Introduction à la civilisation chinoise :

 

  LES ENJEUX DE LA CHINE AU XXIe SIECLE :

 

II - POLITIQUE

 

A - DEFIS SOCIAUX

 

La gestion d'un chômage croissant oblige les autorités chinoises à réfléchir à la mise en place d'un véritable système de protection sociale. D'une manière générale, l'ensemble des prestations sociales connaît une baisse de leur qualité, générant un profond mécontentement.

 

1°) Les oubliés de la croissance

 

Le manque de développement des campagnes de l'inté­rieur d'une part, les faillites et réductions d'effectifs associées à la réforme des entreprises d'État d'autre part, confrontent la Chine aux graves insuffisances de son système d'indemnisation du chômage.

 

Celui-ci exclut totalement les campagnes et, dans les villes, repose sur les Danwei (voir ci-dessous), qui licencient et qui se trouvent précisément dans l'incapacité d'indemniser leurs ex-employés. Or il n'existe aucun dispositif national pour pallier ces défaillances, et le recours vient d'ordinaire de plans de secours des autorités locales, souvent longs à se mettre en place et peu généreux faute de moyens. Le système des retraites est victime des mêmes insuffisances. Les retraites des anciens employés des entreprises d'État, dont le versement fait également partie des charges incombant à leur ancienne Danwei, sont en effet payées avec beaucoup de retard, voire pas du tout dans certains cas de mise en faillite. Les retraités rejoignent alors les chômeurs dans la position humiliante de dépendants de l'aumône de la collectivité.

Un modèle défunt : La Danwei , « unité » dont dépendaient les employés des entreprises d'État, était en charge de tout leur environnement social (logement, santé, éducation...). Face à la course à la rentabilité, elle est de moins en moins capable d'assumer ce rôle.

 

2°) La déliquescence du système social

 

D'autres prestations majeures attendues de l'État - éducation et santé - présentent également des signes de détérioration. Confrontée, elle aussi, à la disparition des ressources des unités de travail qui la finançaient, l'école chinoise - qui avait constitué un grand succès du régime, menant le taux d'alphabétisation à 85 % de cette énorme population - est de moins en moins gratuite, et partant de moins en moins accessible à tous. Le sys­tème d'éducation est également confronté au problème de l'exclusion de toute une partie de la population : celle des immigrants de l'intérieur, qui, en situation illégale, ne peuvent inscrire leurs enfants à l'école.

 

Le système médical de la Chine , relativement bon pour un pays en développement, est par contre régulièrement confronté aux dysfonctionnements qu'induit l'intervention du politique. Les autorités ont ainsi mis des années à admettre que la Chine était également concernée par l'épidémie mondiale de sida, laissant l'épidémie se propager. Une autre illustration de ce sacrifice de la santé publique à l'opacité politique est constituée par l'épi­démie de pneumopathie atypique (syndrome respira­toire aigu sévère, SRAS) qui paralyse une partie du pays au printemps 2003. Avérée dès l'automne 2002, il aura fallu qu'elle soit exportée et provoque un début d'épidémie mondiale pour que le gouver­nement chinois reconnaisse son existence et commence à la combattre.

 

3°) La corruption, plaie du régime

Face à ces défaillances du système social, la réaction populaire est d'autant plus vive vis-à-vis de la corruption, fléau devenu omniprésent à tous les niveaux de l'adminis­tration. Les autorités ont fait de son recul une priorité, et délivré des messages forts par certains exemples à la fin des années 1990 (voir ci-dessous). Mais, en 2004, pas moins de 42 000 cas de corruption ont été jugés en Chine, donnant une idée de l'ampleur du phénomène.

Avertissements à haut niveau  : Parmi les procès qui signalent le niveau auquel est arrivée la corruption, et la volonté de la combattre, le plus emblématique est celui de Chen Xitong. En 1998, l 'ancien responsable du Parti communiste pour la municipalité de Beijing est condamné à seize ans de prison.

 

B - NOUVELLES CONTESTATIONS

 

La dégradation du système social génère un mécontentement croissant, qui s'exprime par des manifestations spontanées mais pourrait aussi ressusciter des formes plus organisées de contestation du pouvoir. Elle ouvre également la voie aux organisations qui tirent profit d'activités illégales.

 

1°) Protestations rurales et urbaines

 

Le mouvement populaire de 1989, interrompu par l'intervention de l'armée place Tian'anmen, était à son origine une contestation des retombées sociales des réformes économiques (en l'occurrence l'inflation). Sa brutale répression et la surveillance attentive des autorités depuis ont empêché la réapparition d'un phénomène comparable. Mais, depuis le milieu des années 1990, la Chine enregistre une multiplication des incidents locaux à motivation sociale, d'ampleur très variable (sit-in, manifestations, mais aussi émeutes), qui se comptent dorénavant en milliers chaque année. Dans les villes, ces manifestations sont avant tout dirigées contre la montée du chômage et les retards de paiement des retraites. Si leur répression policière paraît marquée par une certaine retenue, les autorités veillent à ce qu'aucun mouvement syndicaliste indépen­dant ne puisse s'organiser autour.

 

Dans les campagnes, la plupart des protestations sont déclenchées par des abus locaux, les décisions portant notamment sur les impositions arbitraires étant très mal acceptées par une population paysanne paupérisée. Lorsque des abus trop criants sont signalés aux autorités, celles-ci interviennent en général contre les responsables locaux, notamment dans le cadre de la lutte contre la corruption.

Les moyens de la répression : Faute de trouver des solutions aux troubles sociaux, les autorités préparent leur répression. La Police armée populaire, milice destinée au maintien de l'ordre, a vu ses effectifs passer de 500 000 à 1 200 000 membres entre 1989 et 2000.

 

2°) Le retour des sociétés secrètes ?

 

La répression ou le désamorçage de crises locales s'efforcent donc d'éviter l'organisation de mouvements de contestation de grande ampleur. Cependant, face à l'impossibilité de s'exprimer ouvertement, les frustrations sociales pour­raient favoriser la renaissance d'une longue tradition chinoise : celle des sociétés secrètes à visées politiques plus ou moins affirmées.

 

C'est en tout cas ce que suggère l'apparition au grand jour de la secte Falungong. Cette société secrète (voir ci-dessous) manifeste au cœur de Beijing en 1999, en réclamant d'être reconnue par les autorités comme interlocuteur sur les questions sociales. Son interdiction immédiate, au contraire, et les milliers d'arrestations qui la suivent, témoignent de la méfiance du pouvoir chinois. Cette réaction tient au rôle récurrent des sociétés secrètes dans les bouleversements politiques de l'histoire chinoise. Depuis les Huangjin (« Turbans jaunes »), au IIe siècle, jusqu'aux Taiping (« Grande Paix »), au XIXe, toutes les dynasties impériales ont été renversées ou décisivement affaiblies par des sociétés secrètes.

Falungong  : « la société de la Roue de la Loi ». Ce mouvement parareligieux associe des pratiques d'inspiration taoïste (recherche des énergies vitales, arts martiaux) et des références au bouddhisme ( la Roue de la Loi est celle qu'a mis en marche l'enseignement de Bouddha).

 

3°) Le retour des triades ?

 

Une autre forme de contestation du pouvoir, d'une nature très différente des deux précédentes, consiste dans le retour des triades. Ces organisa­tions criminelles, équivalents chinois de la Mafia , s'étaient réfugiées en 1949 à Hong Kong et Taïwan. Mais l'explosion économique et la corruption généralisée des années 1990 leur ont permis de reprendre pied en Chine, et d'y faire école. Après une période de rapports ambigus, au milieu des années 1990, le pouvoir a pris conscience de la menace constituée par ces orga­nisations criminelles parmi les plus grandes du monde et engagé une politique de répression beaucoup plus affirmée depuis 1996.

 

C - LES DROITS DE L'HOMME

 

Le caractère souterrain que peut prendre la contestation du pouvoir tient à l'absence de possibilité d'expression ouverte. La Chine cumule en effet l'interdiction de toute opposition politique et un système judiciaire très répressif.

 

1°) La fin du totalitarisme

 

La fin du maoïsme et l'entrée dans l'ère des réformes ont signifié un changement essentiel pour la Chine , avec l'abandon de la prétention au contrôle total de ses administrés par l'État. En 1997, l 'abolition du délit de « crime contre-révolutionnaire » est venue signifier le renoncement à l'adhésion idéologique forcée au régime. Le contrôle par le pouvoir des agissements des individus reste par contre à l'ordre du jour, avec un système judiciaire dans lequel juges, mais aussi avocats, ont des comptes à rendre à l'État et au Parti communiste.

Campagnes meurtrières  : L'exemplarité donnée à la peine de mort se traduit par des hausses brutales du nombre de condamnations à l'occasion des campagnes officielles lancées contre la criminalité en 1996, la campagne « Frapper fort » aboutit à plus de 4 000 exécutions officielles sur l'année.

 

2°) Le maintien de la dictature

 

Ce système sert notamment à réprimer toute forme d'opposition politique organisée. Si la notion de « crime contre-révolutionnaire » a été abolie, elle a été remplacée par celle de « crime contre la sûreté de l'État ». Confondu avec cet État, le Parti communiste chinois n'entend rien céder de son monopole du pouvoir.

 

Les dissidents issus des deux grands mouvements démo­cratiques de l'après-Mao - le « printemps » de 1978 et la contestation populaire de 1989 - en ont lourdement fait les frais, avec une exemplarité évidente. Wei Jingsheng, promoteur de l'idée démocratique, est condamné dès 1979 à quinze ans de prison, puis à une peine de la même durée en 1995 pour des interviews accordées à des journalistes étrangers. Wang Dan, leader étudiant en 1989, ne sort de prison que quelques mois en 1996, avant d'être condamné à douze ans de prison pour avoir pris des contacts à l'étranger. La seule concession faite par Beijing sous la pression étrangère, à la fin des années 1990, consiste dans la transformation de ces peines en exil pour les dissidents les plus voyants. Wei (en 1997) puis Wang (en 1998) sont ainsi expulsés du pays. Mais la répression reste implacable : en 1998, Xu Wenli, Qin Yongmin et Wang Youcai sont condamnés à des peines de onze à treize ans de prison pour avoir tenté de faire enregistrer légalement un parti politique démocrate.

 

 

3°) Un système très répressif

 

Cette chape de plomb politique mais aussi la gestion des affaires de droit commun reposent sur un système judiciaire et policier très répressif.

 

Ce système s'appuie sur une structure pénitentiaire marquée par la volonté de briser les individus : en marge des prisons classiques, il compte plus de 500 camps de « rééducation par le travail » (Laogai), où les conditions de détention sont extrêmement dures. La répression s'appuie également sur un recours extrêmement fréquent à la peine de mort. En 2005, selon Amnesty international, les 1 800 cas relevés en Chine représentent plus de 80 % des exécutions officielles recensées dans le monde (pour 20 % de la population mondiale). La peine de mort est appliquée pour les crimes de sang, mais également pour des délits économiques (corruption, trafics, vol).

 

Et l'attention se porte depuis la fin des années 1990 sur la question des exécutions extrajudiciaires, imputables aux forces de l'ordre ou à des autorités locales. On estime en 2005 à au moins 6 000 le nombre d'exécutions sommaires qui seraient ainsi perpétrées chaque année, traduisant la faible place accordée aux droits de l'homme dans la Chine qui entre dans le XXIe siècle.

La question du Tibet  : « Libéré » et occupé depuis 1950 par l'armée chinoise, le Tibet est soumis à une répression qui s'est faite plus discrète depuis les années 1980 sous la pression internationale, mais qui reste permanente et recourt couramment à la torture.

 

D - L'ORGANISATION DU POUVOIR

 

Le système politique chinois est défini par la confusion entre l'État et le Parti communiste. Si ce dernier est le plus grand parti politique du monde, c'est à son sommet, entre une poignée de dirigeants, que se décide l'avenir du pays le plus peuplé de la planète.

 

1°) Un appareil administratif géant

 

Le système administratif chinois se doit de relayer les décisions du pouvoir central auprès de la population la plus nombreuse du monde. Pour ce faire, le pays est d'abord divisé en 33 provinces ou entités assimilables (régions autonomes, municipalités autonomes et régions administratives spéciales, que leur population rend comparables aux pays du reste du monde (voir ci-dessous).

Comparaisons  : Si les provinces chinoises étaient classées parmi les pays du monde, la plus peuplée, le Henan (96 millions d'habitants en 2002), viendrait en onzième position, à égalité avec le Mexique. Les deux suivantes, le Shandong (91 millions) et le Sichuan (86 millions), viendraient juste après, et devant l'Allemagne.

 

Régions autonomes : régions dotées d'une autonomie limitée par rapport au pouvoir central, en raison de la présence d'ethnies minoritaires. La Chine compte cinq régions autonomes (Mongolie-Intérieure, Xinjiang, Tibet, Ningxia et Guangxi).

 

Municipalités autonomes : statut spécial conféré aux quatre plus grandes villes de Chine (Beijing, Shanghai, Tianjin et Chongqing), les faisant dépendre directement du pouvoir central au même titre que les provinces.

 

Ces gouvernements provinciaux organisent pour leur part les quelque 2 200 districts (Xian) entre lesquels est divisé le pays. C'est à ce niveau que s'effectue l'essentiel du contact entre l'intervention de l'État (justice, police...) et la population. Le dernier niveau de division administrative du pays, le canton (Xiang), fournit en effet essentiellement le cadre de la régulation des rapports locaux. Réunions de villages ou de quartiers, les cantons sont au nombre de quelque 50 000.

 

Tout cet appareil du pouvoir d'État est doublé par celui du Parti communiste chinois (PCC). Avec 71 millions de membres inscrits en 2006, c'est le plus grand parti politique du monde. Son succès vient bien sûr du fait qu'il est incontournable pour exercer une fonction officielle en Chine - et aussi, souvent, pour y faire des affaires.

 

2°) Les leviers du pouvoir

 

Le cœur du pouvoir se trouve donc au cœur du PCC. Ce sont les sept membres du Comité permanent du Comité central du Bureau politique du Parti, sommet de la pyramide qui débute avec les élections de représentants locaux, qui détiennent le pouvoir.

 

Comité central du Bureau politique du Parti communiste chinois : organe suprême du Parti, c'est l'endroit où se prennent les décisions importantes, que le gouvernement (Conseil des affaires d'État) ne fait qu'appliquer. Le Comité permanent du Comité central regroupe les personnages les plus importants de l'État.

 

Ces membres du Comité permanent se voient d'ordinaire répartir les fonctions d'État qui correspondent à l'échelon central du pouvoir : présidence de la République populaire ; poste de Premier ministre (chef du gouverne­ment) ; présidence de l'Assemblée populaire nationale (dont les 3 000 délégués sont issus d'élections pyramidales commencées au niveau des cantons) ; présidence de la Conférence consultative politique du peuple chinois ; présidence de la Commission militaire centrale (la plus stratégique, même si la plus importante est la Commission militaire centrale du PCC, qui la double).

 

3°) La lutte pour le pouvoir central

 

Le caractère non démocratique de la Chine communiste lui a valu de prolonger une tradition d'opacité et de luttes de factions autour du pouvoir central héritée du système impérial.

 

La période maoïste est ainsi traversée, de l'affaire Gao Gang (accusé de préparer un coup d'État), en 1954, à l'affaire Lin Biao (dauphin de Mao avant de le trahir), en 1971, de manœuvres souvent brutales (Gao se « suicide » en prison, Lin est assassiné dans des circonstances mystérieuses) autour du pouvoir central. L'après-maoïsme verra un adoucissement des méthodes, mais les luttes de factions resteront tout aussi vives. Après l'élimination des néomaoïstes en 1978, les années 1980 et 1990 voient des luttes serrées entre réformistes et adversaires des réformes qui se termineront à l'avantage des premiers. Quant à la « quatrième génération » de dirigeants, elle pourrait être divisée par un débat entre partisans et adversaires d'une démocratisation très limitée (ne concernant que les élections de cantons).

 

Démocratisation très limitée  : L'ensemble des élections, des cantons à l'Assemblée populaire nationale, se fait sur listes approuvées par le PCC. Une ouverture à des candidats non membres du Parti a été entamée à la fin des années 1980, mais elle ne concerne jusqu'en 2007 que les comités de village et quelques cantons à titre expérimental.

 

 

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