Introduction à l'Art chinois:
II – LE PREMIER EMPIRE CHINOIS ET LES INVASIONS BARBARES
A - QIN SHI HUANGDI
Le prince Zheng qui accède au trône de l'État de Qin en 246 av. J.-C. réalise l'unité de la Chine en conquérant et en regroupant, sous sa bannière, tous les États féodaux. En 221 av. J.-C., il se pare du titre de Qin Shi huangdi, « premier empereur de l'État de Qin », fondant une ère nouvelle de paix et de stabilité. La mise en place d'une organisation centralisée, l'uniformisation des poids et des mesures, de la monnaie et des essieux de chars, la réforme du système d'écriture constituent les bases de sa politique. Les travaux d'irrigation, la construction des routes impériales et le renforcement des murailles déjà élevées par les peuples chinois du Nord pour se protéger des incursions barbares visent à consolider son empire. La puissance du souverain est exaltée par l'architecture imposante de sa capitale, Xianyang, dans laquelle il fait reconstruire les palais des princes féodaux qu'il a soumis.
Son mausolée funéraire était à la même mesure. La spectaculaire découverte de cet immense tumulus et de ses chambres souterraines en 1974 est venue confirmer le récit de l'historien Sima Qian de l'époque des Han. Celui-ci faisait état de sept cent mille personnes employées pendant trente-huit années à la construction de cette tombe. Le tumulus de forme pyramidale à trois étages atteignait 43 m de hauteur et était entouré de deux murs d'enceinte. Trois chambres souterraines, situées à l'intérieur du périmètre du champ funéraire, ont livré un ensemble prestigieux. La chambre n° 1 ( ill. 18 ), de forme rectangulaire, contenait plus de six mille figures ( ill. 16 ) de guerriers cuirassés, de chasseurs, de fantassins, d'archers, de cavaliers et de chevaux en terre cuite de 1.70 m à 2 m de hauteur, escortant le défunt, alignés dans l'ordre d'une formation militaire, dans des couloirs pavés de briques et couverts de poutres reposant sur des piliers de bois. Ill. 18. Restitution hypothétique de la fosse n° 1 de la tombe de l'empereur Qin Shi huangdi.
À l'ouest du mausolée, furent exhumés en 1981 deux chars en bronze, en modèle réduit, chacun attelé de quatre chevaux de bronze incrusté d'or et d'argent et peint de motifs de phénix et de dragons. Ces premières statues funéraires préfigurent les réalisations sculpturales en pierre associées aux tombes de l'époque des Han.
B - LES HAN
À la mort de Qin Shihuangdi (210 av. J.-C.), l'empire est ébranlé par des insurrections populaires. Le règne de son fils est de courte durée et les révoltés se regroupent autour d'un ancien aristocrate, Xiang Yu, et d'un homme du peuple, Liu Bang. Ce dernier envahit la capitale et se proclame empereur d'une nouvelle dynastie appelée Han. Cette période qui voit l'essor de la culture chinoise est divisée en deux phases. Les empereurs de l'époque dite des Han antérieurs ou occidentaux siègent dans la capitale de Chang'an (206 av. - 9 apr. J.-C.). Après la brève usurpation du trône par Wang Mang (9-24), la dynastie est rétablie dans la ville de Luoyang (époque dite des Han postérieurs ou orientaux, 25-220).
Il ne subsiste de Chang'an que quelques murs et terrasses de terre damée servant de soubassement à des architectures en bois. Une haute muraille, longée à l'extérieur par un fossé et percée de douze portes, enfermait la cité. Palais et demeures privées de la famille impériale occupaient le sud de la ville. Ces constructions ont aujourd'hui disparu, mais la richesse de leur décor intérieur (bois peints, incrustés de métal ou de pierres semi-précieuses, peintures murales et tentures de soie) est évoquée dans les récits anciens. Les deux marchés de la ville recevaient des produits des provinces et des pays lointains. La route de la soie qui unissait le monde méditerranéen (Palmyre (capitale de la Palmyrène (Syrie), située dans une oasis, entre Damas et l'Euphrate), Antioche (capitale de l'Empire séleucide, aujourd'hui Antakya, en Turquie)) à la capitale chinoise après avoir traversé les oasis d'Asie Centrale, était sillonnée par les caravanes et les marchands qui fournissaient à l'Occident le précieux tissu en échange de chevaux, de tapis ou de fourrures. Mais des modes de pensée et des courants artistiques circulaient également le long de cette voie.
Les sépultures de l'époque des Han sont le reflet du haut niveau de développement artistique atteint tant dans la capitale que dans les provinces. Elles demeurent une source d'informations inestimable sur la vie quotidienne, les structures politiques et les coutumes de l'époque. Le tumulus abritant la sépulture est entouré d'un champ funéraire. L'entrée de ce champ est indiquée par une paire de piliers décorés des animaux des quatre orients (phénix, tortue, dragon et tigre). Une ou plusieurs voies, appelées « chemins de l'âme », sont bordées de piliers, de stèles et de statues, et conduisent à l'entrée de la sépulture. Une chambre d'offrandes ainsi que la stèle généalogique du défunt marquent l'entrée. Un couloir souterrain incliné mène aux diverses salles et vestibules qui constituent un véritable palais souterrain. À l'époque des Han antérieurs, les parois de la chambre funéraire sont constituées de briques creuses ornées de motifs peints ou estampés, évoquant le ciel et les constellations, les animaux et les protecteurs du défunt. Sous les Han postérieurs, l'emploi de petites briques pleines estampées (c'est-à-dire sur lesquelles on a imprimé une empreinte gravée sur un moule) se généralise.
La bannière en forme de T figurant l'ascension de la défunte vers le ciel parmi des animaux fabuleux, en soie peinte, est une preuve tangible du développement du tissage de cette étoffe. La vaisselle de laque, les figurines de bois peintes ou habillées de vêtements réels, les manuscrits sur soie, sur bois ou sur bambou, les cercueils emboîtés, peints et laqués, suggèrent la position importante des défunts.
Les mingqi réalisés suivant les mêmes techniques font preuve d'une grande richesse d'invention : gens du peuple vaquant à leurs occupations, animaux domestiques, modèles d'architecture ( ill. 23 ) sont moulés dans l'argile.
Ill. 23. Mingqi en forme de maison. Terre cuite peinte. Époque des Han.
La statuaire est essentiellement funéraire. Les seize statues massives en granit qui étaient placées le long de l'allée funéraire conduisant à la tombe du général Huo Quping (140-117 av. J.-C.) conservent la monumentalité des statues de guerriers de la tombe de Qin Shihuangdi. La sculpture s'exprime encore dans la taille du jade : chimères ( ill. 24 ), dragons, oiseaux gagnent en volume et en réalisme.
C - LES TROIS ROYAUMES ET LES SIX DYNASTIES
Les pressions des barbares au nord et au nord-ouest de l'empire affaiblissent la dynastie des Han. Elle s'effondre à la suite de révoltes paysannes dont la plus importante est celle des Turbans jaunes en 184. L 'empire est morcelé en trois royaumes, celui de Wei dans le bassin du fleuve Jaune, de Chu au Sichuan et de Wu au sud du Yangzijiang. La réunification par le fondateur de la dynastie Jin (dynastie des Jin occidentaux 280-316) n'est que de courte durée et les tribus barbares se partagent les régions septentrionales de la Chine jusqu'au VIe siècle. Les Jin, réfugiés à Nanjing, installent une cour où ils tentent de faire revivre la culture chinoise dont ils se proclament les seuls héritiers.
Dans le nord de la Chine , les envahisseurs Tuoba (Wei) deviennent de fervents adeptes du bouddhisme. De nombreux édifices sont construits à la gloire de la nouvelle religion. Les formes artistiques et les traditions iconographiques venues du monde indien sont transmises à la Chine qui les adopte et les modifie selon ses propres aspirations. Introduit probablement au début de notre ère sur le sol chinois, le bouddhisme se propage sous la forme du Grand Véhicule (Mahâyâna). Les bouddha (dans le bouddhisme, celui qui atteint la connaissance parfaite et la sérénité) et les bodhisattva (terme désignant un individu qui a atteint le plus haut degré de la sainteté bouddhique) , êtres de miséricorde, sont représentés assis ou debout, exécutant des gestes symboliques des mains (sanskrit : mudrâ, chinois : yin ) ou tenant des attributs particuliers.
Cependant, les Wei du Nord (386-534) encouragent la réalisation de grands sanctuaires rupestres à Yungang (Shanxi) ( ill. 27 ), à partir de 460.
Parois et plafonds des grottes sont couverts de niches abritant des divinités et des bas-reliefs décrivant les vies antérieures du Bouddha historique Shâkyamuni.
Le transfert de la capitale des Wei de Datong à Luoyang en 494 est marqué par l'aménagement d'un nouveau centre religieux à Longmen dont l'embellissement se poursuivra jusqu'à la chute des Wei occidentaux et orientaux (535-549).
L'art funéraire ( ill. 31 ) garde un rôle privilégié au cours de cette période. Les tombes à peintures sur brique, datant des Wei et des Jin de l'Ouest, découvertes à Jiayuguan (Gansu) saisissent avec spontanéité quelques aspects de la vie quotidienne et agreste (champêtre). Les allées d'accès aux sépultures impériales de la région de Nanjing offrent des exemples de l'art animalier en ronde-bosse. Les lions et les chimères, au large poitrail et au dos fortement cambré, semblent prêts à bondir.
Les peintres de la période des Six Dynasties nous sont connus grâce aux ouvrages anciens chinois. Malheureusement, aucune œuvre ne peut leur être attribuée avec certitude. Toutefois, les procédés picturaux en usage au cours de cette période nous sont rendus par quelques copies anciennes de peintures sur soie et par des compositions découvertes dans les tombes.
Les mêmes conventions apparaissent sur les fragments d'un paravent en bois laqué et peint, découverts dans la tombe de Sima Jinlong (484) à Datong (Shanxi). Hommes et femmes, parangons (modèles) de vertu et de piété filiale, identifiables à l'aide d'inscriptions disposées dans des cartouches, sont encore représentés isolément, assis ou debout, sans essai de rendu atmosphérique. Au VIe siècle, il semble que l'artiste, tout en conservant certains procédés stylistiques existant antérieurement, réussisse à composer des scènes continues dans lesquelles les personnages et les animaux se meuvent dans un même espace recréé. Les rochers et les arbres disposés en plans successifs, les feuillages agités par le vent montrent une analyse plus poussée des phénomènes naturels (sarcophage de la piété filiale, Kansas City, Nelson Gallery).
____________
|
|||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||