythologie grecque. Même si les Romains sont un peuple profondément religieux, leurs dieux sont avant tout des dieux utiles, desquels ils attendent action et efficacité. On célèbre ainsi Fons, dieu des sources, Flore, déesse des arbres, Pomone, qui veille sur les fruits, ou encore Fidès, personnification de la parole donnée. À Rome, sous l'Empire, on célèbre toujours Faunus, un très ancien dieu, protecteur des troupeaux et des bergers, ou Terminus, gardien des bornes des champs. Les dieux les plus vénérés sont les protecteurs de la maison et de la famille, les lares, esprits des ancêtres, et les pénates, gardiens du foyer, à qui chaque habitation réserve une place. Un grand nombre de fêtes et de sacrifices sont dédiés durant l'année à toutes ces divinités.

 

1°) Saturne

Il existe cependant quelques fortes personnalités, comme Saturne, un très ancien dieu italique[27] identifié à Cronos. Il passe pour avoir fui de Grèce lorsque Zeus l'a détrôné. S'installant sur le Capitole à l'époque de l'âge d'or, où tous les humains vivaient dans le bonheur et ne connaissaient pas la guerre, il leur enseigne la culture de la terre. Regardé comme l'ancêtre lointain des rois du Latium, il avait son temple sur le Forum. En dehors des saturnales[28], les manifestations de son culte à Rome étaient rares.

 

2°) Janus

Janus passe aussi pour l'un des plus anciens dieux romains. Il est le gardien des portes, surveillant entrées et sorties ; c'est pourquoi on le représente avec deux visages, l'un regardant devant, l'autre derrière, ce qui évoque les deux faces d'une porte (janua, en latin). La légende rapporte que celles de son temple étaient toujours ouvertes en temps de guerre pour lui permettre de secourir les habitants de Rome. C'est le dieu des passages et des commencements.

 

3°) Quirinus

Ancienne divinité romaine dont le culte était établi sur le Quirinal. Selon Georges Dumézil, ce dieu guerrier était d'origine sabine et aurait été anciennement le protecteur des agriculteurs. Il faisait partie avec Jupiter et Mars de la plus antique triade divine vénérée comme protectrice de Rome. Par la suite, Quirinus fut associé à Romulus divinisé. 

 

4°) L'Énéide

Les légendes développées dans la mythologie romaine sont peu nombreuses et ont toutes pour vocation d'apporter des explications concernant l'histoire. En témoigne la légende d'Énée, qui a fait l'objet du poème latin l'Énéide, de Virgile. Écrite au début du règne d'Auguste, cette œuvre a pour dessein de doter l'Empire d'un héros national. Énée est pourtant d’abord un héros troyen, fils de Vénus (Aphrodite) et d'Anchise, et il est considéré comme le plus vaillant des guerriers après Hector. Des prédictions à sa naissance lui promettent un avenir exceptionnel. Quittant Troie en flammes après l'attaque des Grecs, son père Anchise sur son dos et son fils Ascagne dans les bras, il s'embarque pour une nouvelle patrie. Mais bien des aventures l'attendent, car la haine de Junon (Héra) pour les Troyens ne s'est pas éteinte. Elle demande notamment à Éole, le dieu des Vents, de déchaîner contre les navires une tempête qui les jette sur la côte de l'Afrique, à Carthage, cité fondée par la reine Didon. Celle-ci accueille les naufragés et, au cours du séjour d'Énée, s'éprend peu à peu du héros. Mais Énée est appelé à repartir, car c'est en Italie que les dieux ont fixé sa destination. Les supplications de Didon resteront sans effet, et elle se donnera la mort sitôt Énée embarqué. Les navires atteignent la côte italienne et parviennent à l'embouchure du Tibre. Mais Junon a déchaîné contre les Troyens les peuples de la région, les Rutules et les Latins, dont Énée doit venir à bout. Une fois la victoire acquise, il épousera Lavinia, descendante du dieu Saturne, et sera le fondateur de la race romaine ; Romulus figurant dans cette histoire comme un de ses descendant.

 

5°) Romulus et Remus 

Romulus est un personnage légendaire que les Romains de l'Antiquité considéraient comme le fondateur de Rome. Deux grands écrivains du règne d'Auguste, Virgile et Tite-Live, ont légué les éléments de la légende de Romulus, qui se trouve à la charnière du monde grec et du monde latin.

Virgile relate dans l'Énéide l’histoire du Troyen Énée : après un long périple, il fonde la ville d'Albe dans la plaine du Latium, foyer de la civilisation latine. Romulus apparaît comme l'un des descendants des rois d'Albe.

En effet, le roi Numitor est détrôné par son propre frère, Amulius, qui devient roi d'Albe. Pour assurer la couronne à ses descendants, Amulius contraint la fille de son frère, Rhéa Silvia, à devenir prêtresse de Vesta ; cette fonction interdit sous peine de mort, à Rhéa Silvia, de se marier. Cependant Rhéa Silvia rencontre, au bord du Tibre, le dieu Mars, qui s'unit à elle. Romulus et Remus, frères jumeaux, naissent de cette union. Amulius les fait jeter dans le Tibre pour s'en débarrasser ; mais les deux jumeaux sont ramenés sur le rivage par le dieu du fleuve saisi de pitié ; ils sont alors recueillis et nourris par une louve. Enfin, un couple de bergers, Faustulus et Acca Larentia, trouvent et accueillent Romulus et Remus. Numitor, le roi détrôné, reconnaît ses petits-fils.

Romulus et Remus s'associent à Numitor pour reconquérir le trône d'Albe usurpé par Amulius, puis ils décident de fonder leur propre ville, auprès de l'endroit où ils ont été abandonnés et élevés. Pourtant, une dispute éclate entre les deux frères au sujet du lieu de fondation de la future ville : Remus choisit l'Aventin, et Romulus le Palatin. S'en étant remis à l'arbitrage du ciel, Romulus l'emporte sur son frère. Il trace sur le mont Palatin, le sillon symbolique qui marque la limite de la ville. Remus, par dérision, le franchit; il est tué par Romulus, qui déclare : « Ainsi périsse désormais quiconque franchira mes murailles. » Romulus, seul maître de la cité, lui donne son nom : Rome. 753 avant J.- C. est la date attribuée à la fondation mythologique de Rome ; elle est à la base de la chronologie romaine.

Pour peupler la nouvelle ville, Romulus fait appel à des aventuriers et des fugitifs. Mais les femmes manquent à Rome pour assurer l'avenir de la cité. Au cours d'une grande fête où Romulus invite le peuple des Sabins, voisin de Rome, leurs filles sont enlevées par les Romains. Le rapt des Sabines est l'occasion d'une guerre entre les deux peuples ; les femmes réussiront pourtant à réconcilier les deux villes, qui se fondent alors en une seule.

Romulus apparaît ainsi aux yeux des Romains comme le fondateur de la ville et de ses institutions. Il est vraisemblable que sa légende sert à justifier de nombreuses pratiques politiques et religieuses dont les origines réelles échappent aux Romains. En outre, par son ascendance, sa naissance et sa mort (il est enlevé au cours d'un violent orage par son père, le dieu Mars), Romulus gagne une dimension divine, donnant à Rome une origine sacrée. Il devient, sous sa forme divine, le protecteur de la ville ; les Romains lui vouent un culte sous le nom de Quirinus (mont Quirinal).

 

CONCLUSION GÉNÉRALE : Postérité des mythes grecs et romains 

 

Les mythes grecs et romains, après avoir été au cœur des œuvres des poètes antiques, ont traversé le temps, inspirant jusqu'à nos jours peintres, écrivains, musiciens et cinéastes. Ils se sont imposés aussi dans la langue : un dédale[29], une chimère[30] ou la corne d'abondance[31], par exemple, puisent leur origine dans la mythologie. « Se croire sorti de la cuisse de Jupiter[32] », « un supplice de Tantale[33] », « les bras de Morphée[34] », « le complexe d'Œdipe », « le mythe de Sisyphe[35] », certaines des expressions modernes n'évoquent-elles pas des personnages familiers, derniers avatars des dieux et des héros antiques ?

 

Pour vous aider à vous repérer, voyez l’arbre généalogique des dieux grecs :

 

FIN


 


[1] Émétique (du grec emein, vomir) : se dit d'une substance qui fait vomir. 

[2] Égide : Cuirasse ou bouclier merveilleux de Zeus et d'Athéna.

[3] Thyrse : long bâton décoré de feuilles de vigne et de lierre, se terminant par une pomme de pin.

[4] Ainsi par exemple IO, prêtresse d'Héra, séduite puis transformée en génisse par Zeus, qui voulait ainsi la soustraire à la jalousie d'Héra ;  EUROPE, enlevée par Zeus, qui, métamorphosé en taureau, l'emporta en Crète ; de leur union naquirent MINOS, Rhadamante et Sarpédon ; CALLISTO, nymphe d'Arcadie, changée en ourse par Héra et tuée à la chasse par Artémis ; Zeus fit d'elle une constellation, la Grande Ourse ;  LÉDA, femme de Tyndare, roi de Sparte, fut aimée de Zeus, qui se métamorphosa en cygne pour la séduire ; leur union produisit deux œufs d'où sortirent deux couples de jumeaux, CASTOR et POLLUX, HÉLÈNE et CLYTEMNESTRE.

[5] Chthonien (du grec khthôn, terre) : Divinités chtoniennes, divinités des enfers, du monde souterrain.

[6] Vindicative : qui est inspiré par le désir de vengeance.

[7] ORESTE : fils d'Agamemnon, roi de Mycènes, et de Clytemnestre. Avec sa sœur Électre, il vengea son père en tuant sa mère Clytemnestre et son amant Égisthe. Mais il fut, pour cela, longtemps torturé par les Érinyes. Il aurait aussi délivré son autre sœur, Iphigénie, qu'Artémis retenait en Tauride. Ses aventures sont contées dans l’Orestie, trilogie dramatique d'Eschyle, jouée à Athènes (458 av. J.-C.) comprenant trois tragédies : Agamemnon, les Choéphores, les Euménides.

[8] HYACINTHE : Jeune Lacédémonien aimé à la fois d'Apollon et de Zéphyr. Hyacinthe ayant donné sa préférence à Apollon, Zéphyr, par dépit, un jour que ce beau jeune homme s'amusait avec Apollon à lancer le disque, détourna le disque lancé par le dieu ; celui-ci alla frapper Hyacinthe à la tempe et le tua. Apollon, désolé, changea le sang répandu en une fleur, la jacinthe. On célébrait en son honneur les Hyacinthies.

[9] PENTHÉE (en grec Pentheus) : Roi légendaire de Thèbes et successeur de Cadmos. Opposé à l'introduction du culte de Dionysos, il fut tué par sa mère Agavé, qui, au cours d'une bacchanale, l'avait pris pour un fauve. Ce mythe est le sujet des Bacchantes d'Euripide et du Penthée d'Eschyle, aujourd’hui perdu.

[10] Les douze grands dieux de l'Olympe : Zeus, Héra, Athéna, Apollon, Artémis, Hermès, Héphaïstos, Aphrodite, Poséidon, Arès, Déméter et Hestia.

[11] PAN : dieu des bergers, des champs et des bois. Puissance grotesque et terrifiante, dont l'apparition déclenchait une peur «  panique  », il avait une queue, des jambes de bouc, une barbe, des cornes ; il hantait les montagnes et s'ébattait avec les Nymphes. Son nom (pan, en grec, signifie «  tout  ») lui était venu de la gaieté qu'il causait à tous les dieux. Les mythographes et philosophes ont fait de lui l'incarnation de l'Univers, du grand Tout.

[12] CYBÈLE : déesse de Phrygie, qu'on appelle aussi la Grande Mère ou la Mère des dieux. Elle a pour parèdre (du grec paredros, qui siège à côté ; divinité associée, à un rang subalterne, au culte et aux fonctions d'une autre divinité) un adolescent, Attis. Son culte fut très répandu en Asie Mineure et dans l'Empire romain. Le culte de cette déesse, qu'on a rangé parmi les «  religions à mystères  », comprenait des cérémonies initiatiques, parmi lesquelles un repas sacré et le rite du taurobole, sacrifice expiatoire où le fidèle était arrosé par le sang d'un taureau.

[13] ASCLÉPIOS : dieu grec de la Santé et de la Médecine. La tradition la plus courante fait de lui un fils d'Apollon. Chez Homère, il n'est qu'un héros initié à l'art de guérir par le centaure Chiron. Plus tard, il fut vénéré comme un dieu, particulièrement dans le grand sanctuaire d'Épidaure, où il guérissait les malades en venant les visiter pendant leur sommeil par des songes. Il avait pour attributs le serpent, le bâton, le coq, la coupe. Du point de vue de Zeus, il menaçait l’ordre de l’univers : en effet, les hommes vont-ils devenir immortels et les dieux perdre leurs privilèges ? La foudre vint donc mettre fin à la carrière terrestre du héros, qui alla rejoindre les cieux où il réapparaît désormais chaque nuit sous la forme du Serpentaire, constellation aussi appelée Ophiuchus (« Qui tient le serpent »). Il fut adopté par les Romains comme le dieu de la Guérison sous le nom d'Esculape.

[14] Les Érinyes : comme pour exorciser leur pouvoir maléfique et terrifiant, on les appelait par antiphrase les « Euménides » (les Bienveillantes).

[15] Les neuf MUSES : les muses sont filles de Zeus et de Mnémosyne, déesse de la Mémoire. Elles acquirent, à l'époque romaine, des attributions plus précises. CLIO présidait à l'Histoire, EUTERPE à la Musique, THALIE à la Comédie, MELPOMÈNE à la Tragédie, TERPSICHORE à la Poésie légère et à la Danse, ÉRATO à la lyrique chorale, POLYMNIE à la Pantomime, URANIE à l'Astronomie, enfin CALLIOPE à l'Épopée. On situait leur lieu de prédilection sur le mont Hélicon, où elles chantaient et dansaient en compagnie d'Apollon.

[16] HÉCATE : divinité lunaire, infernale et marine. Elle assurait aux navigateurs de bonnes traversées. En revanche, c'est à elle que les humains devaient d'être tourmentés par des terreurs nocturnes et des spectres. On la représentait souvent avec trois têtes ou trois corps, et suivie d'un chien. Les Romains, sous l'Empire, honoraient en elle la déesse de la Magie infernale.

[17] Syncrétisme : système philosophique ou religieux qui tend à faire fusionner plusieurs doctrines différentes.

[18] ADONIS : dieu phénicien tué par un sanglier et que son amante Astarté va rechercher aux Enfers.

[19] ATTIS : dieu grec de la Végétation, d'origine phrygienne. Pris de folie, il s'émascula pour résister à l'amour de Cybèle, la Mère des dieux. Il mourut de sa mutilation ; mais, dans la mort, il gardait un rôle fertilisateur. Il était l'objet d'un culte initiatique, dont les prêtres, les Galles, se flagellaient et parfois se mutilaient, comme leur dieu.

[20] SABAZIOS : Dieu phrygien de la Végétation et de la Naissance, dont les attributions étaient proches de celles de Dionysos.

[21] BENDIS : La République de Platon est le récit fait par Socrate à un ou plusieurs interlocuteurs anonymes, d'une conversation qu'il a eue la veille au soir dans la maison de Céphale, au Pirée avec une bande de jeunes menés par Polémarque, le fils de Céphale, dans le cadre de la première fête organisée par Athènes en l'honneur de la déesse thrace Bendis. La Thrace est une région du sud-est de l'Europe, occupant l'extrémité nord-est de la Grèce (Thrace occidentale), la Turquie d'Europe (Thrace orientale) et le sud de la Bulgarie.

[22] ISIS : déesse égyptienne. Sœur et épouse d'Osiris, mère d'Horus, elle est le modèle de l'amour conjugal et du dévouement maternel. Le culte d'Isis, fort important en Égypte, se répandit très vite dans le reste du bassin méditerranéen, jusqu'en Gaule, sur le Rhin et le Danube. Isis devint même, à l'époque hellénistique et romaine, la figure de la déesse universelle ; on célébrait en son honneur, outre des fêtes publiques, des cérémonies secrètes et des mystères initiatiques.

[23] Ainsi en est-il de l’Hécatombe, du grec hekaton cent et boûs, bœuf : dans la Grèce antique, grand sacrifice offert aux dieux lors duquel on immolait cent bœufs.

[24] Commensalité : Qualité de commensal, c’est-à-dire le fait d'être le compagnon de table de quelqu'un.

[25] Thessalien : de Thessalie : région de Grèce, au sud de l'Olympe, sur la mer Égée.

[26] Attique : péninsule de la Grèce où se trouve Athènes. 

[27] Italique : se dit des populations indo-européennes qui pénétrèrent en Italie au cours du IIe millénaire.

[28] Saturnales : Fêtes de la Rome antique célébrées au solstice d'hiver en l'honneur de Saturne, durant lesquelles régnait la plus grande licence.

[29] Dédale : Lieu formé d'un ensemble très compliqué de voies où l'on s'égare ; labyrinthe. DÉDALE : héros de la mythologie grecque, le type même de l'artiste universel, architecte, sculpteur et inventeur. C'est parce qu'il avait su fabriquer des ailes avec des plumes et de la cire qu'il aurait réussi à s'échapper dans les airs du Labyrinthe de Crète, où il était enfermé avec son fils Icare.

[30] Chimère (du latin chimaera, chèvre) : Monstre fabuleux ayant la tête et le poitrail d'un lion, le ventre d'une chèvre et la queue d'un dragon. Au sens figuré : vaine imagination, illusion ; utopie. 

[31] La corne d’abondance : Selon une légende de la mythologie grecque, c'est Amalthée, figurée par une chèvre nourricière, qui allaita et éleva Zeus sur l'île de Crète, afin de le soustraire aux recherches de Cronos, son ogre de père qui dévorait ses enfants. Pour les Grecs, la chèvre était une créature effrayante, créée par Hélios, le Soleil. Quand Zeus, devenu adulte, lutta contre les Titans, il se confectionna une armure avec la peau de cette chèvre mythique. Celle-ci devint l'égide, le bouclier de Zeus, forgé par Héphaïstos, le dieu du feu. Zeus en fit don à Apollon, puis à Athéna, sa fille, la déesse de la guerre. La tête de la Gorgone Méduse, entourée de serpents, objet d'épouvante et d'effroi, figurait au centre de ce bouclier magique, rendant invulnérable celle ou celui qui s'en servait pour se protéger. Enfin, en gage de reconnaissance, Zeus fit don d'une corne de chèvre à Amalthée, sa nourrice, en lui promettant qu'elle se remplirait éternellement de toutes les fleurs et de tous les fruits de la terre. C'est ainsi qu'il créa la corne d'abondance.

[32] « Se croire sorti de la cuisse de Jupiter » : Être imbu de sa personne, le centre du monde, égoïste et égocentrique. Sémélé, la mortelle, demanda à Jupiter son amant, de lui montrer toute sa gloire. Celui-ci tonna et elle tomba morte foudroyée. Jupiter arracha de son ventre leur enfant qui devait naître et l'enferma dans sa cuisse jusqu'à sa naissance. L'enfant devint le jeune dieu Bacchus ou Dionysos, qui était beau, joueur de flûte, couronné de pampres et ivre de vie.

[33] « Un supplice de Tantale » : Envie, désir que l'on ne peut atteindre. Le roi mythique de Lydie, Tantale, le fils de Zeus et d'une nymphe, pour éprouver la divinité des dieux qu'il recevait à sa table, leur servit les membres de son propre fils Pélops. Suite à cela, il fut précipité dans le Tartare et condamné à ressentir une faim et une soif dévorante sans jamais pouvoir les assouvir, bien qu'il soit plongé dans un lac entouré de vergers. Dès qu'il faisait le geste de boire ou de manger, le lac et les vergers disparaissaient.

[34] « Les bras de Morphée » : Sommeil profond. Passer une bonne nuit de sommeil. Morphée, fils d'Hypnos personnification du Sommeil dans la mythologie grecque, est le songeur né de la Nuit, qui touche les mortels d'une fleur de pavot et qui les endort dans ses bras d'un sommeil plein de rêves.

[35] SISYPHE : roi mythique de Corinthe, fils d'Éole, célèbre pour sa ruse et pour le châtiment qu'il encourut «  à cause de son impiété  ». Ayant tenté d'enchaîner Thanatos, le dieu de la Mort, il fut condamné dans les Enfers à rouler éternellement sur la pente d'une montagne un rocher qui retombait à chaque fois avant d'avoir atteint le sommet.  Albert Camus a repris ce thème dans le Mythe de Sisyphe (1942) : faute d'un sens à la vie, l'homme peut en dépasser l'absurdité par la « révolte tenace » contre sa condition.

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