Le Moyen Age - Seconde partie Les Capétiens |
Le règne de Louis IX, connu dans l'histoire sous le nom de Saint Louis, allait être un des plus grands de la dynastie capétienne, grâce à la personnalité du roi. Élevé par Blanche de Castille dans une religion fort rigoureuse, Louis était extrêmement pieux. Il passait plusieurs heures par jour en prière, même lorsqu'il était en voyage. Par esprit de pénitence il se privait des choses qu'il aimait : les primeurs et les gros poissons. Le vendredi il ne riait jamais et ne manquait pas de se confesser, après quoi il se faisait administrer la discipline par ses confesseurs avec cinq chaînettes de fer.
La figure de Saint Louis nous est bien connue grâce au chroniqueur Joinville. Chrétien fervent, il mit sa vie au service de sa foi. Sa piété et sa charité sont demeurées célèbres :
« Qu'aimeriez-vous mieux, être lépreux ou avoir fait un péché mortel ? Et moi, qui jamais ne lui mentis, je lui répondis que j'aimerais mieux en avoir fait trente que d'être lépreux. Et quand les frères furent partis, il m'appela tout seul, et me fit asseoir à ses pieds et me dit : « Comment me dites-vous cela, hier ? Il Et je lui dis que je le disais encore. Et il me dit : « Vous avez parlé comme un étourdi, car vous devez savoir qu'il n'y a aucune lèpre si laide que d'être en péché mortel, car l'âme qui est en péché mortel est semblable au diable. »
Joinville, Livre des saintes paroles et des bons faits de notre roi Louis , IV.
La justice fut son grand souci. Il rendait lui-même les sentences, arbitrait les cas difficiles :
« Maintes fois, il arriva qu'en été il allait s'asseoir au bois de Vincennes, et s'adossait à un chêne, et il nous faisait asseoir autour de lui. Et tous ceux qui avaient affaire venaient lui parler, sans s'embarrasser d'huissier ou d'autre. Et alors il leur demandait de sa bouche : « Y a-t-il ici quelqu'un qui ait procès ? » Et ceux-là se levaient, qui avaient procès. Et alors il disait : « Taisez-vous tous, et on vous expédiera l'un après l'autre. » Et alors il appelait Monseigneur Pierre de Fontaines et Monseigneur Geoffroy de Villette et il disait à l'un d'eux : « Expédiez-moi ce procès. » Et quand il voyait quelque chose à amender dans la sentence de ceux qui parlaient pour lui, ou dans la sentence de ceux qui parlaient pour autrui, il l'amendait lui-même de sa bouche. Je le vis parfois, en été, pour « expédier » ses gens, venir au jardin de Paris, vêtu d'une cotte de camelot, d'un surcot de tiretaine sans manche, un manteau de cendal noir autour du cou, très bien peigné et sans coiffe, et un chapeau de paon blanc sur la tête. Et il faisait étendre des tapis pour nous asseoir autour de lui et tous ceux qui avaient affaire devant lui étaient autour de lui en plaidant. »
Joinville, Livre des saintes paroles et des bons faits de notre roi Louis , XII.
Par la forme familière qu'il sut donner aux procès, Louis IX resta par excellence le roi justicier. Son ordonnance de 1254 va dans le même sens: il y précise les devoirs de ses fonctionnaires, exige que la justice soit la même pour tous. Il créa le droit d'appel au tribunal du roi, ou Parlement :
« Nous, Louis, par la grâce de Dieu roi de France, ordonnons que tous nos baillis, vicomtes, prévôts, maires et tous les autres, en quelque affaire que ce soit, fassent serment qu'ils feront droit à chacun sans exception de personnes, aux pauvres comme aux riches, et à l'étranger comme à l'indigène et garderont les us et coutumes qui sont bonnes et éprouvées... et avec cela jureront qu'ils ne prendront, ni recevront, par eux ni par autres, ni or ni argent ni autres choses si ce n'est fruit, pain ou vin ou autre présent jusqu'à valeur de dix sols. »
Sa haine de la guerre l'amena à préférer l'arbitrage et les règlements pacifiques de préférence à tout autre. Seules les expéditions contre les Infidèles avaient grâce à ses yeux ; c'est pourquoi il se croisa deux fois (dans les engagements armés, il se fit d'ailleurs remarquer par son sang-froid et sa bravoure). Il mit fin, dans son royaume, au duel judiciaire, cette ancienne coutume germanique en vertu de laquelle les deux plaignants se battaient en duel : le jugement de Dieu devait désigner le coupable dans le vaincu.
« Sa libéralité pour les malheureux, écrit un contemporain, dépassait les bornes. » Chaque jour, où qu'il se trouvât, le roi veillait à ce que plus de cent pauvres reçoivent la pitance. En plus, dans un esprit ascétique d'humilité, le roi insistait pour offrir ses services dans les tâches les plus répugnantes : laver les pieds des mendiants qu'il invitait à sa table ; aider de ses propres mains les lépreux ; entrer dans les hôpitaux et y faire les plus affreuses besognes. Les fondations hospitalières de Saint Louis sont trop nombreuses pour être mentionnées ici ; il suffit de nommer les Filles-Dieu, pour les prostituées, les Quinze-Vingts, pour les aveugles, l'hôpital de Pontoise pour les malades. Il ne faudrait pas croire, cependant, que Saint Louis fut un mystique exalté. Son biographe, le sire de Joinville, nous a laissé le récit de maints épisodes qui révèlent la bonne humeur, l'ironie souriante, le sens pratique de ce roi qui, en outre, avait une nature droite, fine et pure, d'un moraliste et d'un honnête homme. Il fut, malgré sa bonté, un chevalier accompli, doué d'une énergie peu commune. Lorsque les Sarrasins le firent prisonnier, pendant la VIIe croisade, il les impressionna par son sang-froid. Ses faits d'armes, au cours de cette croisade, et auparavant, lors des batailles en Saintonge, en 1242, où il mit en déroute Henri III d'Angleterre et les barons poitevins, furent dignes de ceux de son grand-père Philippe-Auguste. Louis IX fut ainsi l'incarnation du rêve des clercs de l'époque carolingienne : le monarque chrétien par excellence. C'est avec lui que se consomme le mariage entre la nation française et la dynastie capétienne. Après l'échec de la septième croisade, et après la mort de Blanche de Castille (1252), Louis IX commença à régner personnellement. Il se consacra à faire triompher la paix, l'ordre et la justice dans le royaume et à établir une réelle réconciliation avec les souverains voisins. En 1258, le traité de Corbeil fut signé avec le roi d'Aragon, par lequel celui-ci renonçait à toute prétention au-delà des Pyrénées, tandis que le roi de France renonçait à son antique suzeraineté sur la Catalogne et le Roussillon. En 1259, il signa, avec l'Angleterre, le traité de Paris, pour faire cesser le conflit avec les Plantagenêts ; celle-ci reconnaissait toutes les conquêtes de Philippe-Auguste (Normandie, Maine, Anjou, Touraine, Poitou) et le roi d'Angleterre s'avouait le vassal du roi de France. Louis IX rétrocédait une partie des conquêtes de son père : Limoges, Cahors et Périgueux. En outre, la France acquérait le comté de Toulouse. Pendant le règne de Louis IX, le prestige de la civilisation française atteignit un de ses sommets. Dans le domaine des lettres, la France exerça alors une primauté absolue. La grandeur et la prospérité du royaume, alors le plus peuplé d'Europe, le rôle que jouaient dans l'économie occidentale les foires des villes de Champagne ; l'expansion militaire de la France qui, au XIe et XIIe siècles, avait installé une élite de langue française en Angleterre, en Palestine, en Syrie, en Espagne et dans l'Italie du sud, voilà quelques faits qui expliquent cette primauté. Ajoutons à cela, le rayonnement du style « gothique » né en Île-de-France, les recherches en musique polyphonique des maîtres parisiens Léonin et Pérotin, et, finalement, l'éclat des foyers intellectuels de l'Île-de-France, en particulier de l'Université de Paris. À cette époque, l'enseignement, dans les grandes écoles rattachées aux églises, se divisait en deux degrés : d'abord les arts libéraux. le trivium et le quadrivium; au second degré, les études plus spéciales et de caractère professionnel : le droit civil, le droit canonique, la théologie et la médecine. Les étudiants se réunissaient de préférence dans certaines villes : Paris, Orléans, Angers, Toulouse et Montpellier étaient, au temps de Philippe-Auguste, les grandes cités scolaires. Mais certaines de ces écoles attiraient déjà Français et étrangers par leurs spécialités : Paris, la dialectique et la théologie ; Montpellier, la médecine ; Orléans, le droit civil et la rhétorique.
À la fin du XIIe siècle, les maîtres et les étudiants de Paris s'étaient réunis pour former une corporation. En l'an 1200, cette corporation, à la suite d'une rixe entre les étudiants et les bourgeois de Paris, reçut de Philippe-Auguste une charte royale qui la soustrayait à la juridiction civile pour la soumettre exclusivement aux juges d'Église. C'est là, en somme, l'acte de naissance de l'Université de Paris. Mais celle-ci, comme toutes les communautés puissantes, aspirait à se gouverner elle-même.
Des conflits avec l'évêché de Paris se succédèrent presque sans interruption, jusqu'au moment où, en 1222, le pape Honorius III plaça l'Université sous la dépendance du Saint-Siège. En 1231, Grégoire IX publia la bulle « Parens scientiarium » qui est considérée comme la Grande Charte de l'Université de Paris. Elle confirmait solennellement les privilèges des maîtres et des élèves et les autorisait à se servir de la suspension des cours comme arme défensive contre les autorités civiles et ecclésiastiques de Paris. C'était une arme puissante que cette « suspension », car elle signifiait que maîtres et élèves quittaient la ville en masse pour aller étudier et enseigner ailleurs. Ainsi, en 1229, ils avaient quitté Paris et s'étaient rendus en Angleterre où ils avaient fondé l'Université d' Oxford. L'Université de Paris était déjà établie sur la rive gauche de la Seine, sur le versant nord de la montagne Sainte-Geneviève. A l'origine, les cours se faisaient dans des maisons particulières : chaque maître y louait, à ses frais, une salle où les élèves, assis par terre, prenaient des notes en écrivant sur leurs genoux. La plupart des élèves étaient pauvres et vivaient où ils pouvaient, souvent dans des taudis. Venus de toutes les nations d'Europe, ils ne se servaient, ainsi que leurs maîtres, que d'une langue : le latin. C'est ainsi que le quartier de l'Université, situé sur la rive gauche de la Seine entre l'Ile de la Cité et le Faubourg Saint-Germain, garde encore de nos jours le nom de « Quartier Latin ». Le sort misérable des pauvres étudiants excita la pitié de certaines âmes généreuses qui offrirent des hôtels meublés, appelés collèges, où les jeunes gens pouvaient trouver le vivre et le couvert. L'exemple le plus célèbre de ces généreux donateurs est Robert de Sorbon, le chapelain de Louis IX, qui, en 1257, offrit sa maison aux étudiants en théologie. Son exemple fut suivi par une foule de personnages, si bien que peu à peu du XIIe au XIVe siècle, s'éleva sur la montagne Sainte-Geneviève une cité de collèges universitaires. Le siècle de Saint Louis a été le témoin de la décadence de l'idéalisme et de la littérature artificielle, et du développement de l'esprit scientifique. Le XIIIe siècle a eu confiance dans la raison ; il a eu la passion de démontrer ; il s'est efforcé de savoir. On peut expliquer cela en grande mesure par l'apparition, vers 1200, d'écrits d'Aristote et de commentaires musulmans de ces écrits jusqu'alors inconnus. Les théologiens de tradition augustinienne accueillirent avec méfiance cette philosophie rationaliste, mais la majorité des lettrés l'adopta avec enthousiasme. Certains, comme Albert le Grand et Thomas d'Aquin, s'efforcèrent de concilier la philosophie d'Aristote avec le dogme chrétien ; d'autres, comme Siger de Brabant, suivirent l'attitude du philosophe arabe, Averroès, et soulignèrent les contradictions qui existaient entre le christianisme et le péripatétisme, la philosophie aristotélicienne. Les péripatétitiens furent finalement condamnés par l'Église. En tout cas, le résultat de ces disputes sur l'aristotélisme fut une imposante activité littéraire. En plus des commentaires sur la philosophie d'Aristote, on vit apparaître au XIIIe siècle, un grand nombre de traductions et d'encyclopédies en langue vulgaire, afin que les gens du monde puissent avoir accès aux connaissances des clercs. La plus célèbre de ces encyclopédies est le Livre du Trésor de Brunetto Latini, un Italien qui vécut quelque temps en France et en Angleterre. Dans son œuvre, écrite en français, il passe en revue l'histoire sainte, l'histoire profane et l'histoire naturelle, en insérant, ça et là, des renseignements empruntés à des modernes. En 1270, Louis IX s'embarqua pour la huitième croisade. Pendant trois années, il avait préparé cette expédition qu'il dirigea vers l'Afrique du Nord, croyant que Tunis serait une proie facile et que le roi de cette ville brûlait de se convertir. Arrivée sur la terre africaine, l'armée française fut bientôt décimée par la peste. Le deuxième fils du roi fut une des premières victimes et, peu après, le roi lui-même tomba malade. Il fit appeler son fils aîné, le prince Philippe, lui remit des instructions écrites et, après avoir reçu l'extrême-onction, étendu sur un sac grossier couvert de cendres, il s'éteignit doucement, le 25 avril 1270. Philippe III le Hardi, qui monta alors sur le trône, était âgé de vsingt-cinq ans ; il avait quelques-unes des qualités de son père mais, malheureusement, il lui manquait celles qui pouvaient faire de lui un roi énergique et clairvoyant. Son règne, qui se prolongea jusqu'en 1285, n'a pas laissé de grands souvenirs. Néanmoins, le domaine royal fut augmenté par l'acquisition d'une grande partie du Languedoc et du Comtat Venaissin. Ce dernier fut cédé par le roi au Saint-Siège en 1273 : ainsi la papauté devint la propriétaire des terres d'Avignon. Le règne de Philippe IV, dit le Bel, le petit-fils de saint Louis, fut dominé par la lutte contre la papauté et contre la féodalité, ainsi que par le développement d'institutions administratives et judiciaires d'une grande importance. La lutte contre la papauté commença à propos de l'impôt ecclésiastique. Les papes avaient autorisé les rois de France, pour subvenir aux frais des croisades, à lever des impôts extraordinaires sur le clergé français. Or, Philippe, en 1294, voulut se servir des subsides du clergé pour faire la guerre à l'Angleterre. Une partie du clergé français, et notamment l'ordre de Cîteaux, protesta vivement auprès du pape, Boniface VIII, qui venait d'être élu. Celui-ci, en 1296, énonça dans une décrétale qu'aucun prince séculier ne pouvait, sous peine d'excommunication, exiger des subsides ecclésiastiques sans l'autorisation du Saint-Siège. La lutte était ouverte entre le pouvoir civil et le pouvoir religieux. Philippe refusa d'acquiescer à l'ordre du pape, et l'indignation contre celui-ci fut si grande en cour de France, que Boniface crut bon cette fois de donner satisfaction au Capétien. Mais, en 1301, le pape se crut assez fort pour révoquer cette concession. C'est alors que Philippe décida de réunir, à Paris, au mois d'avril 1302, les représentants des trois ordres du royaume : nobles, clercs et gens du commun « pour délibérer sur certaines affaires qui intéressent au plus haut point le roi, le royaume, tous et chacun ». Les trois ordres approuvèrent la politique du roi. C'est là un fait important qui souligne le désir du pouvoir royal d'associer la nation à des actes extraordinaires. Certains historiens ont désigné cette réunion comme la première session des États généraux de France. En réalité, ce n'était pas la première fois que la bourgeoisie participait aux affaires de l'État. Ce que l'on peut dire, c'est que, à partir de 1302, le roi de France convoquera régulièrement les représentants des trois ordres chaque fois qu'il voudra s'assurer de l'appui du peuple français, et que ces États généraux joueront un rôle de plus en plus important dans la vie de la nation. L'appui des trois ordres jeta le Pape en fureur. De nouveau il menaça de déposer Philippe ; il affirma, dans la fameuse bulle Unam Sanctam, que le glaive spirituel appartenait à l'Église et le glaive temporel aux rois, mais que ceux-ci ne pouvaient s'en servir que selon la volonté du pape. Devant cette intransigeance, Philippe autorisa un de ses légistes, Guillaume de Nogaret, à se rendre en Italie et, avec l'aide des ennemis italiens de Boniface, à se saisir de la personne du pape pour le ramener à Lyon, où il serait jugé par un concile d'évêques. Effectivement, Nogaret et sa bande parvinrent à Anagni, la résidence du pape près de Rome, le 7 septembre 1303, et s'emparèrent du vieillard, qu'ils accusèrent d'hérésie. Sur ces entrefaites, une troupe de cavaliers romains arriva pour délivrer le pape ; Nogaret dut se retirer et relâcher son prisonnier. Mais celui-ci ne se releva jamais de son émotion : il mourut le 11 octobre suivant. Le successeur de Boniface, le Bienheureux Benoît XI, ne survécut qu'un an à son élection et, ensuite, après une bataille désespérée dans le Sacré Collège entre les partisans des Français et les « Bonifaciens », c'est l'archevêque de Bordeaux, Bertrand de Got, qui fut élu sous le nom de Clément V. Le triomphe de Philippe le Bel était complet : la papauté se reconnaissait battue par la monarchie française. En 1309, le Saint-Siège se transporta en Avignon, où il resta jusqu'en 1376. Ce séjour des papes en Avignon est désigné communément sous le nom de « captivité de Babylone » (pour rappeler celle des Hébreux exilés par Nabuchodonosor II en 587 av. J.-C.). Pendant ces 67 ans, il y eut huit papes français.
Contre la féodalité, Philippe le Bel agit avec une énergie égale. Le comte de Flandre se montrait toujours hostile à la suzeraineté capétienne ; ses soldats avaient infligé une sérieuse défaite à la cavalerie française en 1302. Le roi décida de patienter et d'organiser une vaste opération combinée sur terre et sur mer. A cet effet, il fit construire une vaste flotte, et, quand elle fut prête en 1304, il la lança contre les navires flamands tandis que lui-même entraînait son armée. Le succès fut général et la Flandre dut de nouveau reconnaître la suzeraineté française.
L'ombre immense d'une autre puissance s'étendait sur le royaume : celle de l'ordre des Templiers. Fondé en 1128 pour défendre les pèlerins de Terre-Sainte et les États chrétiens, cet ordre était devenu riche, puissant et redoutable. Les chevaliers du Temple étaient devenus, au XIVe siècle, de grands propriétaires terriens et les banquiers de la Chrétienté. De Philippe-Auguste à Philippe le Bel, le Temple de Paris fut le centre de l'administration des finances de la royauté française. Or, en s'enrichissant, l'ordre s'était créé des ennemis et ceux-ci, dès le XIIe siècle, commencèrent à faire circuler des remarques peu charitables sur l'orgueil des chevaliers, sur leurs mœurs et sur leurs pratiques hérétiques, Personne ne sait quand la cour de France forma le projet de détruire l'ordre du Temple. Toujours est-il que le 12 octobre 1307, le grand maître du Temple, Jacques de Molay, et tous les Templiers de France furent arrêtés, à la même heure, et les biens de l'Ordre furent confisqués sous l'inculpation d'hérésie. Le procès des chevaliers fut confié à l'Inquisition, mais, au préalable, on se servit de tortures atroces pour obtenir leurs confessions. En 1310, cinquante-quatre Templiers furent brûlés vifs, et, finalement, après sept ans d'emprisonnement, de tortures et d'interrogatoires, Jacques de Molay monta aussi sur le bûcher, le 18 mars 1314. Les biens de l'ordre furent remis, par le pape, aux Chevaliers hospitaliers et à d'autres ordres qui se battaient contre les musulmans. Quant au roi de France, il avait montré, par cette terrible et violente victoire, qu'il n'entendait laisser son royaume subir la tutelle de personne, princes, pontife ou oligarchie financière.
C'est sous le règne de Philippe le Bel que furent régularisés l'existence et le fonctionnement du parlement de Paris. Par une ordonnance de 1302, le roi annonça que « Pour le bien de nos sujets et l'expédition des procès, nous nous proposons d'ordonner qu'il sera tenu deux fois l'an deux parlements à Paris… » Le parlement était la cour souveraine du roi, la cour suprême du royaume. Exclusivement occupée de rendre la justice, cette cour fut bientôt composée uniquement de magistrats. C'est alors que commença à s'établir la distinction entre noblesse d'épée et noblesse de robe. Cette dernière, ennemie naturelle du droit féodal, forma dès lors un foyer de l'esprit de renouvellement. C'est le parlement qui brisera les justices seigneuriales et qui sera, avec les parlements de province, l'instrument de la puissance royale et de l'unité monarchique. Plus tard, les rois établiront la formalité de l'enregistrement, par les parlements, de leurs actes, afin de donner à ceux-ci une sorte de sanction nationale. Cela donnera plus tard, aux parlements, l'idée de se mêler de politique. Philippe IV mourut en 1314. Son fils aîné, Louis X le Hutin, ne régna que deux ans, laissant sa fille Jeanne seule héritière. C'était la première fois, dans l'histoire de la dynastie capétienne, qu'un roi mourait sans héritier mâle. Le frère du roi défunt, Philippe de Poitiers, se proclama d'abord régent ; trois ans plus tard, il se fit couronner à Reims, sous le nom de Philippe V. Ce fait accompli fut approuvé immédiatement par une assemblée de notables, à Paris, qui déclara que Philippe V s'était appuyé sur une vieille loi des Francs saliens, appelée « Loi salique », selon laquelle : « les femmes ne succèdent point au royaume de France ». En vertu de cette même loi, lorsque Philippe mourut en 1322, lui aussi sans héritier mâle, son frère Charles IV lui succéda sans difficulté. Et lui aussi, après un règne de six ans, mourut sans laisser de fils ! La famille des Capétiens directs s'était éteinte : une nouvelle dynastie régnera désormais sur la France (de 1328 à 1589) : les Valois. |