Introduction à la civilisation chinoise :
TROISIÈME PARTIE : UNE BRÈVE HISTOIRE DE LA CHINE Page 1
LA LÉGENDE Pangu créa l'univers en séparant le ciel et la terre, puis il dispersa ses membres qui devinrent le soleil, la lune, les étoiles, le vent et les nuages dans le ciel, les montagnes, les rivières, le sol et les plantes sur la terre. Ensuite, la déesse Nüwa créa l'homme. Chaoshi apprit à l'homme à construire sa demeure. Suiren lui montra comment faire du feu en frottant deux morceaux de bois. Fuxi domestiqua les animaux et apprit à l'homme à chasser et à pêcher ; il introduisit les premiers éléments de civilisation en inventant le mariage ; l'observation du ciel et de la terre l'amena à élaborer les huit trigrammes d'où naquit l'écriture chinoise, alors l'homme n'eut plus besoin de nouer des ficelles pour consigner les faits ; Fuxi rédigea le premier livre (" Livre des Mutations " ou Yi Jing ). Shennong, le divin laboureur, inventa l'agriculture et dota l'homme de la charrue ; il découvrit les herbes médicinales et il est tenu, à ce titre, pour le père de la phytothérapie ; on lui attribue le " Traité des Matières Médicinales " ( Bencao ); il enseigna l'art de la poterie ; il est aussi à l'origine du commerce et des échanges.
Les hommes vivaient alors sans règles ni lois, sans récompenses ni châtiments ; l'égalité et l'entraide régnaient entre eux. Les enfants portaient le nom de leur mère car la liberté des mœurs interdisait la connaissance du père. Le passage de cette société matriarcale à la société patriarcale s'effectua graduellement. Des clans se formèrent. Deux communautés se créèrent en amont du Fleuve Jaune : celle de Huangdi, l'empereur jaune, alias Ji, alias Xuanyuan, et celle de Yandi alias Jiang, descendant de Shennong. Ces deux communautés eurent maille à partir avec les tribus Jiuli et Miao. Elles se livrèrent entre elles trois sanglantes batailles avant de fusionner et de donner naissance à l'ethnie des Han qui se considèrent comme les descendants de Huangdi. On attribue à ce dernier la rédaction du " Classique de la Tradition de l'Empereur Jaune " ( Nei Jing ) ; il aurait créé les rites et la médecine.
I – LA PRÉHISTOIRE
- 3 000 000 : début du Paléolithique (pierre taillée). Au cours de cette période, apparition de formes d'art sur les murs des grottes. - 800 000 : homme de Lantian : premier homo erectus chinois. - 500 000 : homme de Pékin : outils de pierre. L'homme de Pékin appartient à la catégorie des pithécanthropes. Il se situe, dans l'évolution, entre l'homme de Java (1,3 millions d'années) et l'homme de Neandertal (120 000 ans). Sa boîte crânienne représente environ les trois quarts de celle de l'homme moderne ; elle est aplatie ; le front est fuyant et les orbites surmontées d'épais bourrelets ; le visage est plus large à la base qu'au sommet ; les os du crâne sont plus épais que ceux de l'homme moderne ; la mâchoire est proéminente, le nez épaté et les lèvres épaisses ; sa taille avoisine 1,5 m et il marche légèrement voûté. C'est un chasseur qui produit de nombreux outils et utilise le feu, mais il ne sait probablement pas l'allumer et se contente d'entretenir celui qu'il acquiert à partir d'un foyer d'origine naturelle.
- 280 000 : homme de Jinniushan : premier homo sapiens chinois. - 100 000 : naissance de la société matriarcale. Les hommes se livrent à la chasse et à la pêche, les femmes à la cueillette. - 33 000 : homme de Tianyuan (près de Pékin) ; les restes, découverts récemment, laissent supposer une contribution morphologique africaine ce qui prouverait que le passage d'Afrique vers les autres continents se serait produit en plusieurs phases ( Le Monde - 4 avril 2007). - 18 000 : apparition de l'arc et de la flèche en Chine. - 12 000 à - 2 000 : Néolithique (pierre polie). Apparition de la religion et de nouvelles formes d'art : musique, peinture, sculpture, poterie décorée ainsi que de symboles précurseurs de l'écriture. - 8 000 : domestication des animaux : premier exemple d'élevage de la volaille (poules) dans la province du Hebe. L'agriculture se développe (culture du millet). La division du travail prend des formes nouvelles : aux hommes le travail des champs, aux femmes la fabrication des tissus, inspirée de celle des claies (plateaux en osier, plats et à claire-voie, servant à sécher les fruits, à élever les vers à soie, etc.) de bambous, et l'entretien des vêtements, avec des aiguilles en os. Dans la seconde moitié du Néolithique, le tour du potier voit le jour.
- 3 000 : apparition de riches sépultures dans la zone de Longshan suggérant un degré avancé d'organisation sociale. Cette civilisation se propage vers l'ouest et fusionne avec celle de Yangshao. - 2 677 à - 2 597 : période supposée de la découverte de la soie par l'impératrice Xiling Shi, première femme de l'empereur jaune. Voici ce que raconte la légende : l'impératrice buvait son thé sous un mûrier ; un cocon tomba dans sa tasse ; comme elle essayait de le retirer, un fil fin mais solide s'en détacha ; la soie venait de voir le jour.
PETITE CHRONOLOGIE DE LA CHINE
- 2205 Dynastie Xia - 1570 Dynastie Shang - 1046 Dynastie Zhou - 722 Printemps et Automnes - 453 Royaumes combattants - 221 Dynastie Qin - 206 Dynastie Han occidentaux 9 Dynastie Xin 25 Dynastie Han orientaux 220 Trois Royaumes 265 Dynastie Jin 304 Seize Royaumes Dynasties du Nord et du Sud 581 Dynastie Sui 618 Dynastie Tang 690 Dynastie Zhou 907 Les Cinq Dynasties et les Dix Royaumes 960 Dynastie Song 907 Dynastie Liao 1032 Dynastie Xixia 1115 Deuxième dynastie Jin 1234 Dynastie Yuan 1368 Dynastie Ming 1644 Dynastie Qing 1912 République de Chine 1949 République Populaire
PS : Certaines dates anciennes peuvent varier d'une chronologie à l'autre…
I – DES ORIGINES À LA DERNIÈRE DYNASTIE LÉGENDAIRE
Les restes du plus vieil hominidé découvert en Chine sont datés de 1,9 million d'années. Ils attestent ainsi l'ancienneté de la migration des espèces du genre Homo [1] vers l'Asie.
Les anciens historiens chinois plaçaient au début de leur histoire une série de souverains qui auraient régné à des époques très reculées. Ils les présentaient comme des sages et des inventeurs de techniques et d'institutions. Fuxi avait inventé la divination ; Shennong , l'agriculture ; Huangdi , la technique ; Yao et Shun , l'art de gouverner. En réalité, ces personnages sont purement légendaires, bien que les traits mythiques soient très effacés par la tendance rationaliste et moralisante. Pour les confucianistes, les premiers princes qui méritent d'être mentionnés furent Yao, Shun et Yu . Tous trois furent des modèles de sagesse. Le dernier est présenté comme un ingénieur hydraulicien qui est venu à bout d'une grande inondation ; il a fondé la première dynastie chinoise , celle des Xia .
II – LES XIA
Les légendes révèlent une civilisation agricole et patriarcale dont les principaux traits se reconnaissent dans la vie chinoise ultérieure ; très tôt, soutenu par la forte cohésion familiale, le paysan chinois a fait preuve de son dynamisme colonisateur. Peuple de chasseurs, de pêcheurs, mais aussi de cultivateurs de céréales, les Chinois bâtissent déjà en terre battue ; ils pratiquent la divination sur écailles de tortue, et marquent leurs fêtes par des danses et chants rituels.
III LES SHANG (vers 1770-vers 1050 avant J.-C.)
De nombreuses inscriptions datées, sur os et écailles de tortue, ont fourni d'abondants renseignements sur cette époque. Avant de venir s'établir à Anyang, les Shang eurent plusieurs autres capitales. La civilisation du bronze qu'ils représentent semble avoir fleuri d'abord sur le pourtour du golfe du Petchili (aujourd'hui Bohai) et dans la presqu'île du Shandong. Elle remonta le fleuve Jaune et s'installa dans le Henan.
IV – LES ZHOU (vers 1050-221 avant J.-C.)
Cette période est celle des Xi Zhou ou Zhou de l'Ouest . La société chinoise trouve son organisation : sous l'autorité du roi (wang) sont les nobles, les agriculteurs, les artisans et les éleveurs . Vers 770 avant J.-C., l'invasion des nomades du Nord oblige les Zhou à transférer leur résidence à Luoyang, dans la province du Henan, non loin du fleuve Jaune . Cette première période ne nous est connue que par de très brefs récits des Mémoires historiques ( Shiji ) de Sima Qian et par des récits légendaires qui relatent les aventures romanesques des deux grands rois conquérants, Zao et Mu.
De 722 à 481 avant J.-C., s'étend la période des Dong Zhou ou Zhou de l'Est. Dite aussi « Chunqiu » (« Printemps et Automnes » , du nom d'une chronique, cette période voit naître le confucianisme .
Certaines seigneuries – celles qui se trouvent à la périphérie du monde chinois – réussissent à s'allier à des groupes barbares des steppes ou des montagnes. C'est ainsi que des grands États se constituent, dont la puissance éclipse de plus en plus le royaume de Zhou et les autres petits pays du Centre. Quelques principautés de cette époque préfigurent déjà des provinces chinoises. Quatre pays mènent le jeu politique ; ce sont les quatre grands États de l'époque : Qin (au Shaanxi), Jin (au Shanxi), Qi (au Shandong), Chu (dans le Hubei), auxquels on joint Song (au nord du Henan). Ces grands princes sont des souverains absolus sur leurs territoires. Après le déclin du pouvoir royal, ils connaissent successivement la suprématie. C'est ce que l'histoire appelle les « Cinq Hégémons », Wuba. Les plus célèbres sont l'hégémon de Qi, dans la première moitié du VIIe siècle avant J.-C., et celui de Qin, à la fin du VIIe et au VIe siècle avant J.-C. La civilisation chinoise gagne dans la vallée du Yangzi, ou s'organise alors le royaume de Zhou.
Puis s'ouvre la période dite des « Royaumes combattants » (Zhanguo, 481-221 avant J.-C.) , période importante, au cours de laquelle la Chine trouve l'essentiel de l'armature politique qu'elle conservera jusqu'au début du XXe siècle.
Vers 300 avant J.-C., un danger commence à menacer la civilisation chinoise. Pour la première fois, les Xiongnu (qui seraient les Huns de l'Asie orientale) se trouvent mentionnés par leur nom. Nomades, ils menacent les confins nord de la Chine .
Les princes de Qin, à partir de la fin du IVe siècle avant J.-C., amorcent une vaste campagne d'annexion , qui les amènera à faire la conquête de toute la Chine , depuis les steppes mongoles et la plaine de Mandchourie, au nord, jusqu'aux régions montagneuses qui s'étendent au sud du Yangzi. En 316 avant J.-C., leurs armées pénètrent au Sichuan, dans la plaine de Chengdu ; en 312 avant J.-C., elles occupent tout le sud du Shaanxi. Mais c'est surtout à la fin du IIIe siècle avant J.-C. que les conquêtes se font plus nombreuses.
V – LES QIN (221-206 avant J.-C.)
D'autre part, il conquiert un vaste territoire au sud du fleuve Bleu, jusqu'à la région cantonaise (Nanhai) inclusivement. Mais l'œuvre principale de Qin Shi Huangdi sera d'établir un gouvernement bureaucratique centralisé, qui survivra à tous les changements dynastiques . Il supprime tous les fiefs, toutes les principautés locales et démantèle la noblesse. L'Empire est divisé en trente-six provinces, et chacune de celles-ci en plusieurs préfectures . En 213 avant J.-C., Qin Shi Huangdi ordonne de brûler les livres « classiques », qui, pour beaucoup, exprimaient les idéaux de l'ancienne noblesse . Seuls sont conservés les livres utiles (médecine, divination, pharmacie, agriculture). Les lettrés sont inquiétés, les confucéens sont persécutés. Un nombreux personnel administratif, aux fonctions diversifiées et hiérarchisées, est créé . La nouvelle organisation de la Chine , calquée sur celle du royaume de Qin, est due en grande partie au génie personnel du grand ministre Li Si , et au triomphe d'un système, celui des légistes. L'écriture est unifiée . Le pays est enfin pourvu de frontières ; pour le rendre homogène, l'empereur supprime les barrières intérieures et les fortifications locales . Il essaie d'assurer la stabilité de l'État en transformant les paysans tenanciers en propriétaires payant un impôt fixe. L'ouverture de grandes voies de communication aide également au progrès de l'unité nationale . Mais les seigneurs supportent mal la contrainte de lois sévères, les grands travaux entrepris épuisent les corvéables et ruinent le trésor. En 209 avant J.-C., un soulèvement populaire dirigé par Zhen Sheng ébranle le pouvoir despotique du successeur de Qin Shi Huangdi, qui abdique en 206 avant J.-C. L'Empire sombre dans l'anarchie. Pourtant, en 202 avant J.-C. Liu Bang, propriétaire d'imposants domaines agricoles, monte sur le trône ; il fondera la dynastie des Han .
VI – LES QIAN HAN ou HAN ANTÉRIEURS ou HAN OCCIDENTAUX (206 avant J.-C.-9 après J.-C.)
La capitale est à Changran (aujourd'hui Xiran), dans le Shaanxi. Liu Bang, intronisé sous le nom de Han Gaozu, hérite de l'œuvre de Qin Shi Huangdi . Il refait sans mal l'unité de l'Empire.
195 avant J.-C. : à sa mort, l'autorité Han est assurée. Cependant des généraux et des membres de la famille impériale menacent de ramener la féodalité.
Les lettrés confucéens, persécutés par Qin Shi Huangdi, méprisés par Liu Bang, se rallient à l'empereur Wudi, car ils sont devenus les véritables bénéficiaires de la réforme . Ils obtiennent à nouveau des charges, l'école des légistes, appui du césarisme [3] Qin, ayant été écartée ; le recrutement des fonctionnaires s'effectue désormais par concours ; ainsi prend naissance la classe si importante du mandarinat . À l'extérieur, l'empereur Wudi reprend les grands projets de conquête de l'empereur Shi Huangdi.
135 avant J.-C. : expédition au Fujian, annexé en 110 avant J.-C. 133 avant J.-C. : expédition contre les Xiongnu, dont la confédération menace la sécurité de l'Empire. 126 avant J.-C. : l'armée Han conquiert le Gansu, s'établit à Dunhuang et au Turkestan. 119 avant J.-C. : les Xiongnu sont défaits, l'empire Han tient la Route de la soie.
111 avant J.-C. : Canton est pris, le Tonkin est envahi, ainsi que le Yunnan. 109 avant J.-C. : les armées chinoises pénètrent dans le Xinjiang et poussent vers le Pamir, jusqu'au Fergana (actuel Ouzbékistan ). 108 avant J.-C. : après vingt années de campagne, la Corée est conquise . 87 avant J.-C. : mort de Wudi, qui laisse à ses successeurs le plus grand empire chinois, que seul l'empereur Xuandi (73-49 avant J.-C.) saura gouverner sans intrigues . 5 après J.-C. : l'empereur Pingdi, encore au berceau, est empoisonné par un ministre ambitieux, Wang Mang, qui, avec l'aide de l'impératrice douairière [4], va usurper le trône . 9 après J.-C. : Wang Mang se proclame fondateur de la dynastie des Xin . Bien qu'usurpateur, il entreprend des réformes économiques et sociales. L'État reste en droit le seul propriétaire du sol ; des terres sont redistribuées à chaque famille ; l'esclavage privé est limité. Des prix maximaux sont fixés pour les denrées . Mais l'État est devenu un créancier sans pitié : il en résulte finalement un nouvel abaissement du niveau de vie des paysans. D'ailleurs, les mesures sont surtout théoriques, et les grands propriétaires continuent à agrandir leurs domaines. 23 : des jacqueries [5] (« Montagnes vertes » et « Sourcils rouges ») mettent fin au pouvoir de Wang Mang. La jacquerie des « Sourcils rouges » est suivie d'une insurrection légitimiste qui restaure la dynastie Han. Liu Xiu devient empereur et prend le nom de Guang Wudi.
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[1] Nom générique de l'espèce humaine et des espèces fossiles les plus voisines. [2] Lot attribué aux prince qui n'avaient pas accès à la couronne. [3] Système de gouvernement dictatorial qui revendique l'appui du peuple. [4] Veuve qui jouit d'un douaire, portion de biens qui est donnée à une femme par son mari et dont elle bénéficie après la mort de celui-ci. [5] Insurrection de paysans ou de classes inférieures.
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