LA RENAISSANCE VI

L’HUMANISME – LES BELLES LETTRES

Lyon était alors une ville active et prospère par son industrie de la soie et par sa banque, qu'avaient introduites les Italiens. C'était aussi un centre culturel. La bourgeoisie lyonnaise s'intéressait aux belles-lettres. Avec Louise Labé et Maurice Scève, Lyon fut, avec Paris, un des foyers de la Renaissance poétique. Mais le grand poète du temps, celui qui fut presque universellement respecté et admiré c'est Ronsard.

Louise Labé

Ronsard, Derniers vers


Protégé des rois, surtout de Charles IX qui le combla de faveurs, Ronsard a laissé une œuvre lyrique considérable, des odes, des élégies, des hymnes, des sonnets. Même si, avec le merveilleux sens du rythme qui était le sien, il emploie encore parfois des mètres poétiques du Moyen Age, il s'attache aux genres restaurés de l'Antiquité. Les sources de son inspiration sont la Grèce, l'Italie ancienne et moderne.

Dans ses odes, il s'inspire d'Horace, de Pindare et d'Anacréon, dans ses élégies de Tibulle, dans ses sonnets - genre italien - de Pétrarque. Sa poésie est éminemment sensuelle, sa vision des êtres et des choses est toute païenne. L'amour et la mort, la fuite du temps, la fragilité de la vie humaine et l'appel désespéré à jouir de cette vie avant qu'il ne soit trop tard sont ses thèmes habituels. Il voit volontiers la nature à travers les anciens mythes, il peuple ses forêts de sylvains, ses eaux de naïades. Ses meilleurs poèmes - car il est inégal et son inspiration est parfois livresque - ont une grâce, une puissance de suggestion ou une plénitude qui n'avaient jamais été atteintes en France avant lui, du moins dans ce genre de poésie.

Ronsard, Sonnets pour Hélène, II, XLIII :
Quand vous serez bien vieille, au soir à la chandelle,
Assise auprès du feu, dévidant et filant,
Direz chantant mes vers, en vous émerveillant :
« Ronsard me célébrait du temps que j'étais belle.»


Jean Antoine de Baïf

Autour de Ronsard se forma un groupe de poètes qui est resté célèbre sous le nom de « la Pléiade ». Ils étaient sept, comme le nombre des étoiles dans la constellation qui porte ce nom. Nul d'entre eux n'égala Ronsard, Belleau, Baïf ne furent que des étoiles de moindre grandeur.
Bien plus original fut, vers la fin du siècle, Agrippa d'Aubigné. Ses Tragiques sont une espèce d'épopée des guerres religieuses. Chez ce chef huguenot, la puissance d’invective se joint à une extraordinaire puissance d’évocation de cette période tourmentée. Sa poésie tendue, violente, où la ferveur religieuse se mêle à l'éclat des images empruntées aux saisons, aux éléments, aux choses naturelles est dans la tradition de la Pléiade, mais avec quelque chose de plus. Les thèmes de l'instabilité, du changement, de la métamorphose aboutissent à une vision apocalyptique du monde, à une sensibilité nerveuse, désordonnée, à une acuité des sensations visuelles, auditives et autres, qu'on a essayé de caractériser par le terme de « baroque » donné quelquefois à la littérature de la fin du seizième siècle et du début du siècle suivant.

Agrippa d’Aubigné

Les Tragiques,
Première page de l’édition princeps, 1616


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