LA RENAISSANCE VI

L’HUMANISME – LES BELLES LETTRES

Au commencement du seizième siècle, la ville de Lyon, avec sa cinquantaine d'ateliers, était le grand centre de l'imprimerie en France (en France, la première presse à imprimer fut installée à la Sorbonne en 1470). Bon nombre d'imprimeurs étaient en même temps des humanistes. Henri Estienne, par exemple, appartenait à une illustre famille d'imprimeurs lyonnais. L'imprimerie a donc facilité les études nouvelles. Mais des presses sortaient toute sorte d'ouvrages, Évangiles, ouvrages scientifiques, scolaires, populaires. Les vieux romans de chevalerie étaient encore souvent imprimés en caractères imitant l'écriture des manuscrits, alors que pour les ouvrages plus modernes on utilisait les caractères de la minuscule carolin-gienne, déjà employés par les Italiens. Pour favoriser l'impression d'ouvrages de l'antiquité grecque, François 1er fit fondre à ses frais de fort beaux caractères qu'on appela «les grecs du roi ».

« Les grecs du Roi »


Le Collège de France

C'est Guillaume Budé qui en avait donné l'idée à François 1er. Il lui en donna une autre : celle de fonder un collège qui, en face de la Sorbonne, asile de la théologie médiévale, serait le centre des études humanistes. Des « lecteurs royaux » y enseigneraient le grec, l'hébreu, le latin sur des textes établis d'après les méthodes critiques les plus récentes. Le collège fut fondé en 1530. Il existe encore et il est resté fidèle à l'esprit de sa fondation. C'est le Collège de France, composé de spécialistes dans les diverses disciplines littéraires et scientifiques. Les quelques cours publics qu'ils enseignent leur laissent le temps dont ils ont besoin pour leurs travaux savants.

Cet intérêt passionné pour l'Antiquité, cette admiration sans bornes pour les Anciens, risquait d'amener un retour à la pensée antique, qui sur bien des points était en contradiction avec la pensée chrétienne. Le conflit fut pourtant beaucoup moins prononcé et moins violent qu'on ne serait tenté de le croire. Certes les humanistes, comme les protestants, dénonçaient les abus de l'Église romaine. D'ordinaire leur critique s'arrêtait là, ils séparaient leur vie intellectuelle de leur vie religieuse. Ce n'était pas la faute des Grecs et des Romains, pensaient-ils, s'ils n'avaient pas connu la religion révélée. Eux, dans l'ensemble, l'acceptaient comme telle. La plupart ne voyaient pas de contradiction profonde entre pensée païenne et pensée chrétienne.

Platon, portrait de la Renaissance


Epicure

Lorsque, vers la fin du siècle surtout, les morales antiques attirèrent de plus en plus l'attention, les données de la morale stoïcienne et de la morale épicurienne ne semblèrent nullement incompatibles avec celles de la morale chrétienne. Qui peut trouver à redire à la sagesse stoïcienne d'acceptation de l'inévitable ? Il suffit de remplacer l'idée païenne de l'ordre du monde par celle, chrétienne, de pro-vidence. L'épicurisme, avec sa doctrine de modération et de juste milieu, est-il condamnable ? Le scepticisme même, en faisant table rase des idées reçues, n’est-il pas une espèce de préparation à la foi ?
L'attitude des humanistes envers la Réforme fut diverse et influencée par le cours des événements. Le protestantisme à ses débuts avait de quoi les attirer - sa dénonciation des abus de l'Église, son hostilité envers la tradition médiévale, son intention de remonter aux sources de l'Écriture - l'hébreu pour l'Ancien Testament et le grec pour le Nouveau. Bon nombre d'humanistes furent favorables à Luther. Mais leur enthousiasme se refroidit en présence de Calvin. Ce dernier était lui-même un humaniste, à sa façon. Néanmoins il n'aimait pas les humanistes, qu'il accusait à la fois d’arrogance et de lâcheté, alors qu'eux considéraient les huguenots comme des perturbateurs de la paix publique. Ronsard, dans ses Discours, les accuse de désoler le royaume, les rend responsables des misères de la guerre civile. Hommes de leur temps, les humanistes ne furent souvent tolérants que dans la mesure où ils avaient eux-mêmes besoin de la tolérance.

Ronsard,
Discours des misères de ce temps


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