Les Origines de la France L'Influence du Christiannisme |
Ajoutons à la menace des Barbares et à celle des populations rurales, l'influence du Christianisme qui, dès le IIe siècle, commença à se manifester en Gaule. Cette doctrine de charité, d'amour fraternel et d'égalité allait favoriser les sentiments d'indépendance des populations annexées, et les aspirations des révoltés de toutes les classes et de tous les pays.
A la différence de la religion romaine, qui ne prescrivait qu'offrandes et sacrifices, la religion nouvelle exigeait de ses fidèles l'amour d'un Dieu unique, le seul vrai Dieu. Pas d'assimilation, pas de compromis possible : refus total de la part des chrétiens de sacrifier aux dieux, à l'empereur divinisé. Et lorsque le christianisme eut triomphé en Gaule, il s'efforça d'extirper les racines tenaces des vieilles croyances, en bâtissant église ou chapelle là où était un temple dédié à une divinité gallo-romaine. Sous le chœur de Notre-Dame de Paris, on a retrouvé des autels de pierre où sont représentés des dieux romains - Jupiter, Vulcain - et aussi le vieux rite gaulois de la cueillette du gui sacré. Dans certaines régions françaises, le Morvan par exemple, au nord-est du Massif central, on trouve encore communément au fond des forêts une statue de la Vierge près d'une source, ou bien une « chapelle du Chêne », vestiges de très anciens cultes.
Le premier document authentique que nous possédons sur le Christianisme en Gaule est la lettre qu'écrivit, aux Églises d'Asie, l'Église de Lyon, en 177, et relatant le martyre de l'évêque Pothin, et celui de l'esclave Blandine : « Petite, fébrile, méprisée mais revêtue de la force du Christ… toute à la joie et à l'allégresse du prochain départ, on eût dit qu'elle était invitée à un repas de noces et non jetée aux bêtes… Les païens reconnaissaient que jamais femme n'avait subi de si cruels et de si nombreux tourments… ».
A partir de 313, avec l'Edit de Milan, Constantin, empereur de l'Occident et Licinius, empereur de l'Orient, opèrent un rapprochement avec les chrétiens :
« … Lorsque moi, Constantin Auguste, et moi, Licinius Auguste, nous sommes venus sous d'heureux auspices à Milan et que nous y recherchions tout ce qui importait à l'avantage et au bien publics…, nous avons décidé en premier lieu et avant tout, de donner des ordres de manière à assurer le respect et l'honneur de la divinité, c'est-à-dire que nous avons décidé d'accorder aux chrétiens et à tous les autres le libre choix de suivre la religion qu'ils voudraient, de telle sorte que ce qu'il peut y avoir de divinité et de pouvoir céleste puisse nous être bienveillant, à nous et à tous ceux qui vivent sous notre autorité.
Ainsi donc, dans un dessein salutaire et tout à fait droit, nous avons décidé que notre volonté est qu'il ne faut refuser absolument à personne la liberté de suivre… la religion des chrétiens… »
Cité par Eusèbe de Césarée, Histoire ecclésiastique , X. Traduction G. Bardy, Sources chrétiennes , Ed. du Cerf.
En dehors de Lyon, la foi chrétienne s'était répandue grâce à l'activité missionnaire de Saint Irénée. D'après Grégoire de Tours, il y avait, en 250, sept évêques en Gaule : à Tours, Gatien ; à Arles, Trophime ; à Narbonne, Paul ; à Paris, Denis; chez les Arvernes, Austrémoine ; à Limoges, Martial. Ce sont les sept apôtres de la Gaule.
Ce qui est frappant, dans l'histoire de l'évangélisation de la Gaule, c'est que le Christianisme demeura, jusqu'à la fin du IVe siècle, la religion des villes. Les campagnes étaient à peine touchées, ce qui explique que le mot latin paganus (habitant du pagus, c'est-à-dire de la campagne) a donné en français les deux mots païen et paysan. Cet état de choses changea lorsque Saint Martin de Tours s'installa à Ligugé, près de Poitiers, et dirigea l'évangélisation des campagnes. Son nom demeure attaché à ce grand ouvrage, et son tombeau, à Tours, fut l'objet du pèlerinage le plus fréquenté aux temps mérovingiens. Aujourd'hui, 3 675 églises en France lui sont dédiées, et 425 villages portent son nom. A la fin du Ve siècle, l'Église était devenue un véritable État qui se substituait à l'État romain, dont elle avait parfois adopté les cadres. A la province administrative correspondait la province ecclésiastique, gouvernée par l'évêque. celui-ci, protecteur des pauvres et des faibles, était en outre un administrateur temporel et un juge religieux et civil.
L'union de l'Église et de l'État, reconnue officiellement par l'empereur Théodose, favorise la formation des structures ecclésiastiques. La cellule essentielle est l'évêché qui se limite à une cité. Contre 50 environ au temps de l'empereur Constantin au début du Ve siècle, on en compte alors 114 qui coïncident avec les 114 cités gallo-romaines du Bas-Empire. De plus, à la campagne, certains propriétaires gallo-romains installent sur leurs domaines des chapelles, qui seront les noyaux des futures paroisses. Peu à peu, une organisation provinciale s'établit, la désignation des évêques se fait par le clergé et par le peuple, l'épiscopat gaulois reconnaît l'autorité pontificale romaine. L'Église a, dans l'ensemble, calqué ses institutions sur celles de l'Empire. Après les invasions, ce sera grâce à l'Église et à travers le christianisme que l'héritage de l'Antiquité parviendra à l'Occident. |