Introduction à l'Art chinois:
I/ L'ÉVEIL DE LA CIVILISATION CHINOISE
Les traces des premiers êtres humains furent observées en Chine en 1918 dans les grottes de Zhoukoudian, près de Beijing (Pékin). Dès 1921, le Père Teilhard de Chardin et le professeur Bei Wenzhong entreprenaient sur ce site des fouilles systématiques. Ils dégagèrent ainsi en une décennie plusieurs crânes humains appartenant à la famille des Homo erectus (Hommes à station droite) qui furent dénommés « Hommes de Pékin » ou Sinanthropus pekinensis. Récemment, de nombreux fossiles humains datant du paléolithique inférieur et présentant des traits primitifs analogues à ceux de « l'Homme de Pékin » ont été repérés (site de Yiyuan, Shandong). L'Homo sapiens, à la capacité crânienne plus importante que celle du sinanthrope, est attesté par des exemples d'un type archaïque, comme les restes de la femme (?) de Jinniushan (Liaoning), découverts en 1984 et datés du Paléolithique inférieur (- 260 000 ans).
A - L'ÉPOQUE NÉOLITHIQUE
Le relevé de plus de six mille sites néolithiques sur le territoire chinois permet de mieux évaluer l'importance de cette période. Les plus anciens vestiges ont été mis au jour au Guangxi et au Guangdong (vers 8000 av. notre ère) et montrent l'apparition de la poterie. Au milieu de l'époque néolithique (7000-5000 av. notre ère), les sites sont plus nombreux et dispersés dans les diverses régions du pays, donnant lieu à des cultures aux particularismes locaux, comme la culture de Pengtoushan découverte en 1988 au Hunan et celle de Chengbeiqi au Hubei, proches du Yangzijiang. La majorité des sites appartiennent toutefois à la fin de l'époque néolithique (5000-2500 av. notre ère) et ont été repérés notamment dans les plaines loessiques du fleuve Jaune (cultures de Yangshao et de Dawenkou) ou le long du cours du fleuve Bleu (culture de Songzhe). Ils témoignent du développement de l'agriculture (millet) et des rites funéraires.
Les régions proches du fleuve Jaune présentent alors un essor important comme le montre la culture de Yangshao (Henan), premier site néolithique mis au jour en 1922 par le géologue suédois J.G. Anderson. Cette culture est caractérisée par l'utilisation d'une poterie rouge, fine, dont le corps a été égalisé à l'aide d'une spatule, poli, et orné de décors peints en noir, en brun ou en rouge. La cuisson s'effectuait entre 800° et 1000° C. en bordure du fleuve Jaune et de ses affluents. Les villages temporaires situés sur des terrasses alluviales, comme ceux de Banpo, de Jiangzhai et de Miaodigou I (Shaanxi) possèdent des traits communs. Un fossé de protection entourait le quartier d'habitation, et les maisons semi-souterraines ou construites au niveau du sol, de forme carrée, ronde ou rectangulaire, aux piliers de bois, étaient accessibles par une rampe ou quelques marches. Leur sol était recouvert d'un enduit et un foyer était placé au centre de l'unique pièce. Des fosses servant de greniers souterrains avaient été creusées dans les villages. Un cimetière et un site de fours étaient installés près du village de Banpo. Ici, les potiers cuisaient des jarres et des marmites montées au colombin (long boudin d'argile molle qui sert pour fabriquer des poteries sans tour), de facture grossière ou bien des bols, des bassins, des bouteilles et des gourdes plus finement exécutés et décorés en noir sur fond d'argile rouge de poissons (ill. 3) , de daims ou de masques humains vus de face. Des motifs appliqués ou incisés rehaussaient quelquefois ces céramiques.
La culture de la poterie peinte de Yangshao se perpétue dans les régions occidentales de la Chine (cultures de Majiayao, de Machang et de Qijia au Gansu) vers 2400-1600 av. notre ère avec de grosses jarres pansues, munies de paires d'oreilles et d'anses, ornées d'élégantes spirales peintes. Des motifs anthropomorphes (visages, personnages) sont modelés en relief et appliqués sur les corps des vases.
B - L'ÂGE DU BRONZE La réalisation d'objets rituels, de récipients et d'armes en bronze marque les périodes des Xia, des Shang et des Zhou. Ces bronzes archaïques, collectionnés et étudiés dès le XIe siècle par les empereurs et les savants de l'époque des Song, ont fait l'objet de fouilles scientifiques au début du XXe siècle. 1°) LES XIA La phase la plus ancienne de l'Âge du bronze a été identifiée au site d'Erlitou (vers 2100-1600 av. notre ère), près de Luoyang (Henan). Le niveau le plus ancien d'Erlitou serait contemporain de la fin de la culture de Longshan et pourrait appartenir à l'époque des Xia, dynastie légendaire antérieure aux Shang. Le niveau le plus récent daterait du début de l'époque des Shang. Les fondations en terre damée de deux bâtiments ont été mises au jour. Les bronzes qui y étaient enterrés sont encore peu nombreux ; leurs parois sont minces et ils reproduisent des formes de céramiques, comme les tripodes jue.
2°) LES SHANG
En 1928, on découvrit aux abords de la rivière Huan les vestiges de la ville d'Anyang, dernière capitale des Shang (vers 1300-1030 av. notre ère), bâtie par le roi Pan Geng. Les campagnes de fouilles successives ont révélé des tombes contenant un matériel de bronze très élaboré, des vestiges architecturaux ainsi que les premières traces d'écriture avec des inscriptions sur os servant aux oracles lors de divinations par scapulomancie (divination par l'interprétation des os éclatés à la chaleur. Pratiquée en Chine dès le néolithique, on y voit l'origine de l'écriture chinoise.) Le site couvre une superficie de 24 km 2 . Il se divise en deux zones principales : le centre urbain de Yinxiu est constitué des fondations de palais en terre damée selon la technique du hanglu (couches superposées de terre damée d'environ 8 à 10 cm d'épaisseur chacune), de maisons rectangulaires, de fours, de fonderies et d'ateliers du travail de l'os et du jade.
Ill. 7. Principaux vases rituels en bronze.Vases à boissons alcoolisées.
Ill. 7. Principaux vases rituels en bronze. Récipients à eau (pan et pou) et récipients à nourriture.
Le motif le plus fréquent est celui du taotie ( ill. 9 ), animal fantastique aux yeux globuleux et au corps souvent composé de deux animaux vus de profil. Cigales, oiseaux à huppe, animaux à cornes se détachent en relief sur un fond de spirales fines. Ces bronzes archaïques ont acquis au cours de leur long ensevelissement sous terre une patine bleue ou verte qui ajoute à leur beauté.
Ill. 9. Masque de taotie .
Les fouilles conduites depuis la dernière guerre sur de nombreux sites, dans les diverses régions de la Chine , montrent une connaissance de la technologie du bronze dans des régions éloignées de la Chine centrale (Henan, Shaanxi, Shanxi), comme les provinces du Hubei, du Hebei, du Hunan, du Jiangxi, du Zhejiang. Elles ont fait apparaître des spécificités régionales ( ill. 11 ). La culture de Shu (Sichuan) est remarquable par l'originalité de ses bronzes où, à la différence d'Anyang, domine la représentation humaine : l'étonnante statue d'homme en bronze, haute de 2,62 m et une quarantaine de têtes humaines (des divinités ?), à l'origine recouvertes de feuilles d'or, découvertes dans les tombes de Sanxingdui, ont un aspect rigide et des formes stylisées. Ill. 11. Récipient rituel ( yü ) en forme de tigre dévorant un homme. Bronze. Époque des Shang (1300-1050 av. notre ère). Chine du Sud. Les Musées de la Ville de Paris, musée Cernuschi.
3°) LES ZHOU
Au cours de la phase d'Anyang, les souverains Shang s'opposent dans des conflits armés au clan des Zhou. Ceux-ci, installés dans la vallée de la rivière Wei (Shaanxi), édifient un important palais à Qishan dont les ruines d'une trentaine de salles ont été mises au jour. Après avoir remporté des succès militaires sur les Shang, ils occupent Anyang. Le passage du pouvoir entre les mains des Zhou ne marque pas un changement brutal de la culture, et le début de l'époque des Zhou (Zhou occidentaux) profite des acquis Shang. Cependant, des envahisseurs barbares mettent fin à la dynastie des Zhou occidentaux en 771 av. notre ère, pillant la capitale située près de l'actuelle Xi'an (Shaanxi), et la cour se réfugie à Chengzhou (près de Luoyang, Henan). Mais la suprématie des Zhou est fortement ébranlée et l'État est morcelé en principautés qui se disputent l'hégémonie. La Chine entre dans un système féodal. La période des Zhou orientaux (770-256) est subdivisée en deux phases : la période des Printemps et Automnes (770-481), du nom des annales du royaume de Lu, au Shandong, patrie de Confucius, et la période des Royaumes Combattants (481-222) durant laquelle les États vassaux ambitieux (États de Qi au Shandong, de Jin au Shanxi, de Qin au Shaanxi et de Chu au Hubei) achèvent de dégrader l'autorité centrale. En 256 av. notre ère, le plus puissant d'entre eux, l'État de Qin, anéantit ce qui restait du royaume des Zhou.
À l'époque des Zhou orientaux, les bronzes perdent leur symbolisme religieux et deviennent l'apanage des princes locaux. Les inscriptions portées sur le fond des pièces font état d'affaires privées (VIIIe-VIe siècle), et mentionnent le nom du fondeur, le poids et le volume du bronze (Ve-IIIe siècle).
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