Le Moyen Age : Elément de civilisation La Littérature et les Arts aux XIVe et XVe siècles |
Les genres littéraires qui avaient fleuri aux douzième et treizième siècles furent remplacés par d'autres au cours des deux siècles suivants. On lisait toujours les vieux romans, mais maintenant dans des versions en prose. La vogue allait à des genres poétiques nouveaux, à des petites pièces en vers d'une facture savante et compliquée, la ballade, le rondeau, l'épître, la complainte, le chant royal. Les poètes étaient parfois des personnages de haute condition, comme Charles d'Orléans, ou des gens de l'entourage des princes. Connu davantage pour ses malheurs et son humeur mélancolique et tendre, plutôt que par une sublime inspiration, Charles d'Orléans ne fut certes pas un poète génial mais il nous a laissé de belles choses comme ses Rondeaux et ses Chansons : Chanson
Le grand poète du temps fut un pauvre hère, qui finit on ne sait où ni comment sa vie agitée, François Villon. Il était né à Paris dix ans après la mort de Jeanne d'Arc, fréquenta les tavernes, commit un vol dans un collège, tua un prêtre, subit une longue prison et n'échappa que tout juste au gibet, s'il y échappa. Son Testament en vers est admirable. Le regret d'une vie qui s'en va, l'effroi et la hantise de la mort, son ironie mélancolique et légère, tout cela joint à un étonnant don d'expression poétique, font de l'auteur de la « Ballade des Dames du temps jadis » non seulement un merveilleux évocateur de la France du quinzième siècle, mais un des plus grands des poètes français.
L' « Epitaphe Villon », appelée aussi « Ballade des pendus » est son chef-d'œuvre. Villon, condamné à mort, s'attend à être pendu : alors, du fond de son angoisse, s'élève cette marche funèbre. Ce n'est plus le vivant qui parle, mais le mort qu'il sera demain, avec ses frères du gibet. La vision, dans son réalisme, nous fait frissonner et nous entendons retentir en nous cet appel d'outre-tombe. La sentence fut annulée par le Parlement, mais Villon disparaît complètement à cette date (1463). Ainsi la Ballade des pendus reste pour nous son chant du cygne…
La cour des ducs de Bourgogne, à Dijon leur capitale, fut un temps le centre d'une vie sociale et intellectuelle franco-flamande assez brillante, bien que formaliste et rigide, d'autant plus que Paris était alors ravagé par la guerre. Là fleurit la poésie des Grands Rhétoriqueurs, poésie difficile, savante, poésie d'initiés et dont Jean Lemaire de Belges est sans doute le représentant le plus connu.
En 1503, Jean Lemaire de Belges devint le bibliothécaire de Marguerite d'Autriche, régente des Pays-Bas, et écrivit pour elle en 1505 son Épître de l'amant vert — ce dernier est un perroquet qui vient de mourir dévoré par un chien et qui envoie des poèmes à sa maîtresse :
Le contraste entre deux inspirations, l'une idéaliste l'autre réaliste, qui se trouvait déjà si nettement marqué dans les deux parties du Roman de la Rose, s'accentue encore. L'inspiration réaliste, caustique, bourgeoise si l'on veut, par opposition à l'inspiration chevaleresque, l'emporte de plus en plus. Suivant la tradition misogyne médiévale, des ouvrages dénoncent les femmes, le mariage, les Quinze Joies du mariage par exemple dont le titre seul indique assez l'esprit. Il est vrai que les femmes ont aussi des défenseurs, notamment la savante Christine de Pisan, championne passionnée des vertus de son sexe. Elle était la fille d'un naturaliste italien, astrologue et philosophe, attaché au service de Charles V. Mariée à quinze ans, veuve à vingt-cinq, avec trois enfants, elle écrivit pour vivre : c'est la première femme de lettres de notre littérature.
Toutes ces œuvres n'étaient lues que d'un petit public. Le grand public était celui du théâtre, qui connut une faveur immense pendant les deux derniers siècles du Moyen Age. Comme chez les Grecs, le théâtre eut une origine liturgique. Il commença par la représentation, à l'intérieur de l'église, de grandes scènes religieuses, la Nativité, la Passion du Christ. Puis ces Mystères, comme on appelait alors les dramatisations, sortirent de l'église, s'installèrent sur la place publique, devinrent bientôt d'immenses et coûteuses représentations suivies passionnément par tous les habitants de la ville. L'Ancien et le Nouveau Testament, les vies de saints, même les événements de l'histoire nationale tels que le « Siège d'Orléans » fournirent des sujets de drames. Au début du quinzième siècle, une confrérie parisienne, celle des « Confrères de la Passion », reçut du roi le privilège exclusif de la représentation des mystères sacrés dans la capitale. Les acteurs n'étaient donc pas des acteurs professionnels, mais d'ordinaire des bourgeois de la ville réunis par leur intérêt commun pour le théâtre. |